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Un rêve devenu réalité : la découverte de l’insuline

Photographie du laboratoire 221 de l’Old Medical Building de l’Université de Toronto. C’est dans ce laboratoire que Banting et Best ont effectué une partie de leurs recherches en 1921-1922. Reproduite avec l’aimable autorisation de la Thomas Fisher Rare Book Library, Université de Toronto. Collection Banting. P10043.

Le patrimoine médical

Date de publication : févr. 12, 2016

Photo : Photographie du laboratoire 221 de l’Old Medical Building de l’Université de Toronto. C’est dans ce laboratoire que Banting et Best ont effectué une partie de leurs recherches en 1921-1922. Reproduite avec l’aimable autorisation de la Thomas Fisher Rare Book Library, Université de Toronto. Collection Banting. P10043.

La nouvelle est sensationnelle. Soudain, au début de l’année 1922, des chercheurs de l’Université de Toronto annoncent qu’ils ont découvert un traitement efficace contre le diabète sucré. L’équipe est parvenue à isoler une sécrétion interne du pancréas qu’elle a baptisé insuline. Les injections d’insuline ont éliminé tous les symptômes du diabète chez des victimes affamées et mourantes de la maladie, leur ayant permis de reprendre du poids et des forces. L’insuline a ramené ces patients, principalement des enfants, à la vie.

Et elle continue de le faire. Partout dans le monde, des dizaines de millions de personnes atteintes de diabète sévère mènent des vies quasi-normales grâce à leurs injections régulières d’insuline. C’est le plus beau cadeau de la science canadienne à l’humanité.

Coupure du quotidien The Toronto Star datant du 26 mars 1922, montrant (dans le sens horaire, à partir du coin supérieur gauche) Frederick Banting, Charles H. Best, James B. Collip et J.J.R. Macleod. Ce collage a été réimprimé dans plusieurs journaux canadiens. Reproduite avec l’aimable autorisation de la Thomas Fisher Rare Book Library, Université de Toronto. Collection Banting. C10025.

En octobre 1923, le prix Nobel est décerné aux docteurs Frederick Banting et John J.R. Macleod pour la découverte de l’insuline. Cette distinction, la plus rapidement attribuée dans l’histoire du prix Nobel, demeure la seule du Canada dans le domaine de la physiologie et de la médecine.

Frederick Banting, qui a eu l’idée ayant donné le coup d’envoi des recherches sur l’insuline sous la supervision du professeur Macleod, au sein du département de physiologie de l’Université de Toronto, annonce qu’il partagera sa part du prix en argent avec son assistant-étudiant, Charles Best. John Macleod, quant à lui, partage l’argent avec un biochimiste qui a rejoint l’équipe, James B. Collip.

Pendant de nombreuses années, le doute et la controverse planent sur la question de savoir à qui attribuer le mérite de la découverte de l’insuline. La plupart des Canadiens et de nombreuses autres personnes en arrivent à penser que c’est l’œuvre des seuls Banting et Best, lesquels ont travaillé de leur côté, ne recevant qu’une vague aide de la part de Macleod et Collip au cours des ultimes étapes. Pourtant, lorsque le dossier documentaire complet des recherches sur l’insuline est rendu public, il apparaît clairement que Banting et Best n’ont fait que lancer le ballon dans la direction pointée par Macleod pour que Collip puisse finalement transformer l’essai. La découverte de l’insuline est le fruit de l’effort collectif d’au moins quatre scientifiques.

La clé de leur réussite réside dans le fait d’avoir pu travailler en équipe à l’Université de Toronto, un établissement récemment équipé en vue de favoriser les travaux de recherche de pointe. En toile de fond de l’arrivée de l’insuline il faut considérer la manière dont les habitants de Toronto, de l’Ontario et du Canada en viennent, à l’aube du XXe siècle, à croire en l’importance de la recherche. Ils décident qu’il faut doter l’université de la province de l’Ontario de la capacité de réaliser des expériences de classe mondiale et que le Canada doit se tenir à l’avantgarde de la science moderne pour contribuer à la découverte et au progrès.

Des gouvernements, d’anciens étudiants et des philanthropes investissent leurs ressources pour constituer la capacité de recherche de l’Université de Toronto, tant sur le plan matériel qu’intellectuel. C’est pourquoi, lorsque Frederick Banting, médecin praticien, revient vers son alma mater avec l’idée brute de faire des recherches sur le diabète, il est accueilli à bras ouverts et placé sous la supervision d’un expert mondial du métabolisme des hydrates de carbone, John Macleod. Il bénéficie de l’assistance d’un brillant finissant en sciences, Charles Best. Et il est propulsé vers la victoire par le génie de l’extraction d’un biochimiste de passage, James Collip.

L’équipe dispose de tous les animaux de laboratoire et de toutes les autres ressources qu’il lui faut pour mener ses expériences à bien. L’insuline fait son apparition au Canada parce que l’Université de Toronto est le premier complexe de recherche à réunir l’expertise et les ressources nécessaires pour s’attaquer au problème à fond.

« Si tu le construis, il viendra », souffle la voix dans le classique du cinéma, Le champ des rêves (Field of Dreams). Au tout début du XXe siècle, la première université de l’Ontario et du Canada change de cap pour devenir un champ des rêves dans le domaine médical, où l’on caresse l’espoir que de grandes choses vont se produire. Et, aussi incroyable que cela puisse paraître, tant on dirait que c’était écrit d’avance, Banting a son idée et la partie se solde par une victoire éclatante.

Bien entendu, les véritables vainqueurs n’ont cure des querelles des scientifiques pour s’octroyer le mérite. Tout ce qu’ils désirent, c’est louer la bonne fortune qui leur a permis de bénéficier de l’une des avancées les plus formidables et les plus spectaculaires de l’histoire de la médecine. Comme l’a dit un médecin avisé lors du dîner du prix Nobel en 1923 : « Dans l’insuline, il y a bien assez de gloire pour tous. » (Traduction libre)