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Le riche patrimoine religieux de l’Ontario

Intérieur d’Assumption Church, à Windsor

"« Bien que les églises établies au début de l’Empire britannique fussent de confessions différentes, les membres de leurs congrégations partageaient des expériences linguistiques, culturelles et politiques communes qui les rapprochaient. »"

Par

Wayne Kelly

Le patrimoine autochtone, Les bâtiments et l'architecture, Le patrimoine francophone, La communauté

Date de publication :10 sept. 2009

Photo : Intérieur d’Assumption Church, à Windsor

Depuis les peuples autochtones qui, durant des milliers d’années, ont célébré des cérémonies religieuses et culturelles dans des sites qui revêtaient, à leurs yeux, une signification spirituelle, jusqu’aux immigrants qui suivirent, apportant leurs propres croyances et valeurs, et se rassemblant dans de nouveaux lieux de culte qu’ils établirent, chacune des phases de l’établissement et de la croissance de l’Ontario est venue enrichir le patrimoine religieux de la province.

Il y a près de 400 ans, quand les Français arrivèrent dans ce qui est désormais l’Ontario, ils cherchèrent à nouer des relations politiques et commerciales avec les peuples autochtones. Ils tentèrent également de persuader, parfois avec succès, les habitants d’adopter leur foi catholique. Le 12 août 1615, Samuel de Champlain assista à la première messe catholique célébrée dans le pays huron par le père récollet Joseph Le Caron, dans la forteresse huronne de Carhagouha, à quatre kilomètres au nordouest de l’église actuelle Sainte-Croix de Lafontaine. (Aujourd’hui, le site est indiqué par la croix de Carhagouha.)

En 1639, les missionnaires jésuites français commencèrent la construction de Sainte-Marie-au-Pays-des-Hurons, qui devint le premier établissement européen en Ontario, sur la rivière Wye près de la baie Georgienne. La dévastation de la guerre et la maladie poussèrent les jésuites à brûler leur établissement en 1649, mais, après avoir gagné l’intérieur de la province, les Français poursuivirent leurs activités politiques et commerciales, et leur travail missionnaire.

Avec la chute de la Nouvelle France en 1763, l’influence française en Ontario s’atténua. Aucune église de l’ère française n’a survécu dans la province. Par la suite, les pionniers francophones venus de France et du Québec, toutefois, ont construit des communautés et des églises qui ont préservé l’héritage du catholicisme français en Ontario, comme en témoignent Assumption Church à Windsor, qui contient une chaire baroque en bois, sculptée à la main, datant de 1787, Martyrs’ Shrine à Midland et Nativity Church à Cornwall.

Certaines des plus anciennes églises de l’Ontario datent de la période loyaliste de la province. En 1783, dans le sillage de la Révolution américaine, les pionniers américains qui étaient restés loyaux à la Couronne britannique se réinstallèrent dans le Sud de l’Ontario, le long du fleuve Saint-Laurent et au bord des Grands Lacs, et établirent des communautés à proximité de Cornwall, de Kingston, de Niagara et de Windsor, entre autres. Leur présence marque le début de la forte influence britannique qui régna sur les institutions politiques, culturelles et religieuses de l’Ontario.

St. James-on-the-Lines Garrison Church, à Penetanguishene

Les Loyalistes comptaient des catholiques et des protestants. Les églises édifiées au début du XIXe siècle reflètent la diversité de leur foi : Anglican Blue Church à Augusta, St. Andrew’s Presbyterian à Williamstown, Hay Bay Methodist à Adolphustown et St. Andrew’s Roman Catholic à St. Andrew’s West. Certaines des premières églises servaient aux garnisons militaires britanniques, comme Christ Church à Amherstburg, qui desservait Fort Malden, et St. James-on-the-Lines Garrison Church à Penetanguishene. Les ruines de St. Raphael’s à Glengarry Sud sont un autre exemple notable de l’une des premières églises catholiques.

Bien que les églises établies au début de l’Empire britannique fussent de confessions différentes, les membres de leurs congrégations partageaient des expériences linguistiques, culturelles et politiques communes qui les rapprochaient. En effet, au cours du XIXe siècle, pour nombre de Loyalistes et d’immigrants britanniques, les activités religieuses étaient étroitement liées à la loyauté et aux poursuites militaires, politiques et économiques.

