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Comment les Noirs ont bravé les attentes du XIXe siècle avec chic et dignité
À l’été 2018, l’exposition Redefining Black Identity installée au sein de la galerie et du centre culturel de Black Artists’ Networks Dialogue (BAND) a mis à l’honneur l’identité noire à travers des portraits réalisés au XIXe siècle, explorant la tradition des populations noires libres de l’Ontario consistant à façonner leur propre identité.
À cette époque, si le Canada et les États-Unis ont officiellement aboli l’esclavage, l’opinion publique continue de considérer les personnes de race noire comme inférieures et non civilisées. En se faisant photographier, les Noirs libres font alors mentir les idées reçues. Pour eux, le but n’est pas simplement de bien s’habiller; c’est plutôt un exercice d’autodétermination. Les modèles se parent volontairement de leurs plus beaux atours afin de proclamer fièrement leur respectabilité en pleine période post-esclavage. Se préparer, se faire beaux et soigner leur tenue sont un moyen pour les Noirs de contrer les perceptions prédominantes de l’identité noire – et ils ont le chic d’y parvenir.
Bien trop souvent, l’histoire des Noirs au Canada est passée en revue à la vitesse grand V sur 28 jours [au mois de février] au cours desquels sont aplanies l’individualité et la complexité des communautés noires d’hier et d’aujourd’hui. Plus troublant encore, les faits exposés passent souvent sous silence l’esclavage et ne parlent pas de ceux qui ont vécu et travaillé au Canada sous ce joug.
Pour ajouter à la complexité du récit, les travaux de préparation ont commencé par l’exploration du fonds Alvin D. McCurdy détenu en fiducie d’intérêt public aux Archives publiques de l’Ontario. Leader communautaire tenu en haute estime, M. McCurdy (1916-1989) a constitué une collection de documents témoignant de l’histoire de la communauté noire. Si le nom des photographes et des modèles est bien souvent inconnu, les clichés donnent un aperçu des innombrables façons dont les Noirs ont exprimé leur identité au fil des époques, plus précisément à travers leur habillement et leur style personnel.
Si l’on connaît peu l’histoire des Noirs esclaves et libres du Canada, il est facile de les imaginer portant des vêtements déchirés, mal ajustés et trempés de sueur. Les personnes représentées dans Redefining Black Identity visent à nuancer cette généralisation. Sur la palissade de la galerie BAND, les passants se sont trouvés face à face avec une cohorte d’individus impeccablement vêtus qui ont bravé les attentes du XIXe siècle comme du XXIe siècle. Toutefois, cette exposition n’avait pas pour seul objectif d’approfondir la compréhension du public et de contrer les préjugés à propos des personnes de race noire.
Durant la brève période d’ouverture au public, ces images saisissantes ont alimenté les débats. En ma qualité de conservatrice, je suis fascinée par le spectre des réactions que l’exposition a suscitées. La plus mémorable, et de loin ma préférée, est la question « Comment se fait-il qu’on ne voit jamais ce genre de choses? » lancée par un visiteur. Mon but était de donner l’occasion aux personnes de voir une représentation d’elles-mêmes, mais aussi de faire le lien entre les identités noires historiques et la vie contemporaine. J’interprète humblement cette réaction comme une petite marque de réussite. Non seulement elle en dit long sur le besoin permanent d’une représentation diversifiée dans les arts et la culture du Canada, mais elle porte également un œil critique sur les raisons pour lesquelles certains instituts du patrimoine canadien mettent du temps à agir.
Depuis que le BAND a fait l’acquisition de son premier espace d’exposition permanent et pris ses quartiers à Parkdale, dans la ville de Toronto, au printemps dernier, il a renforcé sa capacité de leadership et sa propension à animer des débats de ce genre. Il travaille de manière autonome, en collaboration avec d’autres organismes et partenaires engagés eux aussi dans la démarche de rectifier les erreurs et de combler les lacunes qui se sont glissés dans des faits rapportés avec un certain laxisme. Redefining Black Identity a contribué à perpétuer cette tradition.
Le BAND reste un espace entièrement dédié aux professionnels de la culture établis et émergents qui viennent partager, écouter et réfléchir à la manière unique de présenter de nouveaux récits comme nous savons le faire, c’est-à-dire avec chic.