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Les lieux anciens soutiennent une économie solide, durable et prospère

Bâtiment ancien (Photo : Paul Burk)

Photo : Paul Burk

Par

Thompson M. Mayes

L'économie du patrimoine, Les bâtiments et l'architecture, La communauté, Réutilisation adaptative

Published Date: oct. 01, 2019

Dans mon ouvrage intitulé Why Old Places Matter, je me suis attaché à présenter les nombreuses raisons expliquant pourquoi les lieux anciens aident les personnes à s’épanouir. Néanmoins, j’ai volontairement gardé pour la fin le fait que les lieux anciens soutiennent une économie durable et prospère. Pourquoi? Car les autres raisons de conserver, d’utiliser, de réutiliser et de préserver les lieux anciens sont données de façon expéditive, et les professionnels de la préservation passent bien souvent directement à l’argument selon lequel la préservation des lieux anciens présente des avantages sur le plan économique, supposant que l’argument économique est le seul qui intéresse les décideurs.

Les lieux anciens sont très bénéfiques pour les personnes grâce au sentiment de continuité, d’identité et d’appartenance qu’ils nous procurent; grâce à l’émerveillement qu’ils suscitent, et à la beauté et au caractère sacré qu’ils dégagent; grâce à leur résonance en matière d’histoire, d’ascendance et d’apprentissage; et parce qu’ils favorisent des collectivités saines et durables.

Comme l’a écrit Randall Mason, président du programme d’études supérieures en préservation historique à l’Université de Pennsylvanie, dans une étude sur la préservation et l’aspect économique pour la Brookings Institution en 2005 :

« La préservation historique a pour objectif principal le maintien et la création de valeurs culturelles, comme des associations historiques, l’esprit des lieux, le symbolisme culturel, les qualités esthétiques et artistiques de l’architecture, notamment. Étudier l’aspect économique de cela (ou de tout autre élément du secteur culturel) revient à calculer l’incalculable, ou à estimer l’inestimable. » (Traduction libre - Randall Mason, Economics and Historic Preservation: A Guide and Review of the Literature (Washington, DC : Brookings Institution, 2005), 8, consulté le 29 mars 2015.)

Le fait que nous devions justifier la nécessité de préserver les lieux anciens par l’aspect économique est un signe indiquant le caractère commercial omniprésent de notre société américaine. Mais nous devons néanmoins la justifier. Heureusement, comme l’écrit Donovan Rypkema, consultant en immobilier et directeur de PlaceEconomics :

« La bonne nouvelle est que la préservation historique est bonne pour l’économie. Au cours des 15 dernières années, des dizaines d’études ont été menées dans l’ensemble des États-Unis, par différents analystes et à l’aide de différentes méthodologies. Mais les résultats de ces études sont d’une cohérence remarquable : la préservation historique est bonne pour l’économie locale. Grâce à ce nombre important et croissant de travaux de recherche, l’incidence positive de la préservation historique sur l’économie a été constatée dans six grands domaines : (1) emplois, (2) valeurs des biens, (3) tourisme patrimonial, (4) incidence sur l’environnement, (5) conséquences sociales, et (6) revitalisation des centres-villes. » (Traduction libre - Caroline Cheong, Donovan Rypkema et Randall Mason, « Measuring the Economics of Preservation: Recent Findings, » Advisory Council on Historic Preservation, juin 2011, 1.)

Je ne vais pas suivre exactement la liste des six raisons établie par Donovan Rypkema (le site Web du National Trust for Historic Preservation en répertorie 12 – « 12 Economic Benefits of Historic Preservation, » National Trust for Historic Preservation, consulté le 8 avril 2015), mais je vais passer en revue rapidement six raisons clés pour lesquelles il est bon pour l’économie de conserver et de réutiliser des lieux anciens :

L’immeuble de l’American Brewery à Baltimore (Maryland), un projet de la National Trust Community Investment Corporation. (Photo : Paul Burk)

1. Emplois, revenu, impôts nationaux et locaux. La réfection de bâtiments anciens génère des emplois mieux rémunérés que la construction de bâtiments neufs, et l’argent a tendance à rester dans l’économie locale. « … un investissement d’un million de dollars dans la préservation historique a une incidence sensiblement plus importante sur l’emploi, les revenus, le PIB de l’État et les impôts nationaux et locaux qu’un investissement équivalent dans la construction ou dans de nombreuses autres activités économiques (p. ex. fabrication ou services). » (Traduction libre - Voir le document « Annual Report on the Economic Impact of the Federal Historic Tax Credit for FY 2012, » National Park Service et Université Rutgers, école de planification et de politique publique Edward J. Bloustein, 2013, consulté le 5 avril 2015. Voir également le rapport annuel 2016, « Annual Report on the Economic Impact of the Federal Historic Tax Credit for FY 2016, » National Park Service, consulté le 25 février 2018.)

