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Chaque parcelle de terre est sacrée

Lac Curve. (Avec l’aimable autorisation de Markus sur Flickr. CC-BY-NC 2.0)

Photo : Lac Curve. (Avec l’aimable autorisation de Markus sur Flickr. CC-BY-NC 2.0)

Par

Anne Taylor

Revoir le point de vue historique, Le patrimoine autochtone

Published Date: sept. 07, 2018

Pour les Premières Nations de l’île Turtle, CHAQUE PARCELLE DE TERRE EST SACRÉE. Pour nous, tel lieu n’est pas plus sacré qu’un autre. Partout, la terre doit être honorée et traitée avec le plus grand respect. Les Premières Nations travaillent tous les jours avec les promoteurs pour protéger cimetières, lieux de cérémonie, pétroglyphes et peintures rupestres. Notre peuple se doit également de protéger la terre que nous partageons tous. Comme l’a parfaitement expliqué mon amie Dorothy Taylor, notre Terre mère est en péril et nous sommes dans l’obligation de la préserver des éventuels dangers. Il faut que nous prenions le temps de discuter des conséquences absolument dévastatrices qu’ont l’exploitation minière et forestière, l’extraction des sables bitumeux, la fracturation hydraulique, l’urbanisation et le tourisme, entre autres formes de destruction.

Selon le paradigme de la communauté anishinaabe, la terre est un être spirituel qui mérite à ce titre le respect. Il nous incombe, à nous qui avons la chance de bénéficier de son abondance, de prendre soin de notre Terre mère. Cela implique d’œuvrer ensemble, dans l’unité et la réconciliation, si je puis dire, pour nous intéresser non seulement à ce que la nature nous donne, mais aussi aux autres êtres vivants avec lesquels nous partageons la terre et l’eau. Ainsi, nous prenons soin les uns des autres, nous prenons soin de nous-mêmes, nous prenons soin des générations futures et, c’est peut-être le plus important, nous prenons soin de nos ancêtres qui nous ont transmis ce savoir pour qu’on le diffuse.

Celui qui décide de bien vivre (Bimaadiziwin, comme on dit dans ma langue) devient gardien de la terre. Mon mentor et ami, l’Aîné Doug Williams, m’a enseigné la relation que nous entretenons avec la terre, il m’a expliqué comment ce lien est né et comment nous devons continuer à cultiver et à protéger ce partenariat.

Selon lui, il faut prendre soin de la terre et de tout ce qui la compose en adoptant une approche durable. C’est pour cela que nous la traitons avec un profond respect, en faisant preuve de bonté et de douceur. Nous devons réussir à comprendre notre place dans la création et la responsabilité qui en découle. Nous sommes tenus d’honorer la mémoire de ceux qui ont vécu avant nous et de transmettre le savoir dont nous avons hérité. Lorsque nous agissons ainsi, nos ancêtres posent sur nous un regard bienveillant. Nous devons toujours avoir conscience qu’il faut prendre soin de notre Terre mère pour ceux qui viendront après nous, qui ne sont pas encore nés. Si nous gardons ces générations futures à l’esprit et si nous les chérissons, nous n’avons pas le choix : notre mère a besoin qu’on s’occupe d’elle avec bonté et douceur, sachant qu’un jour, il nous incombera d’inculquer à notre tour les acquis de notre existence.

Les Anishinaabe (toutes les Premières Nations) de l’île Turtle connaissent cette terre mieux que personne. Nos ancêtres ont vécu sur cette terre et navigué sur ces cours d’eau, laissant toujours derrière eux l’empreinte la moins perceptible possible. Grâce à cette proximité avec la nature, nous avons pris conscience que la façon dont nous traitons les ressources terrestres et aquatiques a un effet direct sur notre existence. Cela transparaît encore clairement dans notre langue, dans nos cérémonies et dans notre relation avec la terre. Notre langue regorge de sonorités qui renvoient directement à la terre, certaines allant jusqu’à imiter la nature. Nos cérémonies honorent toujours la terre et nous apprennent à faire preuve de respect les uns envers les autres et envers le monde qui nous entoure. Nous continuons de cultiver la terre et d’en récolter les fruits, et la terre continue de prendre soin de nous.

Au cours de mes conversations avec Dorothy Taylor, l’Aînée de ma communauté et mon amie très chère, j’ai appris que nous devons prier pour l’eau, lui chanter des chansons et nous en occuper de façon qu’elle reste propre et saine pour les générations futures.

Comme l’écrit Basil Johnston dans son ouvrage The Manitous, the Spiritual World of the Ojibway (page 9) : « Dans la cérémonie du calumet de paix, la deuxième bouffée de tabac est donnée en offrande à la Terre, après avoir prononcé la formule “Merci à toi, notre mère”. Les paroles suivantes du célébrant font passer le message suivant : “Lorsque j’ai faim, tu me nourris; lorsque j’ai froid et qu’il pleut, tu m’abrites; lorsque j’ai le moral en berne, tu me réconfortes. Pour cela, tu as toute ma gratitude. J’ai une dette envers toi.” » [Traduction libre]

Nous, les femmes, suivons le cycle de la terre. L’Aînée Josephine Mandamin le voit clairement au printemps, lorsque notre mère fait ruisseler peu à peu les eaux prises dans la glace et la neige. Selon elle, il s’agit du signe précurseur d’une nouvelle vie qui va apparaître sous forme de bourgeons, de plantes, etc. On observe la même chose chez les arbres, avec la sève qui se met à circuler au printemps pour alimenter les bourgeons et les folioles. Les femmes, elles aussi, perdent les eaux lorsqu’elles sont sur le point de donner la vie. Est-ce que vous voyez et comprenez les liens étroits qui nous unissent à la terre? Chaque parcelle de terre est sacrée, chaque parcelle de terre est pure.

Toutes les Premières Nations connaissent la terre. Nous en sommes les gardiens depuis des temps immémoriaux. La terre est reconnue comme un être spirituel dans nos cultures et dans nos langues. Nos actions, nos paroles et nos réflexions sont toutes intrinsèquement en lien avec la terre. Nous avons tous ce point en commun. Nos légendes et nos récits évoquent notre relation avec la terre; en découlent les valeurs de respect et d’hommage à la terre qui nous ont été inculquées.

Pour conclure, voici une citation du discours prononcé par Sealth (Chef Seattle) en guise d’avertissement général à l’occasion de l’Assemblée tribale de 1854, juste avant la signature d’un traité :

Chaque aiguille de pin luisante, chaque rive sableuse, chaque lambeau de brume dans les bois sombres, chaque clairière et chaque bourdonnement d’insecte sont sacrés dans le souvenir et l’expérience de mon peuple. Enseignez à vos enfants ce que nous avons enseigné aux nôtres, que la terre est notre mère. Les rivières sont nos frères, elles étanchent notre soif et nourrissent nos enfants. L’air est précieux à l’homme rouge, car toutes choses partagent le même souffle. Qu’est-ce que l’homme sans les bêtes? Si toutes les bêtes disparaissaient, l’homme mourrait d’une grande solitude de l’esprit. Nous savons au moins ceci : la terre n’appartient pas à l’homme ; l’homme appartient à la terre.
Ce n’est pas l’homme qui a tissé la trame de la vie : il en est seulement un fil. Tout ce qu’il fait à la trame, il le fait à lui-même. Toutes choses se tiennent comme le sang qui unit une même famille. Toutes choses se tiennent. »

En d’autres termes, CHAQUE PARCELLE DE TERRE EST SACRÉE.