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La transformation du paysage de l’agriculture

Une grange du XIXe  siècle à Richmond Hill (aujourd’hui démolie).

Les paysages culturels

Date de publication : sept. 09, 2016

Photo : Une grange du XIXe siècle à Richmond Hill (aujourd’hui démolie).

Avoir grandi sur une petite ferme familiale, j’ai été témoin des avantages et des retombées de la technologie sur les paysages agricoles.

Dans les années 1980, notre étable était remplie de milliers de ballots carrés. Ensuite, notre famille a fait l’acquisition d’une presse à balles rondes – ce qui a permis d’éliminer le travail manuel relatif à la fenaison et les étables à étages. En l’espace d’une décennie, les étables à étages – l’une des images visuelles les plus distinctives des fermes – n’avaient plus de grande utilité. En raison d’une utilisation marginale et de coûts élevés d’entretien, ces structures se sont depuis détériorées. Ce seul changement technologique dresse un aperçu des forces qui ne cessent de façonner le paysage agricole de l’Ontario.

Pour les agriculteurs, notre paysage agricole en est un bien vivant qui ne cesse de se transformer en raison de l’innovation et de changements économiques. À titre de professionnels du patrimoine, nous pouvons observer avec désarroi le déclin et l’abandon des étables. Le savoir-faire et le lien physique avec notre passé ne peuvent renaître une fois qu’ils sont perdus. Mais, pour les agriculteurs, peu d’attention est accordée au sentiment de nostalgie – et aucune valeur monétaire n’appartient au passé.

La création de la ceinture de verdure constitue une grande contribution stratégique de l’Ontario visant à assurer la protection des paysages agricoles. Son principal objectif, cependant, n’a jamais consisté à la protection des paysages culturels, mais plutôt à la protection des terres agricoles. Comme on le reconnaît dans le récent rapport de Crombie sur la ceinture de verdure, il faut mieux protéger les biens du patrimoine culturel. Mais à quelle fin doit-on mieux les protéger? Et ces mesures de protection ne doivent-elles pas être élargies à tous les secteurs en Ontario?

La maison datant d’environ 1850 où est né mon grand-père et la ferme où il reste toujours à 94 ans.

Le meilleur moyen de mieux protéger les paysages culturels consiste à réduire les obstacles pour les nouveaux agriculteurs, à favoriser un élan de réutilisation adaptée et à encourager l’innovation agricole. Beaucoup de personnes sont intéressées à l’agriculture, mais l’accès à la terre, au capital et à la formation représente un obstacle de taille. La moyenne actuelle de la superficie des fermes atteint 314 hectares (778 acres), ce qui est impossible à gérer pour les débutants. Même si l’on peut acquérir une terre agricole, un dépôt de 30 p. 100 est exigé pour être admissible à une hypothèque. Aux États-Unis, il a été démontré que les mesures utilisées par les banques Land Banks qui fournissent des incitatifs fiscaux pour avoir fait don d’une terre agricole permettent de conserver l’intégrité des paysages agricoles tout en réduisant les obstacles à l’accessibilité. Il existe des organismes, dont la fiducie Ontario Farmland Trust, mais les avantages fiscaux ne sont pas les mêmes et les incitatifs à faire don d’une terre, outre que par altruisme, sont limités. Des organismes, comme le programme, FarmStart, forment de nouveaux agriculteurs, mais encore là leur capacité à accepter des demandeurs est limitée par la quantité de terre agricole disponible. De simples changements aux programmes en place, comme le Programme des dons écologiques, visant le don d’une terre agricole en vue d’une réduction de l’impôt sur le revenu – contribueraient grandement à remédier à cette situation.

L’incitation à remettre en état d’anciennes structures agricoles représente un autre obstacle à la sauvegarde des paysages agricoles. En raison des modifications apportées en 2007 au Code de prévention des incendies de l’Ontario et par la suite au Code du bâtiment de l’Ontario, la réutilisation des structures agricoles est difficile à mettre en œuvre et la responsabilité s’y rattachant incombe maintenant au chef municipal du service du bâtiment. En 2012, le Bureau du commissaire des incendies de l’Ontario a fait parvenir une mise en garde à toutes les municipalités de l’Ontario pour les informer que les étables ne doivent pas servir de lieu de rassemblement. Certaines municipalités avant-gardistes trouvent des moyens de surmonter ces obstacles, mais les municipalités doivent démontrer une volonté d’innovation. Les coûts de ces obstacles ne sont pas exorbitants, mais il faut faire preuve de leadership.

En ma qualité de planificateur en conservation du patrimoine, mon travail au quotidien est lié aux paysages agricoles qui renferment une valeur patrimoniale potentielle. Le manque d’options stratégiques, cependant, limite la capacité d’en assurer la conservation et d’innover. Les promoteurs qui possèdent une parcelle de terre dans la ceinture de verdure sont disposés à attendre le moment propice. Cela engendrera une perte constante d’occasions d’intégrer les collectivités urbaines et rurales en un tout ainsi que la diminution continue des ressources agricoles à valeur patrimoniale.

Il existe des outils et des ressources pour modifier notre trajectoire actuelle. Cependant, il faut en manifester le désir et adopter une démarche coordonnée pour concrétiser le tout. D’ici là, le meilleur produit qui proviendra de bon nombre d’agriculteurs en Ontario sera des planches de grange.