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Le virtuel creuse son sillon : Les dessous du cimetière familial Henson

Utilisation d’un géoradar au cimetière familial Henson en 2011.

Photo : Utilisation d’un géoradar au cimetière familial Henson en 2011.

Par

Dena Doroszenko

Le patrimoine Noir, L'archéologie

Published Date: nov. 10, 2011

Nous sommes nombreux à avoir oublié l’immense influence du roman de Harriet Beecher Stowe, La Case de l’oncle Tom, à l’époque de sa publication, en 1852. L’ouvrage a servi de catalyseur en prônant un changement positif et radical, et en incitant la société à rejeter l’esclavage, aux États-Unis et partout dans le monde. Peu après la parution de son roman, Harriet Stowe a reconnu que celui-ci tirait son inspiration des mémoires de Josiah Henson, qui avaient été publiées quelques années auparavant, en 1849.

Josiah Henson, célèbre abolitionniste et prédicateur, a été l’un des conducteurs les plus connus du chemin de fer clandestin, ainsi que l’un des fondateurs de l’établissement Dawn, à Dresden, en Ontario. Le site historique de la Case de l’oncle Tom, qui est situé au cœur de l’établissement Dawn, est détenu et géré par la Fiducie du patrimoine ontarien. Deux cimetières historiques jouxtent la propriété : l’un est le cimetière du British American Institute, l’autre celui de la famille Henson. La dernière demeure de Josiah Henson se situe au cœur du cimetière familial Henson, au sein duquel on continue aujourd’hui d’inhumer les descendants de cette famille. Toutefois, des registres ont été égarés au fil des ans, ce qui explique qu’il est aujourd’hui difficile d’identifier l’emplacement de chaque sépulture. Bien que de nombreuses pierres tombales soient visibles dans les deux cimetières, elles ne marquent pas toujours précisément l’emplacement d’une tombe.

En partenariat avec le programme Sustainable Archaeology de l’Université Western Ontario, la Fiducie a entrepris des recherches pour savoir combien de tombes sont enfouies dans le sous-sol des deux cimetières. Lancée en 2008, la première tentative, qui fait appel à un gradiomètre, est dirigée par Edward Eastaugh, superviseur archéologue et chef de l’équipe de sondage de l’Université Western Ontario. En archéologie, le sondage par gradiomètre s’appuie sur la mesure d’infimes variations du champ magnétique terrestre, qui sont produites par l’activité humaine.

Les résultats obtenus sur le site historique de la Case de l’oncle Tom à l’issue des deux sondages par gradiomètre sont encourageants, même s’ils demeurent non concluants. Bien que de nombreuses variations aient été relevées dans les deux cimetières, Utilisation d’un géoradar au cimetière familial Henson en 2011. Le virtuel creuse son sillon : Les dessous du cimetière familial Henson Par Dena Doroszenko reste à savoir si elles indiquent la présence de tombes historiques, celle de matériaux de construction éparpillés ou les deux. D’autres éléments contribuent à compliquer l’interprétation des résultats, comme le fait que cette zone renferme de très nombreux objets en fer, y compris dans des sépultures récentes; de vastes sections du sondage présentaient en abondance des variations extrêmement prononcées.

Au vu des résultats mitigés obtenus lors du premier sondage, l’équipe revient sonder le cimetière familial Henson le 2 août 2011, cette fois à l’aide d’un géoradar. Cette méthode implique la transmission à travers le sol d’impulsions radars à haute fréquence, à partir d’une antenne située en surface. On mesure ensuite le temps qui s’écoule entre le moment où le signal est transmis, répercuté par des matériaux enfouis dans le sol ou des variations de terrain, puis renvoyé à la surface. Une fois qu’on a mesuré et enregistré plusieurs milliers de réflexions radars, on peut s’en servir pour créer une image tridimensionnelle du sol et de ses variations. Cette approche non invasive minimise les perturbations en surface, ce qui est crucial quand on cartographie un cimetière historique.

Les résultats préliminaires obtenus par le sondage réalisé par géoradar en 2011 indiquent que le cimetière familial Henson abrite un nombre de sépultures bien plus important qu’on le supposait. Vingt-quatre pierres tombales s’élèvent dans le cimetière. Les images ci-dessus montrent les résultats du sondage pour une section du quadrillage de 10 mètres sur 10; ces résultats sont similaires à ceux observés dans le reste du cimetière. Les tombes signalées par les pierres tombales sont visibles près de la surface. On repère également des puits funéraires enfouis plus profondément dans le sol. Même si seules quatre tombes sont indiquées en surface, on peut en dénombrer au moins 12.

Les résultats du sondage seront communiqués au site historique de la Case de l’oncle Tom, à la famille Henson, au comté d’EssexKent et seront présentés à l’occasion de la conférence de la Society for Historical Archaeology, qui se tiendra en janvier 2012 à Baltimore, dans le Maryland – non loin du lieu de naissance de Josiah Henson. L’équipe espère pouvoir se rendre de nouveau à Dresden en 2012 pour réaliser un sondage par géoradar du cimetière du British American Institute, afin de faire progresser nos connaissances à propos de l’établissement Dawn et de l’héritage de Josiah Henson.

Figure A : Les premiers résultats obtenus par géoradar pour l’une des sections du quadrillage du cimetière familial Henson. Les zones qui apparaissent en rouge marquent l’emplacement de deux tombes, ce qui est confirmé par la présence de deux pierres tombales.

Photo: Figure A : Les premiers résultats obtenus par géoradar pour l’une des sections du quadrillage du cimetière familial Henson. Les zones qui apparaissent en rouge marquent l’emplacement de deux tombes, ce qui est confirmé par la présence de deux pierres tombales.

Figure B : Il s’agit de la même section que dans la figure A, mais l’analyse des couches de terrain, effectuée plus en profondeur, révèle la présence d’au moins six autres tombes.

Photo: Figure B : Il s’agit de la même section que dans la figure A, mais l’analyse des couches de terrain, effectuée plus en profondeur, révèle la présence d’au moins six autres tombes.