Yonge Street Quaker Meeting House, à Newmarket

Yonge Street Quaker Meeting House, à Newmarket

Des groupes religieux pacifistes, tels les Mennonites et la Société religieuse des amis (Quakers), arrivèrent en Ontario après la Révolution américaine afin d’échapper au service militaire et à la persécution, s’établissant dans les régions de Quinte et Niagara. Après 1800, d’autres établissements de Quakers virent le jour dans le canton de King, dans le canton de Northern Whitchurch, dans le canton de Yarmouth et à Norwich. Prônant la paix, la tempérance et le service social, les Quakers jouèrent un rôle majeur dans le chemin de fer clandestin. Simples structures en bois d’une grande sobriété, leurs églises dénotaient un rejet des édifices religieux bâtis par les congrégations chrétiennes plus importantes. De 1825 à 1831, les Enfants de la Paix ou Davidites, branche dissidente de la foi Quaker depuis 1812, érigèrent un temple d’une grande beauté à Sharon. Reesor Meeting House, datant de 1820, à Markham, est un exemple remarquable des premières maisons communes mennonites.

Au cours du XIXe siècle, de nouvelles villes et de nouveaux villages se développèrent partout en Ontario, gagnant l’intérieur des terres à partir des Grands Lacs et des principales voies navigables. D’importants centres urbains fusionnèrent à des endroits comme Toronto, Kingston et London. Malgré la place toujours centrale de l’agriculture pour l’Ontario, si les manufactures et l’industrie insufflèrent de l’énergie et du dynamisme à l’expansion économique, ce furent surtout les vagues successives d’immigrants originaires de Grande-Bretagne, des États-Unis et de pays européens qui stimulèrent la croissance de la province.

Au cours de cette période, la population continua d’être essentiellement d’origine ou de descendance britannique, même si les Autochtones, les Noirs, les Français, les Allemands et les Américains jouèrent également un rôle prépondérant dans l’histoire de la province. Là où ils s’établissaient, ils avaient souvent pour priorité d’ériger des églises. Les communautés prospéraient et les premières églises généralement rudimentaires, en rondins ou charpente en bois, étaient remplacées par des édifices plus imposants et plus spécialisés, adaptés aux spécificités de leur culte. Les anglicans érigeaient des clochers pointus, les presbytériens, d’épais monolithes en pierre, les catholiques, des monuments hauts et imposants, les méthodistes, de modestes bâtiments en bois ou en brique, etc. Encore essentiellement britannique et chrétienne, la religion de l’Ontario du XIXe siècle affichait des styles plutôt variés dans les lieux de culte.

Ainsi assiste-t-on, à cette période, à l’émergence de certaines des réalisations d’architecture religieuse les plus fascinantes de l’Ontario. St. James Cathedral à Toronto donne sur un grand parc public. Un certain nombre d’églises dans des endroits comme Brockville et Brantford jouxtent les tribunaux du comté, servant ainsi à créer d’impressionnants espaces publics. D’autres, comme celles de Goderich, deviennent le point d’ancrage des centres-villes et des rues principales. Parmi les églises rurales qui se dressent tels des phares au milieu des champs labourés, citons Marsh Trinity Anglican dans le canton de Cavan-Monaghan et Lingelbach United dans le canton de Perth Est.

Dans le Centre et le Nord de l’Ontario, où les villes se sont développées autour des zones portuaires, ont surgi le long des voies ferrées ou sont nées des industries telles que l’exploitation minière et forestière, les églises étaient souvent considérées comme le pôle d’attraction de la vie de la communauté et s’inscrivaient en contrepoint du vice et du péché. Ainsi, dans la ville portuaire d’Owen Sound, les quatre églises situées au carrefour appelé « Salvation Corners » (angles du salut) se trouvaient à deux pas de « Damnation Corners » (angles de la damnation) où s’élevaient autrefois quatre hôtels.

De nombreuses congrégations établies au tout début ont survécu, contrairement à leurs lieux de culte d’origine. Par exemple, la première congrégation juive en Ontario, Toronto Hebrew Congregation Holy Blossom, a été fondée en 1856. Et St. John’s Evangelical Lutheran Church à Dundas Sud dessert l’une des plus anciennes paroisses allemandes de l’Ontario, qui date de 1784.

