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Formations en conservation du patrimoine : Profil de deux écoles ontariennes

M. Julian Smith, directeur administratif, passe en revue les propositions de conception avec les  étudiants du programme de conservation du patrimoine (Photographie reproduite avec l’aimable autorisation de la Willowbank School of Restoration Arts)

Par

Julian Smith et Tom Riddolls

Les outils pour la conservation

Date de publication :31 mai 2011

Photo : M. Julian Smith, directeur administratif, passe en revue les propositions de conception avec les étudiants du programme de conservation du patrimoine (Photographie reproduite avec l’aimable autorisation de la Willowbank School of Restoration Arts)

La Willowbank School of Restoration Arts est un établissement en plein essor qui témoigne à merveille de ce que M. Gustavo Araoz, président du Conseil international des monuments et des sites, a appelé un changement de paradigme en matière de conservation du patrimoine. Ce changement s’opère en faveur d’une approche plus écologique et plus intégrée de la conception et du développement. Il estompe les frontières qui séparent le patrimoine culturel du patrimoine naturel. De même, il fait cohabiter les aspects contemporains et les strates historiques des sites, dans une vision du monde dynamique plutôt que statique. Il tient compte aussi bien des aspects intangibles que des aspects tangibles, qu’il cartographie au moyen d’un cadre définissant le paysage culturel.

Willowbank se situe en dehors du système formel des collèges et des universités, ce qui lui permet d’abolir les frontières entre la formation académique et la formation pratique. Les étudiants du programme diplômant, d’une durée de trois ans, sont aussi à l’aise en atelier ou sur le terrain, équipés de leurs chaussures de sécurité et de leur casque, que dans les séminaires et les débats intellectuels.

Le maître maçon et professeur adjoint de Willowbank, M. Danny Barber, travaille à côté d’Emily Kszan, étudiante, qui carre un bloc de calcaire pour développer son savoir-faire. Photographie reproduite avec l’aimable autorisation de la Willowbank School of Restoration Arts.

Les programmes de l’école se tiennent dans le cadre d’exception du lieu historique national de Willowbank, d’une superficie de 5 hectares. Ce lieu est héritier d’un riche patrimoine autochtone de quelque 8 000 ans et s’inscrit également dans une histoire plus récente, marquée au début du XIXe siècle par plusieurs constructions et implantations. Clin d’œil de l’histoire, le manoir construit en 1834 est l’œuvre de l’architecte John Latshaw, modèle par excellence de la nouvelle génération de maîtres bâtisseurs. Pour les étudiants, cette propriété constitue un laboratoire essentiel à leur compréhension des sites stratifiés, ainsi que des nombreuses perspectives et disciplines qui jouent un rôle dans leur évolution.

Willowbank ne dispose d’aucun corps enseignant permanent; aussi, les étudiants travaillent-ils avec plus de 50 chargés de cours, dont plusieurs conseillers autochtones. Ils apprennent à penser le monde en des termes non hiérarchiques, prérequis essentiel à la compréhension du nouveau paradigme.

Willowbank est une école récente; néanmoins, la réussite de ses diplômés témoigne du fait que ce nouveau paradigme « fait école ». Pour les diplômés, les débouchés sont multiples : tailleurs de pierre et charpentiers-menuisiers sur des lieux historiques nationaux; chefs de projets majeurs de conservation et de réutilisation adaptative; concepteurs et conseillers pour le compte de promoteurs; planificateurs seniors en conservation du patrimoine pour le compte d’administrations municipales et de gouvernements provinciaux; consultants indépendants ou rattachés à de grands cabinets d’architecture. Dans presque tous les cas, leur réussite tient à leur facilité d’évolution par-delà des frontières devenues trop rigides et contre-productives.

Ce printemps, Willowbank annoncera la création d’un Centre du paysage culturel. Ce dernier permettra d’accroître la visibilité externe de Willowbank et de démontrer ce nouveau paradigme aussi bien en théorie qu’en pratique.

Le bol à punch rouge rubis avant sa restauration. On distingue un excès de colle dans les lignes de cassure réparées.

Le bol à punch rouge rubis avant sa restauration. On distingue un excès de colle dans les lignes de cassure réparées.

L’Université Queen’s propose une maîtrise en restauration d’œuvres d’art

La maîtrise de l’Université Queen’s, unique diplôme canadien d’études supérieures en restauration d’œuvres artistiques et culturelles, rassemble les meilleurs professionnels et étudiants canadiens et reflète les avancées du secteur. Au cours des quarante dernières années, ce programme a noué des partenariats d’exception avec des organismes consacrés à la conservation du patrimoine culturel. Parcs Canada, l’Institut canadien de conservation, le Musée canadien des civilisations et la Fiducie du patrimoine ontarien ont apporté leur expertise, formulé des recommandations et fourni des artéfacts nécessitant une restauration afin de faciliter la formation des étudiants.

Les collections culturelles et archéologiques de la Fiducie ont fourni de nombreux objets qui ont donné du fil à retordre à nos étudiants. Récemment, un grand bol à punch en verre, rouge rubis, de la Place Fulford (Brockville), a été restauré, puis restitué à la Fiducie. Le verre est l’un des matériaux les plus difficiles pour les étudiants, car il ne tolère aucune erreur. Lors du réassemblage d’un objet cassé, si des joints sont mal alignés, alors la dernière pièce ne pourra pas être posée. Les éclats et les fragments manquants du verre teinté doivent être harmonisés de telle sorte qu’ils produisent un effet lumineux homogène, aussi bien en lumière réfléchie qu’en lumière transmise. De plus, les colles utilisables pour réparer le verre sont limitées.

La complexité de la restauration du bol à punch a nécessité l’intervention de quatre étudiants, qui ont commencé leur travail en 1997. Lisa Ellis (Art Con ‘98) a été la première à travailler sur le bol qui, après s’être brisé au sol, a été mal restauré par une personne bien intentionnée. Une résine époxy grossièrement appliquée avait jauni et du ruban adhésif transparent recouvrait les joints intérieurs. Lisa a travaillé à éliminer la résine époxy qui obscurcissait la surface.

Le bol à punch après sa restauration.

Michael Belman (Art Con ‘02) a consacré huit mois à l’élimination progressive de l’ancienne couche de résine dans une cuve de solvant, puis a employé une résine époxy non jaunissante conçue spécifiquement pour la restauration afin de réassembler la pièce. L’intention de Michael consistait à ajouter une fine couche de résine époxy, de couleur rouge rubis, afin de traiter la surface. Toutefois, les résines époxy teintées disponibles il y a 10 ans étaient instables et les couleurs testées par Michael manquaient de fiabilité.

Le bol est resté dans un placard pendant cinq ans jusqu’à ce que Sara Serban (Art Con ‘08) l’en ressorte. Grâce à un nouveau colorant pour résines époxy, Sara a réussi à développer un mélange et un procédé destinés à garantir une parfaite correspondance des couleurs. L’exécution finale de la restauration a toutefois été confiée à Tania Mottus (Art Con ‘10). S’appuyant sur les procédés mis au point par les étudiants des précédentes promotions, Tania a méticuleusement ajouté de la résine époxy teintée, goutte à goutte, pendant plusieurs mois afin d’obtenir la nuance rouge rubis du verre initial. Au printemps 2010, l’objet a été restitué à la Place Fulford après 14 ans d’absence.

Inhabituelle et parfois frustrante pour les étudiants impliqués, la restauration du bol de punch en verre de la Place Fulford a nécessité des trésors de patience et a démontré la façon dont l’apprentissage auprès des confrères peut permettre d’obtenir des résultats de qualité.