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Au cœur des Kawarthas

Lieu historique national du Canada de l’Écluse-Ascenseur-de-Peterborough © Tourisme Ontario

Les bâtiments et l'architecture, La communauté

Date de publication : janv. 28, 2011

Photo : Lieu historique national du Canada de l’Écluse-Ascenseur-de-Peterborough © Tourisme Ontario

La première fois que vous visiterez l’imposant hôtel de ville de Peterborough, n’oubliez pas de regarder par terre. Inspirée par le mouvement « City Beautiful » – très influent au Canada de 1893 à 1930 –, la façade de l’édifice comporte des colonnes, un beffroi et une coupole stylisés qui attirent le regard des passants vers le haut. Toutefois, une fois le seuil franchi, le visiteur qui dirige son regard vers le sol pourra admirer ce qui fait l’originalité du lieu : une carte minutieusement détaillée du comté de Peterborough et de ses alentours.

La ville de Peterborough est située aux portes des Kawarthas (un terme qui signifie « terre de reflets » ou « eaux scintillantes » en langue anishinaabe), et cet impressionnant plancher en terrazzo donne un aperçu du nombre de rivières, lacs et collectivités qui entourent la ville et couvrent les 3 800 kilomètres carrés du comté.

Au nord du comté de Peterborough, de spectaculaires affleurements de roches précambriennes jonchent çà et là un paysage tapissé de forêts de pins, de bouleaux et d’érables – l’écrin qui abrite le parc de la région caractéristique des Hautes-Terres de Kawartha. Agrandie en 2003, cette réserve écologique provinciale couvre près de 10 pour cent de la superficie totale de la région. Plus au sud, l’étendue du Bouclier canadien cède la place à des drumlins, à des moraines et à des eskers dont la formation remonte à la fin du dernier âge glaciaire, puis, plus loin, à de riches et vastes plaines agricoles, qui constituaient autrefois le fond de lacs préhistoriques. Le comté de Peterborough se situe en plein cœur d’un ancien réseau de transport fluvial entrelaçant lacs, rivières et portages. Ce système s’amplifie au XIXe siècle et à l’aube du XXe siècle, grâce à la création de canaux artificiels, et prend alors le nom de voie navigable Trent-Severn. Ce lieu national historique serpente sur 386 kilomètres et relie la ville de Trenton, sur le lac Ontario, au village de Port Severn, situé sur les rives de la baie Georgienne.

En 1615, l’explorateur Samuel de Champlain loue le charme de la région. Aujourd’hui encore, la splendeur du comté de Peterborough continue à attirer de nombreux touristes et constitue un atout fondamental pour l’économie de la région. Avant les années 1950, les bateaux à moteur et à vapeur – comme le Lintonia et l’Empress – pullulaient entre Lakefield et la pointe Young, et cette circulation incessante faisait partie intégrante de l’expérience touristique de la région. Tout comme il y a un siècle, des noms tels que Buckhorn, les chutes Burleigh et Bobcaygeon continuent à faire surgir des visions romantiques où figurent des lacs aux reflets bleus, des journées bercées de soleil et de longues soirées passées à se détendre dans un chalet.

Bien avant l’arrivée de Champlain, d’innombrables générations de Premières nations s’étaient succédées sur les rivages de cette région aux eaux scintillantes. Au nord-est du comté de Peterborough, une veine de marbre blanc surgit du granit. Des pétroglyphes réalistes ou abstraits représentant des silhouettes animales et humaines ont été gravés dans cette roche à une époque située entre 1 400 et 900 ans avant notre ère. Ce périmètre, qui fait partie d’un parc provincial et qui est donc protégé, constitue un espace sacré pour la nation anishinabek. Ce monument du patrimoine culturel a également été désigné lieu national historique.

Centre des visiteurs, parc provincial Petroglyphs © Parcs Ontario

Les rives du lac Rice, au sud du comté, abritent un autre site majeur du patrimoine des Premières nations. Réputés être encore plus anciens que les pétroglyphes, ces neuf monticules funéraires et le périmètre voisin offrent aux archéologues un extraordinaire aperçu de la façon dont vivaient les habitants de la région il y a près de 2 000 ans. D’après les experts, le monticule funéraire sinueux dit « Tumulus du serpent » est le seul du genre au Canada. Pour les Anishinabek qui s’occupent de ce site, le Tumulus du serpent a une grande valeur spirituelle. L’importance patrimoniale du lieu a été reconnue à l’échelle de la province et du pays.

