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Lecture du paysage

Alors que l’arpentage initial au comté de Prince Edward montre un réseau complet de routes, bien souvent la réserve routière ne demeurait pas accessible. Bien que l’information soit incomplète, cela ajoute quand même un intérêt visuel au paysage rural. (Photo : Wendy Shearer)

Les paysages culturels

Date de publication : sept. 09, 2016

Photo : Alors que l’arpentage initial au comté de Prince Edward montre un réseau complet de routes, bien souvent la réserve routière ne demeurait pas accessible. Bien que l’information soit incomplète, cela ajoute quand même un intérêt visuel au paysage rural. (Photo : Wendy Shearer)

Pour apprendre à observer et à comprendre le paysage culturel, il faut voir comment les processus et les éléments naturels ont été modifiés ou améliorés dans le passé comme moyen de créer un mode de vie durable. J.B. Jackson, éducateur et auteur de renom au sujet des paysages vernaculaires, a dit un jour que « le paysage est l’histoire devenue visible. » Par cette réflexion sur le paysage culturel, on reconnaît qu’il y a beaucoup à voir et beaucoup à comprendre de notre passé.

En faisant un survol de la province, on remarque de nombreux signes – tant manifestes que subtils – d’activités naturelles et humaines passées. Ce constat est visible dans les types de végétation, les réseaux de circulation ainsi que les édifices et les structures qui composent notre paysage culturel. Même là où ont cessé divers usages du passé, certains des détails et des modèles peuvent persister et traduire un usage longtemps répandu. En outre, dans le paysage rural, des rangées d’arbres survivants d’épinettes de Norvège en plein champ indiquent l’endroit où était situé le cœur de la ferme avec ses nombreuses dépendances, l’étable, l’allée et la maison de ferme – toujours visibles bien après la démolition des structures.

Il est utile d’être en mesure non seulement d’observer notre environnement, mais également de comprendre les influences de la nature, de l’économie et de la culture qui ont façonné notre société. Le paysage témoigne des activités humaines du passé qui ont contribué à la survie, à l’intendance et à la viabilité. On peut en tirer des leçons en saisissant comment les ressources ont été exploitées au fil des siècles et comment différentes périodes ont attribué diverses valeurs au paysage.

Certaines forces naturelles, dont le recul du champ de glace qui recouvrait une grande partie de l’Ontario, ont laissé une marque indélébile sur le paysage actuel. Le relief actuel, la topographie, les formations du sous-sol et le profil d’écoulement des eaux créé lors de la période glaciaire ont permis la réalisation de diverses activités humaines et ont donné lieu au paysage culturel que nous chérissons aujourd’hui. Le calcaire de l’escarpement du Niagara, le granit du Bouclier canadien et les plaines de till glaciaire fertile du sud-ouest de l’Ontario ont tous contribué à influencer la variété et le succès des types de peuplement toujours visibles aujourd’hui. En outre, les fermes en pierre typiques dans les comtés de Waterloo et Wellington sont construites à l’aide de calcaire extrait dans la région ou des pierres des champs et du granit provenant des eaux de fonte. Par contre, les comtés dans le sud-ouest de l’Ontario comptent peu d’édifices résidentiels en pierres et on utilise plutôt les ressources forestières qui foisonnent dans cette région.

On remarque une plus grande sensibilisation aux paysages culturels grâce aux diverses politiques et procédures adoptées pour en assurer la protection et la conservation. Plusieurs types sont reconnus, conçus par l’homme, vivants (paysage relique et évolutif) et associatifs. (Consultez la fiche d’information révisée en novembre 2012 Paysages culturels – Introduction de la Fiducie du patrimoine ontarien pour obtenir des exemples et des références.) On compte des exemples de chacun de ces types de paysages qui sont interliés dans notre paysage actuel.

Une recherche historique et des photos d’archives ont permis d’obtenir de précieux détails sur la conception des jardins d’inspiration italienne à la Place Fulford et de contribuer à sa restauration.

La Place Fulford à Brockville représente un excellent exemple de paysage culturel conçu par l’homme où l’étude d’un paysage actuel a confirmé de nombreux détails importants du jardin initial d’inspiration italienne qu’il fallait obtenir pour en assurer la conservation. Au début du XXIe siècle, la Fiducie a entrepris des travaux de remise en état de ce jardin du début du XXe siècle dans la cour latérale de la vaste résidence de George Fulford. La Place Fulford témoigne du style de résidence de campagne de l’âge d’or lorsqu’il était courant que les domaines donnent sur un jardin d’inspiration italienne. La pente naturelle de la propriété vers le fleuve Saint-Laurent a été grandement modifiée par l’ajout de plus de 5 mètres (16 pieds) de terre pour créer la terrasse qui s’impose.

Profitant des diverses archives composées de lettres, de photos, d’articles de journaux et les plans originaux Olmsted de 1902, le retour au jardin d’inspiration italienne est amorcé. L’endroit exact des plates-bandes géométriques était visible sur les photos subséquentes du jardin et sur place bien après qu’elles eurent été couvertes par une couche de gazon. À l’aide d’une recherche historique et des preuves visibles restantes sur place, les jardins ont été fidèlement restaurés.

