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La lutte pour la liberté

Dévoilement d‘une plaque provinciale commémorant le “Corps d’hommes de couleur” (1994)

Photo : Dévoilement d‘une plaque provinciale commémorant le “Corps d’hommes de couleur” (1994)

Par

Wayne Kelly

Le patrimoine Noir, Le patrimoine militaire

Published Date: févr. 17, 2012

Qu’a dû penser Richard Pierpoint en 1812 lorsqu’il entend de nouveau résonner les tambours de la guerre? Enlevé au Sénégal à l’âge de 16 ans, Pierpoint est emmené aux États-Unis où un officier britannique l’achète comme esclave. Pendant la Révolution américaine, il combat pour les Britanniques au sein des Butler’s Rangers. Ensuite, il s’établit en tant qu’homme libre au Haut-Canada, où il a obtenu une concession de terre pour ses services militaires. En 1794, avec d’autres anciens militaires noirs, il demande en vain au gouvernement une terre pour qu’une communauté noire puisse s’y établir séparément.

En 1812, la loi énoncée par le lieutenant-gouverneur John Graves Simcoe en vue de limiter l’esclavage fait du Haut-Canada un refuge pour les personnes en quête de liberté et les esclaves fuyant les États-Unis. En 1812, au moment où les États-Unis déclarent la guerre à la GrandeBretagne, la population noire vivant au Canada se rallie au pays pour défendre leur nouvelle patrie et leur liberté récemment acquise.

Pierpoint propose de « former un corps d’hommes de couleur à la frontière de Niagara ». L’armée refuse son offre, mais nomme le capitaine de race blanche Robert Runchey à la tête d’un corps d’armée ségrégué composé d’hommes de couleur, le « Colored Corps ». Cette petite escouade est mise en garnison à Fort George et combat dans des batailles clés à Queenston Heights, Fort George et Stoney Creek. Pendant la bataille de Fort George, le capitaine Fowler – qui commande alors le « Colored Corps » – écrit que « le corps d’hommes de couleur (faisant partie des forces britanniques) […] avance pour repousser l’ennemi, faisant fi du déluge de mitrailles et d’autres projectiles provenant des vaisseaux arrivés jusque-là […] L’opposition est rude et […] les officiers et hommes du corps susmentionné tombent rapidement et le combat devient bientôt inégal […] ».

Cette campagne sanglante empêche le Canada de tomber aux mains des Américains, ce qui marque le début de la fin de la guerre. Le « Colored Company » perdure pendant tout le conflit, où il s’emploie à construire et entretenir des postes militaires, des fortifications et des voies de transport – autant de travaux laborieux et fastidieux qui ne sont pas du goût des soldats.

Pendant la guerre de 1812, la population noire joue un rôle majeur dans la défense du Haut-Canada. Elle livre des combats clés, fait face à de nombreuses épreuves et compte de nombreuses réalisations à son actif. Après la guerre, les soldats qui ont combattu si durement retrouvent la vie civile. Mais les choses ne sont pas simples pour eux. On leur avait promis six mois de paie du fait du démantèlement, mais le sergent Thompson du « Colored Corps » s’entend dire qu’il doit « aller chercher l’argent lui-même ». Lorsque les anciens militaires noirs viennent demander leurs concessions de terre, ils découvrent qu’elles sont plus petites et plus isolées que celles accordées aux anciens militaires blancs. En fin de compte, peu d’anciens militaires noirs sont en mesure d’occuper leurs concessions. Pierpoint, qui, en 1821, vit dans le dénuement, demande de l’aide aux autorités : « Aujourd’hui vieux et sans aucun bien, […] il trouve difficile de vivre de son travail; par-dessus tout, il souhaite retourner dans son pays natal ». Pierpoint, dont la vie a été jalonnée par les combats, n’est jamais retourné chez lui.