La région abrite un troisième site préhistorique : il s’agit du tombeau de la rue Brock (« Brock Street Burial »), dans le centre-ville de Peterborough. On pense que ce site était situé au sommet du portage traditionnel reliant le lac Chemong au lac Little. Des restes humains ainsi que des objets funéraires y ont été exhumés en 1960 et en 2005. Tous ces sites attestent que l’homme habite la région depuis des temps immémoriaux. L’importance historique du site est célébrée chaque mois de juin à l’occasion du festival Ode’min Giizis, ou festival Strawberry Moon, qui commémore l’importance de la région de Peterborough, lieu de rassemblement traditionnel propice aux échanges de connaissances, d’idées et de témoignages d’amitié.

En 1818, la première vague de colons européens s’établit dans les « back townships » (cantons défavorisés) du district de Newcastle, dans le Haut-Canada. Le canton de Smith est le premier à faire l’objet de travaux d’arpentage et à accueillir des habitants, suivi par les cantons d’Otonabee et de North Monaghan. Au XIXe siècle, la région offre terres et bois en abondance, deux atouts majeurs aux yeux des nouveaux arrivants. En 1819, Adam Scott, un minotier originaire d’Édimbourg, s’installe dans une ville récemment arpentée et y construit un moulin à broyer le grain l’année qui suit. L’établissement est initialement nommé « Scott’s Plains » avant d’être rebaptisé « Peterborough » en hommage à Peter Robinson, membre local du conseil législatif et commissaire des Terres de la Couronne. En 1825, Peter Robinson supervise l’immigration de quelque 2 000 colons irlandais. Cette initiative parrainée par le gouvernement britannique dote l’établissement d’une masse agricole essentielle et confère à la région un cachet distinctement irlandais, caractérisé par de nombreuses traditions – notamment sur le plan de la danse et de la musique – qui continuent à être célébrées dans le Peterborough d’aujourd’hui.

Les premières années de l’établissement de ces colons dans le comté de Peterborough sont abondamment documentées dans les journaux et les autres témoignages provenant des habitants de la région. Ainsi, les sœurs Susanna Moodie et Catharine Parr Traill – bien qu’habituées à un environnement anglais plus raffiné – vantent dans leurs écrits la beauté sauvage de la région et relatent les difficultés constantes de leur nouvelle vie rurale, à l’instar d’autres colons de la première heure, comme Anne des nombreuses pionnières qui présentent le Canada comme une contrée sauvage, une comparaison qui trouvent toujours un écho aujourd’hui chez la population canadienne et aux quatre coins du monde. Le médecin John Hutchison était également au fait des épreuves subies par les premiers colons européens. Sa demeure de Peterborough, protégée et administrée par la Peterborough Historical Society, témoigne de son rôle de pionnier de l’histoire de la médecine. Cette demeure a également accueilli son neveu, Sir Sandford Fleming, avant qu’il devienne un ingénieur de stature mondiale. Il est notamment célèbre pour sa proposition visant à établir un système international d’heure normale.

Le Collège Champlain de l’Université de Trent (inauguré en 1967) est considéré comme l’un des chefs-d’œuvre de l’architecte Ronald J. Thom. (Photo : Université Trent)

Le Collège Champlain de l’Université de Trent (inauguré en 1967) est considéré comme l’un des chefs-d’œuvre de l’architecte Ronald J. Thom. (Photo : Université Trent)

L’aspect foncier n’est pas le seul élément qui explique le succès de la région auprès des colons de la première heure. Ces derniers sont également attirés par ses vastes ressources en bois et en minerai. Le comté de Peterborough devient synonyme de production de bois de sciage au cours du XIXe siècle, et contribue au développement économique de la région, mais aussi d’établissements environnants, proches du lac Ontario et de Toronto. À l’aube du XXe siècle, le commerce du bois de sciage est éclipsé par d’autres secteurs d’activité. Aujourd’hui, les zones jadis occupées par les aires de transbordement du bois d’œuvre, les rampes de transport de rondins et les embâcles ont cédé la place à des lotissements résidentiels, à des chalets et à la navigation de plaisance. Sans être aussi connue que l’industrie du bois de sciage, l’extraction du minerai de fer a également contribué au développement économique du comté de Peterborough. Certains vestiges témoignent de cette prospérité passée, comme dans les villes fantômes de Blairton et de Nephton, dont l’avènement et la chute sont inextricablement liés à l’exploitation des minerais du Bouclier canadien.

Le Bouclier canadien permet également d’obtenir le granulat nécessaire à la production du béton. Le village de Lakefield acquiert une renommée dans ce domaine, et on peut encore y voir la grande cheminée de sa plus vaste usine de production de béton, l’un des derniers vestiges de ce commerce jadis si lucratif. En 1904, l’écluse 21 – mieux connue sous le nom d’Écluse-Ascenseur-de-Peterborough – est inaugurée sur le canal Trent. Lorsqu’elle a été coulée, il s’agissait d’une des structures en béton monolithique les plus vastes jamais construites. Elle demeure la plus haute écluse à élévateur hydraulique au monde et continue à impressionner les visiteurs. Le pont de la rue Hunter surplombe le drumlin d’Armour Hill et traverse le quartier East City. En 1920, date de sa construction, il possédait la travée de béton la plus longue du Canada (73,1 m).