Il est possible de lire le passé à partir des caractéristiques d’un paysage culturel évolutif et en évolution. Dans le sud-ouest de l’Ontario, le long de la rive nord du lac Érié, on compte une suite continue de kilomètres de haies de cèdres entrelacées dans les champs. Ce paysage s’explique par l’histoire de la région où, en 1900, il ne restait que 20 p. 100 de la couverture forestière. De même, les concentrations de nutriments dans les sols sablonneux étaient peu élevées; le climat sec a causé une érosion du sol engendrée par le vent. La plantation active de brise-vent de conifères a été entreprise dans les années 1920 afin d’assurer le maintien du sol. Aujourd’hui, ces rangées de cèdres continuent de marquer de façon distincte le paysage agricole. Alors que les grandes cultures n’ont cessé d’évoluer et de se diversifier depuis le tabac et la pomme de terre jusqu’au ginseng et à l’asperge, les preuves de cette pratique forestière sont visibles et enseignent aux membres de la communauté les riches leçons acquises au sujet de la gestion du sol.

Le tracé et l’alignement du réseau routier partout dans la province au début du XIXe siècle par les arpenteurs de l’armée britannique constituent l’un des vestiges les plus évidents des activités passées que l’on peut encore lire dans le paysage. Cette configuration structurée représente l’origine de la création de notre paysage agricole rural et les emplacements prévisibles des peuplements.

Dans certains cas, le réseau routier concordait au début des routes créées avant le début des contacts et celles-ci constituaient un lien direct entre les ressources. En outre, l’un des premiers sentiers reliant la péninsule du Niagara à la rive nord du lac Ontario traversait ce que l’on nomme aujourd’hui Burlington Heights – un pont terrestre partiel utilisé pendant des siècles par les Premières Nations et, au XIXe siècle, par les colons, dont Sir Allan MacNab pour le lieu historique national Dundurn, et au XXe siècle par Thomas McQuesten pour l’emplacement des Jardins botaniques royaux à l’entrée de Hamilton. La topographie de la région offre une vue remarquable des eaux de Cootes Paradise du côté de l’île et il y a Burlington Bay du côté du lac et cette présence témoigne du relief créé par le retrait glaciaire. L’escarpement du Niagara crée un environnement naturel de protection permettant la présence de communautés végétales et animales rares et uniques. Le visiteur qui s’y promène aujourd’hui est en mesure d’admirer la nature à l’œuvre depuis des milliers d’années offrant un milieu qui a profité de diverses richesses au fil des siècles.

Clôture de perches en cèdre traditionnelle, vue de Pinhey’s Point à Ottawa, qui fait l’objet d’une servitude de la Fiducie.

Clôture de perches en cèdre traditionnelle, vue de Pinhey’s Point à Ottawa, qui fait l’objet d’une servitude de la Fiducie.

Le réseau routier rural est fréquemment renforcé par des rangées d’érables à sucre. Ces rangées d’arbres nous rappellent de façon distinctive la pratique ancestrale d’arbres plantés en façade par les agriculteurs. L’observation de ces rangées d’arbres nous permet de saluer les gestes de nos ancêtres qui profitent à l’ensemble de la collectivité.

Au milieu du XIXe siècle, un vaste réseau ferroviaire faisait partie du cadre économique de la province. De petites collectivités bordant la voie ferroviaire ont connu prospérité et croissance. Au XXe siècle, à la suite de changements apportés au mode de transport, de nombreuses voies sont disparues, et des signes de ce passé sont encore visibles dans le paysage.

Alors qu’il est plus facile d’observer le tracé aligné des routes, des édifices et de la végétation, il est également important de reconnaître la signification des détails des vestiges dans le paysage. Par exemple, tout comme le type de matériau de construction utilisé dans les structures vernaculaires traduit les matériaux locaux disponibles et le travail artisanal de l’époque, d’autres détails liés au paysage nous informent beaucoup sur l’histoire du développement local. Dans l’est ontarien, en outre, il était courant de concevoir une clôture en cèdre en forme de zigzag ou de trépied, qui était directement fixée au sol. Ailleurs en Ontario, les clôtures de cèdre étaient fixées à des piquets installés au sol et des traverses étaient ajoutées entre chaque section. Cette pratique modifiée indique des changements dans la géologie du substratum rocheux et la profondeur de la couche arable. L’observation des différents types de clôtures révèle l’ingéniosité et l’efficacité du constructeur.

La lecture du paysage représente une façon utile d’apprécier les activités qui ont laissé leur marque sur l’environnement. Cependant, l’observation à elle seule ne peut servir à dresser l’histoire intégrale d’un lieu. Les ressources historiques – photos, récits de Tweedsmuir, cartes d’assurance, dossiers de recensement, registres fonciers et publications d’histoires locales – peuvent combler l’information manquante sur la façon dont le paysage culturel a été formé. Dès que les antécédents sont recueillis, une autre visite pour observer encore une fois les vestiges et les caractéristiques du paysage s’impose afin de mieux apprécier les divers éléments qui composent le paysage culturel.