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Vera Peters et la lutte contre le cancer du sein

La Dre Peters positionne un patient pour une séance de radiothérapie (Collection du Dr Charles Hayter)

Par

Dr. Charles Hayter

Le patrimoine des femmes, Le patrimoine médical

Date de publication :12 févr. 2016

Photo : La Dre Peters positionne un patient pour une séance de radiothérapie (Collection du Dr Charles Hayter)

De nos jours, les femmes atteintes d’un cancer du sein au stade précoce sont généralement traitées selon une approche conservatrice du sein (ablation de la tumeur cancéreuse puis radiothérapie). Cette approche est une innovation relativement récente qui n’est devenue courante que dans les années 1990. Auparavant, les femmes subissaient des mastectomies radicales, interventions qui guérissaient le cancer mais qui étaient source de mutilation et de douleur pour les femmes. La docteure M. Vera Peters de Toronto a joué un rôle crucial dans cette évolution.

La Dre Peters dans son cabinet à l’Hôpital Princess Margaret (Photo : Dre Jenny Ingram)

Vera Peters est née en 1911 dans une ferme à Thistletown, à proximité de Toronto. Elle entre à l’Université de Toronto à l’âge de 17 ans et, après une courte période passée à étudier les mathématiques et la physique, elle se tourne vers la médecine. Elle est l’une des dix femmes seulement sur plus de 100 étudiants. Elle finance ses études en travaillant en tant que serveuse sur un bateau de croisière, sur lequel elle rencontre son futur mari, Ken Lobb, un professeur d’éducation physique dans le secondaire.

Au cours de ses études de médecine, sa mère meurt d’un cancer du sein. Cet événement constitue un tournant décisif dans la vie de Vera Peters. Du fait de la maladie de sa mère, elle rencontre son futur mentor, le docteur Gordon Richards, chef du service de radiothérapie à l’Hôpital Toronto General. Vera Peters était fascinée par les conférences de Gordon Richards, et le lien personnel créé par la maladie de sa mère cristallise son désir de s’engager dans une discipline alors émergente, la radiooncologie.

Après avoir obtenu son diplôme de médecine en 1934, Vera Peters travaille aux côtés de Gordon Richards, d’abord en tant qu’apprentie, puis en tant qu’assistante. Elle fera le reste de sa carrière à Toronto, d’abord au Toronto General, puis à l’Hôpital Princess Margaret.

Sa première contribution scientifique majeure survient en 1947. Gordon Richards lui demande d’examiner l’expérience de l’hôpital en ce qui concerne la maladie de Hodgkin. Vera Peters se lance dans un examen des cas traités au Toronto General et, en 1950, publie un article capital qui démontre que la maladie de Hodgkin peut être guérie à l’aide de la radiothérapie. Elle constate également que l’étendue de la maladie au moment du diagnostic est le facteur ayant l’impact le plus important sur la survie. Elle définit des stades de la maladie qui constituent la base du système de détermination des stades utilisé aujourd’hui. Bien que ses conclusions soient accueillies avec scepticisme, la plupart des médecins finissent par être convaincus du fait que la maladie de Hodgkin est curable.

La seconde contribution majeure de Vera Peters concerne le traitement du cancer du sein. Lorsqu’elle commence sa carrière, le traitement standard du cancer du sein est la mastectomie radicale, qui consiste en une ablation du sein, de la peau, du mamelon, de tissus de l’aisselle et des muscles pectoraux. En tant que femme, elle est sensible non seulement aux ravages physiques de la mastectomie, mais également à ce qu’elle appelle « le traumatisme émotionnel associé ». Elle constate les effets dévastateurs de cette intervention sur l’image du corps, la sexualité et la féminité.

Vera Peters est alors déterminée à trouver une approche moins traumatisante. Elle sait qu’au fil des années, un certain nombre de femmes de Toronto ont été traitées par une lumpectomie (ablation de la tumeur) suivie de radiothérapie, mais on ignore encore si cette procédure permet de guérir autant de femmes que la mastectomie. Faisant preuve d’une détermination indéfectible, elle se lance seule dans l’examen de 8 000 cas de cancer du sein traités à Toronto depuis 1939 et découvre que les femmes traitées par lumpectomie et radiothérapie présentent le même taux de guérison que les femmes ayant subi une mastectomie. Ses conclusions, présentées pour la première fois en 1975, déclenchent l’hostilité des chirurgiens. Ce n’est que lorsqu’une vaste étude américaine confirmant ses découvertes est publiée en 1985 que la pratique chirurgicale commence lentement à changer.

Vera Peters quitte l’Hôpital Princess Margaret en 1976 et ouvre un cabinet de consultation à Oakville. En 1984, on diagnostique chez elle un cancer du sein et, fidèle à ses convictions, elle est traitée par lumpectomie. Neuf ans plus tard, à l’âge de 82 ans, on lui diagnostique un cancer du poumon. Elle est traitée par radiothérapie palliative et succombe à sa maladie le 1er octobre 1993 à l’hôpital dans lequel elle a fait la plus grande partie de sa carrière, l’Hôpital Princess Margaret.

De son vivant et à titre posthume, les avancées réalisées par Vera Peters ont été largement reconnues. En 1975, elle est nommée Membre de l’Ordre du Canada. En 2010, elle est intronisée à titre posthume au Temple de la renommée médicale canadienne. La Peters-Boyd Academy, de la Faculté de médecine de l’Université de Toronto, a été nommée en son honneur.

Ses anciens étudiants se souviennent de Vera Peters non seulement comme un médecin attentionné se souciant avant tout de ses patients, mais également comme une figure exemplaire et avant-gardiste à une époque où il n’y avait que peu de femmes dans les hautes sphères de la médecine.