Du haut de ce pont, le point de rencontre entre la vieille ville et la nouvelle ville est particulièrement net. À l’ouest, le dynamique centre-ville a su conserver son charme d’antan grâce à ses rangées de commerces typiques de la fin du XIXe siècle, parmi lesquels l’édifice Morrow, un impressionnant bâtiment caractéristique du Second Empire, construit en 1878 pour servir de bureau de poste. L’hôtel de ville se dresse à quelques mètres, flanqué par plusieurs bâtiments de style néo-roman, parmi lesquels on peut citer The Armouries, l’ancien YMCA et la Collegiate and Vocational School de Peterborough. Au centre de la place adjacente (Confederation Square) s’élève le monument aux morts, qui est orné de sculptures de bronze réalisées par Walter Seymour Allward, dont l’œuvre la plus célèbre est le mémorial de Vimy, érigé en France en l’honneur des soldats canadiens tués lors de la Première Guerre mondiale. Plus loin dans la rue George – en plein cœur de la vieille ville – se trouve le marché couvert, autre exemple marquant du patrimoine architectural de Peterborough. Il a échappé à la démolition dans les années 1970 et sa rénovation est bientôt achevée. Cette opération, dont le montant s’élève à plusieurs millions de dollars, aura permis de restaurer les façades externes, le toit et un beffroi très original.

Sous le pont de la rue Hunter se déversent les flots rapides de la rivière Otonabee, dont les eaux vives sont à l’origine du surnom « Electric City » attribué à la ville au tout début de la production hydroélectrique. À l’aube du XXe siècle, de nombreuses entreprises sont séduites par les possibilités de la ville en matière d’hydroélectricité ainsi que par l’accessibilité de son réseau de transport fluvial et ferroviaire. On peut citer la Générale électrique du Canada, Quaker Oats, Westclox, Peterborough Canoe et Outboard Marine (qui abrite désormais le Musée canadien du canot).

L’Université Trent et le Collège Sir Stanford Fleming, qui ont respectivement ouvert en 1964 et en 1967, attirent des milliers d’étudiants dans la région. Par sa conception, qui fait la part belle au béton, à la pierre et au bois, l’Université Trent est un joyau architectural niché sur les rives de l’Otonabee. Imaginée par Ronald J. Thom, cette structure rappelle les principales caractéristiques du paysage accidenté du comté de Peterborough.

Depuis des millénaires, cette région où abondent cours d’eau, étendues rocheuses et forêts attire, ravit, surprend et retient ses habitants. Un riche patrimoine historique a ainsi été constitué et les sociétés de protection du patrimoine, les musées, les services d’archives ainsi que de nombreux passionnés font preuve d’une extrême vigilance en vue d’assurer sa protection. Canopée ou drumlins, ponts en béton, écluses ou berges, dédales de rues ou plancher de l’hôtel de ville . . . autant d’endroits où s’incarnent la beauté naturelle et le patrimoine culturel du comté de Peterborough.

Plancher terrazzo représentant la carte du comté de Peterborough, dans l’avant-foyer de l’hôtel de ville de Peterborough Photo : Heritage Preservation Office (bureau de préservation du patrimoine), Arts, Culture and Heritage Division (division des arts, de la culture et du patrimoine) de la ville de Peterborough

Photo: Plancher terrazzo représentant la carte du comté de Peterborough, dans l’avant-foyer de l’hôtel de ville de Peterborough Photo : Heritage Preservation Office (bureau de préservation du patrimoine), Arts, Culture and Heritage Division (division des arts, de la culture et du patrimoine) de la ville de Peterborough

Rose des vents décorant le plancher de l’avant-foyer de l’hôtel de ville de Peterborough (Photo : Michael Eamon)

Photo: Rose des vents décorant le plancher de l’avant-foyer de l’hôtel de ville de Peterborough (Photo : Michael Eamon)

L’hôtel de ville de Peterborough, construit en 1951, s’inspire du mouvement « City Beautiful ». Photo : Heritage Preservation Office (bureau de préservation du patrimoine), Arts, Culture and Heritage Division (division des arts, de la culture et du patrimoine) de la ville de Peterborough

Photo: L’hôtel de ville de Peterborough, construit en 1951, s’inspire du mouvement « City Beautiful ». Photo : Heritage Preservation Office (bureau de préservation du patrimoine), Arts, Culture and Heritage Division (division des arts, de la culture et du patrimoine) de la ville de Peterborough