2. Tourisme patrimonial. Les retombées économiques du tourisme patrimonial sont sans égales. Comme l’a écrit Donovan Rypkema, « Dans tous les cas où le tourisme patrimonial a été évalué, cette tendance de base a été observée : les séjours sont plus longs, les dépenses par jour sont plus élevées et, par conséquent, l’incidence économique par voyage est significativement plus importante. » (Traduction libre - Voir Donovan Rypkema, « The Economics of Historic Preservation, » présentation principale, Historic Preservation Conference and Town Meeting à Alexandria (Virginie), 5 mai 2007.)

3. Revitalization. Depuis des décennies, les collectivités plus anciennes utilisent leurs bâtiments et leurs paysages urbains historiques comme des atouts pour la revitalisation, assurant une plus grande diversité de revenus et d’origines culturelles dans les quartiers, suscitant une hausse de la valeur des biens et multipliant les possibilités d’emploi. Comme le dit le site Web de Main Street America : « l’accumulation de succès…des programmes Main Street America à l’échelon local nous a valu la réputation d’offrir l’un des outils de revitalisation économique les plus puissants dans le pays. » (Traduction libre - Voir « Reinvestment on the Rise, » Main Street America, consulté le 18 février 2018.)

4. Attraction des talents et des investissements. D’après le rapport de la Banque mondiale intitulé « The Economics of Uniqueness », les projets liés au patrimoine « contribuent à l’habitabilité urbaine, en attirant les talents et en instaurant un environnement propice à la création d’emploi » (Traduction libre). Comme Richard Florida et d’autres l’ont souligné, les personnes créatives sont les talents qui stimulent la nouvelle économie, et les personnes créatives sont attirées par les lieux qui dégagent de l’authenticité. Les entreprises situées dans des lieux perçus comme des endroits où il fait bon vivre, donnant un sentiment d’authenticité, ont un avantage pour attirer les talents et les investissements. Autrement dit, pour citer le rapport de la Banque mondiale : « le patrimoine est un facteur de différenciation qui attire les talents dans les villes. » (Traduction libre - Voir l’article de Donovan Rypkema, « Heritage Conservation and Property Values ».

Savannah, en Géorgie, attire  les touristes grâce à la beauté  et au charme de ses parcs,  ses bâtiments et ses paysages  urbains historiques. (Photo : Tom  Mayes/National Trust for Historic  Preservation)

Savannah, en Géorgie, attire les touristes grâce à la beauté et au charme de ses parcs, ses bâtiments et ses paysages urbains historiques. (Photo : Tom Mayes/National Trust for Historic Preservation)

5. Valeurs des biens. L’une des principales finalités citées dans la législation sur la préservation en tant que justification de la préservation historique est qu’elle stabilise et soutient les valeurs des biens. Des études menées dans l’ensemble des États-Unis montrent que cela se vérifie de façon générale, les valeurs des biens situés dans des quartiers historiques augmentant de façon plus cohérente que celles des biens situés dans d’autres quartiers. En outre, les études indiquent que les valeurs des biens dans les quartiers historiques se maintiennent au cours des périodes de baisse des prix de l’immobilier, comme la récession de 2008, et reprennent plus rapidement leur cours normal.

6. Incubation d’entreprises. Comme l’a récemment conclu le rapport du Preservation Green Lab intitulé Older, Smaller, Better, les bâtiments anciens de taille plus modeste jouent un rôle essentiel pour l’incubation de petites entreprises, qui sont les principaux créateurs d’emplois dans l’économie américaine.

Il ne s’agit là que d’un résumé des plus succincts des avantages économiques que procurent les lieux anciens. Un grand nombre d’études et de rapports, émanant de sources très diverses, fournissent à la fois une confirmation et des mises en garde quant à ces conclusions. Le rapport « Measuring the Economics of Preservation » de Cheong, Rypkema et Mason, et l’étude « Economics and Historic Preservation » de Randall Mason constituent un bon point de départ, et orientent également vers d’autres études.

Je m’oppose à l’idée selon laquelle tout dans la vie doit être réduit à la perspective économique, mais imaginez si ces études parvenaient à saisir l’intégralité des avantages que les lieux anciens procurent aux personnes : le sentiment d’identité et d’appartenance, l’émerveillement devant leur beauté, la créativité et l’imagination? L’évaluation consisterait alors, comme l’a écrit Randall Mason, à « calculer l’incalculable, ou à estimer l’inestimable ».