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Garder la foi : l’Église et l’Ontario français

La Paroisse du Sacré-Cœur de Toronto est parmi une douzaine d’églises ontariennes contribuant à garder la communauté francophone une partie intégrante du paysage de l’Ontario.

Photo : La Paroisse du Sacré-Cœur de Toronto est parmi une douzaine d’églises ontariennes contribuant à garder la communauté francophone une partie intégrante du paysage de l’Ontario.

Par

Serge Dupuis

Le patrimoine francophone

Published Date: mai 18, 2012

L’arrivée de l’Église catholique dans l’Ontario actuel remonte à l’époque de la Nouvelle-France, avec la création des missions de Sainte-Marie-au-pays-des-Hurons en 1641 et de L’Assomption en 1744.

Comme dans le cas de toutes les communautés francophones nouvellement établies, l’Église est un élément central de la vie communautaire et familiale. Lorsque des milliers de Canadiens français s’établissent dans l’Est et le Moyen-Nord de l’Ontario durant la seconde moitié du XIXe siècle, les Catholiques irlandais récemment arrivés dans ces régions deviennent rapidement une minorité dans leurs paroisses et leurs écoles. Les deux communautés commencent à offrir des services en français et en anglais.

Lorsque les anciennes tensions linguistiques prennent de l’ampleur, l’évêque d’Ottawa, Bruno Guigues, encourage les Irlandais à s’établir dans la vallée de l’Outaouais à l’ouest et les Canadiens français dans les comtés de Prescott, Russell, Glengarry et Carleton à l’est. En dépit de la volonté du clergé anglophone de faire de l’anglais la langue du catholicisme en Amérique du Nord, l’élite canadienne-française fait valoir qu’étant donné que ses membres sont pratiquement tous catholiques, l’abolition des paroisses et des écoles de langue française conduirait à supprimer l’avantage concurrentiel de l’Église catholique sur les églises protestantes.

Le pragmatisme conduit à l’ouverture de paroisses et d’écoles de langue française là où le nombre de paroissiens le justifie. L’augmentation du nombre de Canadiens français (100 000 en 1881 et 200 000 en 1911) s’accompagne d’une hostilité accrue des Catholiques de langue anglaise qui voient les Canadiens français comme une menace envers leur légitimité sur le sol ontarien.

L’Ordre d’Orange, organisation fraternelle protestante, s’oppose à l’importation à la fois du français et du catholicisme dans la province des Loyalistes, et les Irlandais semblent prêts à sacrifier le français pour sauver les écoles séparées. Des ecclésiastiques comme l’évêque de London, Michael Fallon, se battent farouchement pour l’anglicisation des écoles et des paroisses dans les années 1910, mais le Vatican finit par demander aux évêques de l’Ontario de rester à l’écart de ce débat politique et de prendre acte des demandes des Canadiens français aspirant à combattre l’assimilation. L’hostilité à l’égard de l’éducation en langue française galvanise les parents et les amène à se servir des organisations religieuses pour promouvoir le développement de leurs institutions.

La langue et la foi forment un continuum au Canada français. Chaque élément protège le statut minoritaire de l’autre sur le continent. Le catholicisme, à l’instar du français, empêche ces citoyens de s’intégrer à la mosaïque ethnique de l’Ontario. Les Franco-Ontariens considèrent le français et le catholicisme comme des partenaires égaux au sein de la Confédération, au même titre que l’anglais et le protestantisme.

Mais à mesure que la pratique religieuse décline et qu’un nationalisme plus vigoureux se fait jour après la Première Guerre mondiale, la langue devient le principal facteur distinctif entre les individus. Pourtant, et de façon tout à fait paradoxale, au Canada français, le catholicisme (qui reste la religion majoritaire) conduit à diviser la communauté de façon interne au moment de la création, dans les années 1970 et 1980, de systèmes d’écoles de langue française distincts (système public et système catholique). La concurrence pour l’inscription des élèves conduit à l’expression de deux formes d’identité franco-ontarienne : l’une laïque et basée sur la langue, l’autre plus traditionnellement franco-catholique. Quoi qu’il en soit, l’Église demeure, à de nombreux égards, un élément incontournable de l’histoire passée et présente de l’Ontario français.