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Le visage changeant du patrimoine : Le style international – Le Centre Toronto-Dominion de Toronto

Le Centre Toronto-Dominion (Photo : La société Cadillac Fairview Ltée.)

"Le Centre Toronto-Dominion a été classé par la Ville de Toronto en 2003."

Par

Moiz Behar

Les bâtiments et l'architecture

Date de publication :19 mai 2005

Photo : Le Centre Toronto-Dominion (Photo : La société Cadillac Fairview Ltée.)

Pendant le deuxième quart du 20e siècle, qui suivit la Première Guerre mondiale, l’Europe vit la naissance d’un important mouvement en architecture. Ce mouvement « moderne » amorça un virage radical par rapport à l’approche traditionnelle de conception des bâtiments dans un contexte historique.

Le style international – souvent utilisé comme synonyme d’architecture moderne – doit son nom à son applicabilité à diverses conditions culturelles et climatiques, représentant ainsi une esthétique et une approche de conception universelles qui pourraient être valides partout dans le monde. Ce nom fut utilisé pour la première fois à l’occasion de l’exposition de 1932 du Musée d’art moderne à New York, exposition intitulée « The International Style: Architecture since 1922 » (Le style international : l’architecture depuis 1922). L’école Bauhaus, en Allemagne, jeta de solides bases pour le mouvement des années 1920 sous la direction de Walter Gropius et de Mies van der Rohe. Le style international insistait sur le volume plutôt que sur la masse, privilégiait les matériaux modernes et les éléments modulaires standards pour leur facilité de fabrication et de montage et abandonnait la décoration de surface.

Le modernisme fit son apparition au Canada dans les années 1930. Il ne s’établit fermement, toutefois, qu’à partir des années 1950. Nourri par le boom économique postérieur à la Seconde Guerre mondiale, ce mouvement changea l’aspect et la fonction des villes canadiennes en l’espace de trois décennies.

Dès les années 1950, Toronto joua un rôle important dans la propagation du style international dans le Centre et l’Est du Canada. Des architectes comme Henry Fliess, James A. Murray, Jerome Markson et des planificateurs comme Macklin Hancock contribuèrent à façonner Toronto de façon nouvelle, audacieuse et moderne. Une partie du travail architectural le plus important recourant au vocabulaire moderniste au cours des années 1950 et du début des années 1960 provenait de deux grands cabinets d’architectes de Toronto : Page and Steele (Peter Dickinson, architecte styliste principal) et John B. Parkin Associates (John C. Parkin, architecte styliste principal).

Le Centre Toronto-Dominion (Photo : Ron Vickers)

Mies van der Rohe, architecte d’origine allemande, fut un des architectes les plus célèbres du style international. Un de ses chefs-d’œuvre d’Amérique du Nord est le Centre Toronto-Dominion, exemple marquant du style international à Toronto. Comme le célèbre architecte américain Philip Johnson l’aurait déclaré : « Le Centre TD est la plus grande réalisation de Mies au monde ».

Nombre de bâtiments de Mies prirent des formes rectilignes, marquées par des façades symétriques. Ses tours notables, datant d'avant le Centre TD, comprennent deux immeubles résidentiels de 26 étages à Chicago – conçus et construits entre 1949 et 1951 – disposés à angles droits l’un par rapport à l’autre et composés de forme pures et simplifiées, d’éléments métalliques exposés, de couleur foncée, qui modulent avec soin la composition des façades. Son fameux immeuble Seagram de 39 étages, à New York, fut terminé en 1958. Il transforma l’architecture des édifices de sociétés en Amérique du Nord. Les propriétaires de Seagram étaient la famille Bronfman, établie à Montréal et dirigeant les promoteurs immobiliers qu’était la Fairview Corporation, connue maintenant sous le nom de Cadillac Fairview.

Le Centre TD fut commandé par Allan Lambert, président de la Banque Toronto-Dominion, en partenariat avec la Fairview Corporation. Pour construire le Centre TD, on assembla la majeure partie de l’îlot urbain délimité par York, King, Bay et Wellington. C’était jusqu’alors le plus grand assemblage de terrain jamais réalisé à Toronto. En qualité de concepteur célèbre de tours de bureaux, Mies van der Rohe fut amené de Chicago pour occuper la charge d’expert-conseil styliste chez John B. Parkin Associates et Bregman and Hamann, deux cabinets d’architectes établis à Toronto. Le Centre TD fut la dernière grande réalisation de Mies van der Rohe.

Tel que conçu à l’origine, le Centre TD se composait de la tour TD de 56 étages sise au 66, rue Wellington ouest et construite en 1967; de la tour Royal Trust de 46 étages sise au 77, rue King ouest et construite en 1969; et d’un pavillon bancaire d’un étage. Le programme initial du Centre prévoyait 288 000 m2 d’espace de bureaux, des locaux bancaires, 14 300 m2 d’espace de commerce au détail dans un hall-promenade souterrain et un stationnement souterrain pour 700 véhicules. On ajouta plusieurs bâtiments au complexe.

Le Centre TD est un exemple parfait d’architecture moderne et du style international à Toronto et en Ontario. Quand les immeubles du Centre TD furent terminés en 1969, ils dominaient la ligne des toits et modifièrent de façon permanente le paysage urbain. Ce grand complexe de trois immeubles rendit le modernisme particulièrement visible et acceptable à Toronto, en dressant de très hautes tours dans un lieu important de la ville, en suivant un nouveau vocabulaire de conception et en faisant appel à la participation de l’un des grands architectes de cette époque. Ainsi, ce complexe bancaire commercial alimenta tant l’appétit pour le style architectural moderne que le boom de la construction de l’après-guerre dans la ville.