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Paysages industriels à valeur culturelle : fragiles et fugitifs

Le mur ouest du four Hoffman.

Les paysages culturels

Date de publication : sept. 09, 2016

Photo : Le mur ouest du four Hoffman.

Il peut être difficile d’apprécier les paysages industriels à valeur culturelle en raison de la diversité des lieux et des événements industriels. L’écart entre les paysages en milieu rural et urbain que l’on décrit dans les paragraphes suivants dresse un aperçu des processus qui y ont contribué.

Les paysages industriels historiques types en milieu rural sont axés sur l’agriculture et l’exploitation forestière et minière. Pendant environ 30 ans, à la fin du XIXe siècle, les carrières le long de l’escarpement du Niagara à Forks of the Credit fournissaient à Toronto et aux régions environnantes des pierres de construction de haute qualité – et mentionnons notamment l’édifice de l’Assemble législative à Toronto. Le calcaire transformé, qui recouvre le grès, représentait une industrie mineure. À titre d’exception, il y avait le nouveau four que l’on nommait le four Hoffman qui a été brièvement exploité dans les années 1890. Ce concept était largement répandu pour la cuisson des briques, mais il s’agissait du seul exemple de four à chaux au Canada. L’exploitation de ces industries de la pierre a été de courte durée. En 1900, on avait dû cesser les activités liées aux tramways, aux fronts de coupe dans les carrières, aux chemins de fer inclinés et aux hangars et, après que 20 autres années eurent passé, les structures étaient en grande partie enfouies sous les buissons.

Le paysage des carrières s’était suffisamment tempéré en 1930 pour inciter A.J. Casson à peindre le portrait de la scène. Aujourd’hui, les ruines ternes et mystérieuses du four Hoffman en plus de la roche stérile, de l’équipement rouillé et des terrassements de la plateforme du tramway, sont jonchées dans les sous-bois – en harmonie avec la nature.

L’exploitation minière et les activités de fonderie à Deloro étaient relativement différentes. Le tout se déroulait sur la rivière Moira près de Marmora et cela relate en partie la première ruée vers l’or en Ontario en 1866. Heureusement, d’un point de vue commercial, le minerai avait une forte concentration en arsenic. Alors que l’exploitation de l’or n’était pas rentable, le marché pour la vente d’arsenic était considérable et Deloro a été, pendant de nombreuses années, le seul producteur d’arsenic en Amérique du Nord. Alors que l’exploitation minière y a cessé en 1903, le paysage est défini par des puits de mine, des usines de fusion et de broyage et une cité ouvrière.

Encore là et de façon fortuite (pour les propriétaires), le cobalt – également à forte concentration en arsenic – venait d’être découvert à Cobalt au nord de l’Ontario. Deloro utilisait des moyens technologiques en matière de fusion et, de 1907 à 1961, le minerai était transporté par train à Deloro pour en assurer la transformation. Pendant de nombreuses années, l’arsenic était un produit lucratif, mais le marché s’est en fin de compte effondré et, par la suite, l’arsenic a été abandonné.

L’usine McCormick à London (décembre 2014) était autrefois une industrie phare. (Photo : Christopher Andreae)

La dernière étape de l’évolution du paysage à Deloro a eu lieu en 1979 lorsque la province – ayant acquis la propriété laissée orpheline – a adopté un programme de décontamination d’une durée de 40 ans des propriétés industrielles les plus contaminées de l’Ontario. À la fin des travaux en 2014, un nouveau paysage transformé avait complètement effacé le passé historique et périlleux de cette ville. Les vestiges de la ville industrielle existent toujours malgré tout à l’extérieur de l’ancienne zone minière.

Les paysages industriels en milieu urbain les plus à risque aujourd’hui sont ceux qui ont été créés avant la Première Guerre mondiale. On les retrouve dans les centres urbains près des zones résidentielles et ils sont habituellement situés là où il existe un accès ferroviaire. Le paysage industriel moderne est situé le long des autoroutes de la série 400 en périphérie des villes.

Ce mouvement migratoire a contribué à la désuétude du noyau industriel et à la modification du paysage. Dans bon nombre de villes, chaque édifice industriel a été intégré au tissu urbain à des fins commerciales ou résidentielles. Mais, le paysage des usines compactes transformant les marchandises en produits commerciaux – avec le bruit, l’odeur et la circulation s’y rattachant – n’existe plus. Dans d’autres villes, comme à London et à Brantford, le district industriel survit toujours sur le plan physique, mais il est délaissé en attente de renouveau.

Quelques paysages industriels du noyau urbain continuent cependant à prospérer. La rue Burlington à Hamilton est située au beau milieu de ce paysage le plus imposant en Ontario. On y retrouve deux aciéries (l’une est en exploitation et l’autre est fermée), des raffineries, des usines de fabrication, d’entreposage et des infrastructures pour le matériel de transport par voie ferroviaire, terrestre et maritime. Ce paysage est stable pour le moment, mais la production d’acier est une entreprise concurrentielle sur la scène internationale et l’économie pourrait changer la donne.

Le milieu industriel rural, pourvu qu’il soit sécuritaire, est habituellement laissé lentement à l’abandon. La même option n’est pas offerte aux paysages industriels urbains. Outre la valeur de la terre et les risques physiques de l’abandon d’une propriété, la dégradation du milieu urbain est généralement inacceptable sur le plan esthétique.

L’activité industrielle au cours des 150 dernières années a contribué à la création de paysages distinctifs à l’échelon rural et urbain en tenant compte des opinions socioéconomiques du jour. On a assisté à l’évolution de nouveaux paysages au cours des dernières décennies qui reflètent nos valeurs actuelles. Au fil du temps, il reste la continuité et le changement dans la façon dont les paysages industriels à valeur culturelle ont évolué.

Usine de traitement à Deloro, août 2011. (Photo : Christopher Andreae)

Photo: Usine de traitement à Deloro, août 2011. (Photo : Christopher Andreae)

Haut fourneau Stelco à Hamilton, 1987. (Photo : Christopher Andreae)

Photo: Haut fourneau Stelco à Hamilton, 1987. (Photo : Christopher Andreae)