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Changer les points de vue sur le passé
"Explorez le Guide des plaques en ligne de la Fiducie à l’adresse : www.heritagetrust.on.ca/plaques-plus. Ou retracez le chemin périlleux de ces Noirs du XIXe siècle qui ont fui vers le sanctuaire du Nord en suivant les voies silencieuses du chemin de fer clandestin : www.heritagetrust. on.ca/esclavagealaliberte."
Au cours de ses quelque 50 années d’existence, le Programme des plaques provinciales de la Fiducie du patrimoine ontarien a rendu hommage à plusieurs personnes, lieux et événements ayant un lien avec le patrimoine des Noirs de l’Ontario. Si l’on examine ces plaques de plus près, on constate au fil du temps une évolution importante de la démarche du programme à cet égard : des changements qui se reflètent dans le vocabulaire employé, dans la modification du thème mis en avant et dans le nombre croissant de plaques provinciales commémorant le patrimoine des Noirs.
Cette évolution – manifeste non seulement dans le programme de la Fiducie mais aussi au sein des institutions culturelles, politiques, sociales et pédagogiques à travers la province – est le fruit de diverses influences souvent interconnectées, telles que le mouvement des droits civiques, le multiculturalisme et la période postcoloniale. Il est important de souligner que la représentation accrue du patrimoine des Noirs et la nouvelle terminologie employée dans les textes des plaques provinciales ne sont pas des fins en soi, mais s’inscrivent dans un processus de révision plus large.
Avant les années 1960, le paysage patrimonial était dominé par l’idée qu’un seul exposé général des faits historiques pouvait expliquer notre identité et nos origines de façon précise et complète. Ce récit unique s’avérait souvent restrictif (dans le sens où il reflétait démesurément un point de vue dominant) et inflexible (l’histoire étant considérée comme inaltérable). De manière générale, il semblait acquis que les choses s’étaient produites ou non et qu’il n’existait qu’une seule version exacte des faits. On a ainsi associé aux récits historiques des revendications d’objectivité et d’autorité qui ont marginalisé les autres points de vue – notamment ceux des Noirs de l’Ontario.
Cependant, au cours des dernières décennies, les historiens et les universitaires ont creusé sous les différentes couches de ces exposés historiques, mettant ainsi au jour des omissions, des hiérarchies, des contradictions, des distorsions et des motivations auparavant cachées ou ignorées par la plupart des gens. Ils ont plongé au cœur des principes complexes régissant la construction des histoires, des cultures et des identités, arguant du fait que le passé historique n’était pas constitué de faits absolus et inaltérables, mais était la source d’un dialogue permanent entre les points de vue passés et présents, c’est-à-dire un processus continu.
Les universitaires du monde entier comme Benedict Anderson, Edward Said, Arjun Appadurai, ainsi que le Canadien Charles Taylor, ont souligné le rôle de l’imagination dans la construction des histoires, des identités et des nationalités. Cette mise au point ne suggère nullement que l’histoire serait un simulacre ou ne serait pas réelle d’une quelconque façon, pas plus qu’elle ne limite le véritable impact des événements historiques sur la population. Elle nous rappelle au contraire que le passé historique est quelque chose dont nous nous prévalons et dont nous tissons la trame au présent. Nos imaginaires collectifs et individuels exercent leur influence sur les événements passés en créant un contexte, en envisageant des connexions, en comblant des lacunes, en employant la terminologie d’aujourd’hui pour décrire l’histoire et en y projetant nos propres pensées et expériences.
Comme chacun d’entre nous, les communautés et les sociétés ont les moyens d’agir sur le processus de création historique, lesquels peuvent être utilisés pour modifier, élargir ou diversifier ce processus. Au vu de ces conclusions, des efforts concertés ont été mis en œuvre pour rectifier les déséquilibres inhérents à la perception de notre histoire et pour permettre la transcription de multiples points de vue et expériences – notamment ceux qui avaient été marginalisés par le passé. L’évolution des démarches vis-à-vis du patrimoine des Noirs, manifeste dans le Programme des plaques provinciales et dans d’autres contextes, reflète cet esprit de pluralisme.
En collaboration avec des partenaires communautaires, le Programme des plaques provinciales a contribué ces dernières années à interpréter une multitude de voix relevant de l’histoire des Noirs de l’Ontario. Citons notamment Chloe Cooley – esclave embarquée de force sur un bateau parcourant la rivière Niagara pour être vendue à un Américain et dont les cris ont tellement touché certains habitants de la province que le lieutenant-gouverneur John Graves Simcoe a adopté la Loi de 1793 visant à restreindre l’esclavage dans le Haut-Canada; Anderson Ruffin Abbott – le premier médecin d’ascendance africaine né au Canada et l’un des présidents du Wilberforce Educational Institute; Hugh Burnett et les activistes infatigables de la National Unity Association; le journal The Provincial Freeman et les nombreuses voix qui s’y sont exprimées en faveur d’une réforme sociale; et les voix collectives des premiers pionniers des communautés noires de la rivière aux Puces, de Queen’s Bush, d’Otterville et de Hamilton.
Le Programme des plaques provinciales jouit d’une position idéale pour répondre à cette évolution historiographique. Avec plus de 1 200 plaques érigées à travers la province, ce programme illustre toute la diversité de l’histoire. Les plaques provinciales se sont avéré un support adapté pour retranscrire un large éventail d’histoires et d’expériences. Par ailleurs, ce programme s’inscrit volontairement dans un processus faisant appel à la mémoire historique et doit sa réussite aux partenariats conclus et aux consultations mises en œuvre.
Les partenaires communautaires, le personnel de la Fiducie et les chercheurs indépendants participent tous à la création de ces plaques. Pourtant, les lecteurs apportent au texte des significations, des expériences et des interprétations qui leur sont propres. Les voix du passé et du présent interagissent et le dialogue se poursuit.