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Voir l’invisible : archéologie et géophysique

Plusieurs méthodes géophysiques ont été employées dans la propriété Chedoke de la Fiducie, à Hamilton, y compris la tomographie de résistivité électrique (voir la photo), le magnétomètre et le sondage électromagnétique.

Par

Dena Doroszenko

L'archéologie, Les outils pour la conservation

Date de publication :31 mai 2011

Photo : Plusieurs méthodes géophysiques ont été employées dans la propriété Chedoke de la Fiducie, à Hamilton, y compris la tomographie de résistivité électrique (voir la photo), le magnétomètre et le sondage électromagnétique.

La croissance démographique ontarienne entraîne des répercussions non négligeables sur les paysages de la province. Par conséquent, il est nécessaire d’adopter des méthodes efficaces et rentables pour localiser et cartographier les sites archéologiques ainsi qu’inventorier l’information qu’ils recèlent avant qu’ils disparaissent.

L’archéologie, du fait des excavations qu’elle impose, est intrinsèquement une science destructive. Un site archéologique qui fait l’objet de fouilles est systématiquement détruit. Par conséquent, chacune des étapes d’une excavation peut être péniblement lente, car il est essentiel de documenter soigneusement chaque élément découvert, à chaque niveau. Comme dans chaque discipline scientifique, la technologie est en train de transformer les méthodes de travail des archéologues. L’archéogéophysique fait référence à la cartographie de la sous-surface à partir du sol. Elle fait appel à différents systèmes de capteurs (voir les explications fournies dans la barre latérale). Les méthodes géophysiques offrent de nouvelles façons d’examiner les vestiges des cultures précédant notre ère et nous apportent des indices sur le passé de notre province.

La géophysique s’appuie sur des méthodes de collecte de données qui permettent aux archéologues de découvrir et de cartographier les trésors archéologiques à l’aide de procédures qui ne peuvent pas être exploitées par les méthodes d’excavation de terrain classiques. Grâce à une vaste panoplie d’instruments, il est possible de mesurer et de cartographier les changements physiques et chimiques qui interviennent dans le sol en la présence ou en l’absence d’éléments enfouis. Quand ces changements peuvent être corrélés à certains éléments propres aux sites archéologiques, comme des éléments architecturaux (murs enterrés), des zones d’utilisation (foyers) ou d’autres objets culturels (artéfacts), on peut alors réaliser des cartes et des images haute définition des vestiges enfouis.

Les résultats obtenus peuvent être exploités pour guider l’excavation et donner aux archéologues une idée de la structure des zones non excavées des sites. Les techniques géophysiques appropriées qui devraient être employées lors d’une enquête archéologique vont varier d’un site à l’autre. Chaque technique a des points forts et des contraintes qui vont la rendre plus ou moins efficace lors de la détection des caractéristiques du sous-sol, en fonction des conditions environnementales. Point intéressant : la géophysique permet de détecter et de cartographier des éléments qui sont enfouis sous terre et sous l’eau.

Un exemple de cartographie des données conductives émanant d’une zone située au sud de l’église de l’Assomption (Windsor), une propriété protégée par une servitude protectrice de la Fiducie du patrimoine ontarien. On peut y voir des commodités modernes (Photo : Benjamin Lane)

Si les méthodes géophysiques sont employées de prime abord, le travail des archéologues peut s’en trouver grandement facilité, notamment quand il s’agit d’établir les excavations prioritaires. Ces méthodes permettent d’explorer des zones de sous-surface très étendues, de les cartographier avec précision et d’en tirer des interprétations à partir de leurs différentes caractéristiques (forme, distribution, contexte, mesures, etc.). Les irrégularités du paysage identifiées par les géophysiciens sont des données factuelles. Autrement dit, une cause physique réelle doit exister dans le sol. Les archéologues déterminent la « réalité de terrain » en vérifiant l’existence des éléments archéologiques détectés lors de l’analyse géophysique. Pour ce faire, ils établissent des unités d’excavation sur les sites concernés.

En raison du droit provincial ontarien, des évaluations archéologiques sont fréquemment demandées avant le défrichage d’un site et la construction de nouveaux bâtiments. Le temps mis à la disposition des archéologues est souvent limité. Les méthodes géophysiques peuvent se révéler très intéressantes, car il n’est pas rare que le site soit complètement détruit par la nouvelle construction. Les géophysiciens et les archéologues doivent déterminer l’impact de l’environnement sur la possibilité d’utiliser la géophysique, le prendre en compte et l’évaluer pour mettre au point des méthodes d’enquête innovantes. Au fil du lancement de nouveaux équipements et logiciels, de nouvelles exigences attendent les archéologues, qui doivent alors comprendre cette technologie et apprendre comment les données peuvent être réunies en un ensemble cohérent. Cela leur permet de combiner des données issues de différentes classes de mesures – densités d’un artéfact, topographie, magnétométrie, géoradar, conductivité, GPS et imagerie satellite et aérienne.

La science étudie le passé de l’être humain depuis des siècles, et cette exploration passe depuis longtemps par l’examen des vestiges mis au jour lors d’excavations archéologiques traditionnelles. Au cours des dernières décennies, les progrès réalisés en matière de géophysique et de systèmes d’information géographique ont permis aux archéologues d’améliorer leur « trousse à outils ». La géophysique aide les décideurs en leur offrant un meilleur accès aux données archéologiques, d’une façon qui n’est ni invasive, ni destructrice, et qui est susceptible d’ouvrir de nouvelles perspectives en matière de conservation in situ.


La méthode de sondage par gradiomètre utilisée au cimetière du British American Institute, situé à Dresden, en face du site historique de la Case de l’oncle Tom administré par la Fiducie

La méthode de sondage par gradiomètre utilisée au cimetière du British American Institute, situé à Dresden, en face du site historique de la Case de l’oncle Tom administré par la Fiducie

Méthodes de levé géophysique

La tomographie de résistivité électrique (TRE) consiste à mesurer la résistance électrique du sol, et permet de déceler des vestiges enfouis, comme des fondations de murs, des fossés, des lieux de sépulture et bien d’autres éléments.

La conductivité électromagnétique (EM) fonctionne à l’inverse de la TRE. Elle mesure la capacité du sol à conduire l’électricité. Les éléments conducteurs sont faciles à déceler du fait de leur conductivité importante, et permettent d’identifier des matériaux potentiellement enfouis, comme des murs, des fondations, des routes, des puits, des canaux, des fosses, des foyers et des tombes.

La magnétométrie est également utile pour trouver des éléments enterrés (foyers, murs, fosses), mais aussi des matériaux magnétisés (chauffés), comme les sols brûlés. Un gradiomètre est un instrument qui mesure d’infimes changements se produisant dans le champ magnétique terrestre.

Un géoradar est un instrument qui permet d’envoyer un signal radar à travers le sol et de mesurer la durée de propagation aller-retour du signal. Les résultats sont compilés au sein d’une carte tridimensionnelle qui représente ce qui se trouve sous la surface, par exemple des foyers, des potelles, des fossés, des trous ou des cavités, des fondations de murs et des lieux de sépulture.