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Le paysage culturel – Un cadre servant à la conservation

Propriété Farmer (an 3000 avant notre ère) sur l’escarpement du Niagara. Ce sentier a été fermé afin de protéger l’ancien site archéologique.

Par

Beth Hanna

Les paysages culturels

Date de publication :09 sept. 2016

Photo : Propriété Farmer (an 3000 avant notre ère) sur l’escarpement du Niagara. Ce sentier a été fermé afin de protéger l’ancien site archéologique.

La conservation du patrimoine n’est pas une question du passé. Il s’agit des endroits qui nous entourent et de la diversité de nos communautés. Il importe donc de veiller à ce que le présent et l’avenir mettent en valeur la créativité, l’imagination, la sagesse et le savoir de nos ancêtres. Les efforts de conservation du patrimoine ne visent pas à fixer nos collectivités dans le temps, mais plutôt à découvrir et à protéger les complexes strates de notre histoire comme le témoignent nos collectivités et la multiplicité des espèces qui vivent dans l’habitat naturel.

Depuis plus de 10 000 ans et au-delà de 500 générations, divers peuples ont partagé le territoire que l’on nomme aujourd’hui l’Ontario. Leurs liens et interactions avec le territoire nous ont légué un paysage qui reflète qui nous sommes en tant que société, la diversité et les valeurs de nos communautés comme elles ont évolué au fil du temps. Cette stratification de l’histoire, ces « paysages culturels » méritent d’être approfondis, étudiés et sauvegardés; ils doivent être représentés et soulignés dans nos communautés.

Selon la Recommandation concernant le paysage urbain historique de l’UNESCO de 2011, le patrimoine urbain est un acquis, défini par « une stratification historique de valeurs qui ont été produites par la succession des cultures anciennes et contemporaines et une accumulation de traditions et d’expériences, reconnues comme telles dans leur diversité. » Notre rôle consiste alors à comprendre, à protéger et à interpréter cette stratification. Et à mettre en valeur la richesse et la résilience qui en découlent.

Mur irlandais de pierres sèches, historique, qui a été partiellement restauré sur l’île Amherst. (Photo : Andrea Cross)

Pour la Fiducie du patrimoine ontarien, la conservation ne se limite pas simplement à protéger les valeurs naturelles ou architecturales d’un endroit, mais il s’agit de comprendre et de protéger les multiples facettes de la valeur et de l’histoire d’un endroit. La Fiducie a pour mandat de conserver le patrimoine sous toutes ses formes – de reconnaître et de soutenir le croisement et l’interaction entre le patrimoine culturel et naturel, matériel et immatériel.

Les paysages sont d’ordre culturel et naturel. Si nous protégeons un endroit de façon holistique – non seulement un bâtiment à la fois, mais les structures, les paysages, les quartiers, les bassins et les systèmes – nous offrons la possibilité d’avoir des collectivités dynamiques qui sont résilientes et peuvent s’adapter face au changement. Un paysage culturel sert de cadre de conservation qui gère la complexité et l’interrelation de ces systèmes et permet de protéger leur diversité et leurs valeurs. La conservation s’inscrit alors dans le cadre d’un exercice holistique qui tient compte de la diversité d’un lieu ainsi que de la diversité humaine au fil du temps.

Cette discussion suscite des tensions, car les valeurs, les objectifs et les besoins divergent. Quelles sont les valeurs que nous protégeons? Quels besoins? Quelles sont les conséquences de l’expansion, du logement, des systèmes de transport, des activités industrielles sur le paysage et vice-versa? Comment les usages traditionnels s’harmonisent-ils au désir apparent d’une société à repousser les limites du développement?

La protection d’un bâtiment patrimonial est déjà assez difficile. Comment assurons-nous la sauvegarde d’un élément aussi vaste et compliqué qu’un paysage? Il faut comprendre l’histoire d’un lieu – comprendre les gens qui l’ont créé en tenant compte du contexte et des valeurs qui leur sont propres – afin d’en saisir l’essence. Cette interrelation complexe est définie dans la Déclaration de 2008 de l’UNESCO sur la sauvegarde de l’esprit du lieu :

« Rappelons que l’esprit du lieu peut être défini comme l’ensemble des éléments matériels (sites, paysages, bâtiments, objets) et immatériels (mémoires, récits oraux, documents écrits, rituels, festivals, métiers, savoir-faire, valeurs, odeurs), physiques et spirituels, qui donne du sens, de la valeur, de l’émotion et du mystère au lieu. »
District de conservation du patrimoine à Waverley, Thunder Bay.

District de conservation du patrimoine à Waverley, Thunder Bay.

Afin de sauvegarder l’esprit du lieu qui ressort dans un paysage culturel, l’on doit obtenir une compréhension globale et bien souvent avoir une nouvelle réflexion sur le lieu. On doit également cerner les menaces, sauvegarder les valeurs et en transmettre la signification aux générations futures pour préserver l’héritage culturel. Alors là seulement on peut élaborer des stratégies efficaces en matière d’intendance à long terme – en fonction des réseaux multigénérationnels, culturels et socioéconomiques. Les paysages peuvent devenir des outils d’éducation pour mieux comprendre les caractéristiques propres aux communautés ainsi que les mémoires communes des assises culturelles et géographiques qui ont été perdues.

Le National Parks Service des États-Unis tient compte de l’intendance des paysages culturels et conclut que : « Les avantages potentiels de la sauvegarde des paysages culturels sont énormes. Les paysages procurent des occasions de nature pittoresque, économique, écologique, sociale, récréative et éducative qui nous permettent de comprendre qui nous sommes en tant que personnes, communautés et nation. Leur sauvegarde de façon constante peut contribuer à améliorer la qualité de vie pour tous et, par-dessus tout, à donner un sens à un lieu ou une identité aux générations futures. » (Traduction libre)

Le géographe américain Pierce Lewis, dans son article « Common Paysages as Historic Documents » mentionne que : « la tentative de saisir le sens des paysages humains communs constitue une grande vertu. Cela nous permet d’être en alerte constante devant le monde qui nous entoure et nous demande d’accorder une attention non seulement à quelques éléments dans notre environnement, mais également au tout – l’ensemble du monde visible dans toute sa riche, glorieuse, belle complexité, mais également qui est également une source de désordre, de confusion et de laideur. » (Traduction libre)

Le passé nous habite toujours. L’histoire se construit au fil du temps et chaque strate contribue à nourrir le dialogue interculturel, à assurer la complexité et la richesse d’un lieu. Pour la Fiducie, ce modèle intégré de sauvegarde – qui tient compte d’un lieu pour l’ensemble de ses valeurs de nature historique, architecturale, archéologique, récréative, esthétique, naturelle et pittoresque – crée des communautés dynamiques et capables de s’adapter et de faire preuve de résilience devant le changement.

District de conservation du patrimoine de la rue Draper, Toronto.

Photo: District de conservation du patrimoine de la rue Draper, Toronto.

Le canal de fuite et le paysage industriel dans lequel il se trouve à la station de pompage de la rue Fleet à Ottawa, un bâtiment protégé grâce à une servitude de la Fiducie.

Photo: Le canal de fuite et le paysage industriel dans lequel il se trouve à la station de pompage de la rue Fleet à Ottawa, un bâtiment protégé grâce à une servitude de la Fiducie.