Certes, dans les premiers temps, les politiques d’immigration canadiennes favorisaient en règle générale les personnes venant de Grande-Bretagne et d’Europe de l’Ouest. Cependant, durant certaines périodes au cours du XIXe et du XXe siècle, le Canada ouvrit ses portes à des travailleurs originaires d’autres régions d’Europe centrale et de l’Est. Souvent, ces immigrants fuyaient leur pays en proie à des troubles politiques ou en raison de conditions de vie défavorables. Attirés au Canada par la promesse de terre gratuite et l’espoir de prospérité, ils arrivèrent pour se retrouver confrontés à de nouvelles épreuves. Nombreux sont ceux qui ne parlaient pas anglais ou ne pouvaient communiquer avec les administrateurs gouvernementaux. Ils se voyaient allouer un lopin de terre dans des régions reculées, sans route pour y accéder, parfois même des terres non arables. Ils enduraient la pauvreté, la faim et le froid. Même s’ils venaient de différents pays, parlaient des langues différentes et s’établissaient dans diverses contrées de l’Ontario, ces groupes apportaient leur sens de la communauté et leur identité culturelle propres. Là où ils s’établissaient, ils édifiaient des églises et des synagogues pour pratiquer leur culte dans leur langue et selon leur propre confession.

St. Mary’s Roman Catholic Church, à Wilno

À Wilno, dans le comté de Renfrew, des immigrants polonais établis le long de l’Opeongo Road fondèrent la paroisse de langue polonaise, St. Stanislaus Kostka, en 1875. En 1895, St. Mary’s Roman Catholic Church ouvrait ses portes à Wilno. Elle dessert toujours la communauté polonaise de Wilno. À la fin du XIXe siècle, des immigrants juifs originaires d’Europe de l’Est s’établirent dans l’ouest de Toronto et bâtirent Knesseth Israel Synagogue en 1911. L’Adath Jeshurun Congregation à Ottawa érigea sa première synagogue en 1904. Comme de nombreuses congrégations juives des premiers temps, Knesseth Israel et Adath Jeshurun pratiquèrent le culte au domicile de leurs membres ou ailleurs, tant qu’ils n’eurent pas les moyens de construire un lieu de culte. En 1930, des immigrants slovaques s’établirent à Bradlo dans le Nord de l’Ontario, où ils bâtirent une église catholique en 1933. Des Italiens, des Portugais, des Grecs, des Macédoniens et bien d’autres encore arrivèrent par vagues successives et établirent des églises dans les centres urbains comme Toronto, Hamilton et Windsor, entre autres. Santa Inês-St. Agnes Church à Toronto fut édifiée en 1913 pour les besoins de la communauté italienne. Aujourd’hui, elle dessert une communauté portugaise. Dans le Nord de l’Ontario, des immigrants ukrainiens fondèrent des églises à Timmins, à Kirkland Lake et à Sudbury, et des immigrants finlandais établirent des lieux de culte dans le district de Thunder Bay. Ces groupes d’immigrants enrichirent de manière spectaculaire le patrimoine religieux de l’Ontario.

Plus récemment, le Canada a accueilli des immigrants du monde entier, apportant une formidable diversité confessionnelle à l’Ontario. En 1964, la London Muslim Mosque, première mosquée de l’Ontario construite à cette fin, a ouvert ses portes. Le Vishnu Mandir de Richmond Hill est, au même titre, le premier temple hindou de la province construit à cette fin et caractérisé par une architecture spécifique. En 1969, la Shiromani Sikh Society a édifié le premier gurdwara permanent de l’Ontario, à Toronto. De nombreux bouddhistes ont transformé des maisons et des magasins en lieux de culte, comme en témoigne Riwoche Tibetan Buddhist Temple, à Toronto, situé dans un ancien magasin d’exposition de pianos. Des congrégations chrétiennes de Canadiens d’origine chinoise, coréenne et vietnamienne rénovent d’anciennes églises.

Aujourd’hui, les lieux de culte de l’Ontario représentent non seulement le riche patrimoine religieux de la province, mais également l’extraordinaire diversité culturelle de ses habitants successifs, des gens passionnés dont les traditions et les valeurs continuent à d’animer et d’enrichir notre société.

Cham Shan Buddhist Temple, à Thornhill

Photo: Cham Shan Buddhist Temple, à Thornhill

St. Sylvester’s Roman Catholic Church, à Lake St. Helen

Photo: St. Sylvester’s Roman Catholic Church, à Lake St. Helen