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La place des édifices patrimoniaux dans l’évolution des espaces de travail

Intérieur patrimonial restauré

Photo : Intérieur patrimonial restauré

Par

Michael Emory

L'économie du patrimoine, Les bâtiments et l'architecture, Réutilisation adaptative

Published Date: oct. 01, 2019

Je travaille chez Allied Properties, un grand propriétaire, gestionnaire et promoteur de locaux professionnels en milieu urbain implanté dans les principales villes du Canada. Les unités d’Allied sont cotées à la bourse de Toronto.

Allied se fait d’abord connaître par la construction de bureaux de caractère à Toronto dès les années 1980, cette activité s’accélérant à la fin des années 1990 avec la conservation intégrée d’édifices patrimoniaux datant du siècle précédent, auparavant destinés à l’industrie légère. Une fois restaurés et modernisés dans les règles de l’art, ces bâtiments conviennent idéalement à l’installation de bureaux contemporains et de boutiques. Hauts plafonds, lumière naturelle abondante, poutres apparentes, intérieur en brique, parquets massifs, architecture caractéristique des façades : ces éléments se prêtent particulièrement à un tel usage, nous plongeant tout droit dans l’univers de « Retour vers le futur », encore aujourd’hui.

Si Allied n’est pas l’instigateur de ce mouvement, l’entreprise prend très tôt conscience que les organisations du secteur tertiaire à la pointe de notre économie peuvent tirer profit de la réaffectation des édifices patrimoniaux. Allied comprend également qu’avec une gestion centralisée et coordonnée, ces bâtiments deviendront un pilier du tissu urbain et un fondement indispensable pour forger une identité communautaire, en particulier au sein d’une ville dense et monolithique.

Fait intéressant, la restauration des édifices patrimoniaux menée par Allied a permis à l’entreprise de définir l’espace de travail de demain. Si vous demandez aujourd’hui aux salariés quelles sont les caractéristiques à privilégier, ils vous répondront : la lumière, l’air et l’aménagement ouvert… c’est-à-dire précisément les attributs qui ont conduit à l’émergence notable des édifices patrimoniaux restaurés il y a vingt ans. La lumière naturelle et la circulation d’air contribuent grandement au bien-être et à la productivité des êtres humains. L’aménagement ouvert, quant à lui, est propice à la collaboration et à la créativité. La libre circulation des personnes et l’absence d’obstacles à l’interaction favorisent la naissance d’idées constructives. Grâce à une meilleure communication et à une compréhension mutuelle renforcée, la formidable étincelle de l’ingéniosité peut jaillir.

Le comportement des utilisateurs et les technologies de construction font qu’il n’est plus nécessaire aujourd’hui de détruire l’ancien pour faire place à la nouveauté. Nous pouvons restaurer et moderniser d’anciens édifices dignes d’être préservés pour y intégrer de nouvelles structures, comme Allied l’a fait à Toronto et dans d’autres grandes villes canadiennes. Les bureaux repensés qui parviennent à associer l’ancien et le nouveau sont l’avenir des locaux professionnels.

Escalier du patrimoine (Photo avec l’aimable autorisation de Michael Emory)

Escalier du patrimoine (Photo avec l’aimable autorisation de Michael Emory)

Le travail mené par Allied au sein des édifices patrimoniaux a également accru sa sensibilité au design. Lorsque la population a migré vers les banlieues dans les années 1950, le design a été relégué au second plan, perdant parfois toute importance dans les centres-villes. Les sites patrimoniaux ont été détruits pour laisser place à des bâtiments quelconques, repliés sur eux-mêmes, tandis que les matériaux synthétiques recouvraient peu à peu les alentours. Vous n’imaginez pas combien de magnifiques escaliers en bois massif se cachaient sous des couches de stratifié.

Aujourd’hui, le design importe et rapporte. L’espace de travail créé par Allied au Queen Richmond Centre West de Toronto en est l’illustration parfaite. Nos architectes, Sweeny&Co., ont imaginé une sublime manière d’aménager cette nouvelle tour de bureaux au-dessus de deux édifices patrimoniaux entièrement restaurés. Si la conception a engendré des coûts supplémentaires, le retour sur investissement s’est avéré exceptionnel, sur le plan économique comme sur le plan social. De fait, ce design a décuplé la rentabilité de toutes les manières imaginables.

Si cela semble contre-intuitif, la densification des grandes villes canadiennes et les nouvelles façons d’envisager l’espace de travail ont en réalité fait naître des conditions propices à la revitalisation des édifices patrimoniaux. Malgré l’utilité certaine des politiques publiques en la matière, la meilleure garantie reste la viabilité économique. Les mentalités ont évolué, faisant désormais la part belle à l’authenticité et au caractère. Résultat : la conservation intégrée des édifices patrimoniaux devrait rester viable dans un avenir proche, ce qui est de bon augure pour les villes et l’urbanisme.

L’activité d’Allied repose sur la viabilité économique des édifices patrimoniaux restaurés. Cotée en bourse depuis 2003, la société œuvre expressément à la consolidation d’espaces de travail en centre-ville, dans des bâtiments à l’architecture caractéristique, plus rentables que les tours de bureaux conventionnelles. Une consolidation qui n’a pas cessé depuis. Comptant au départ un actif de 120 millions de dollars, une capitalisation boursière de 62 millions de dollars et un portefeuille local d’espaces de travail en milieu urbain couvrant 76 180 mètres carrés de surface, Allied est aujourd’hui à la tête d’un actif de 8 milliards de dollars, le montant de sa capitalisation boursière s’élève à 6 milliards de dollars et son portefeuille d’espaces de travail en milieu urbain, désormais national, s’étend sur une surface d’environ 1,2 million de mètres carrés. Je ne cherche pas à faire la publicité d’Allied, mais plutôt à prouver que la restauration d’édifices patrimoniaux est à la fois viable sur le plan économique et souhaitable sur le plan social. [Photos avec l’aimable autorisation de Michael Emory]

Allied a également mis au jour l’une des plus belles façades en brique bicolore de Toronto, jusque-là dissimulée sous un parement en étain.

Allied a également mis au jour l’une des plus belles façades en brique bicolore de Toronto, jusque-là dissimulée sous un parement en étain.