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Le peuplement de l’Ontario par les Canadiens français

La famille de Simon Aumont, où seul le père et Irène (assise tenant une poupée), ont survécu au grand incendie qui a dévasté la région en 1916, Val Gagné (Ontario), [avant 1916]. Université d’Ottawa, CRCCF, Fonds TVOntario (C21), Reproduit de la collection de Germaine Robert, Val Gagné (Ontario).

Le patrimoine francophone

Date de publication : mai 18, 2012

Photo : La famille de Simon Aumont, où seul le père et Irène (assise tenant une poupée), ont survécu au grand incendie qui a dévasté la région en 1916, Val Gagné (Ontario), [avant 1916]. Université d’Ottawa, CRCCF, Fonds TVOntario (C21), Reproduit de la collection de Germaine Robert, Val Gagné (Ontario).

En 1840, au moment où le Haut-Canada s’apprête à devenir le Canada-Ouest, commence un grand mouvement migratoire à partir de la colonie voisine du Canada-Est (Québec). Les noyaux francophones d’Essex, de la baie Georgienne et de la région de Bytown (Ottawa) seront renforcés, et de nouvelles zones s’ouvriront au peuplement par les Canadiens français.

L’Église catholique joue un rôle clé dans ce processus. Le premier évêque de Bytown (Ottawa), Mgr Bruno Guigues, fonde en 1849 une société de colonisation dont il assure lui-même la présidence. Pour contrebalancer l’influence protestante, il encourage des jeunes du Canada-Est à obtenir des terres le long de la rivière des Outaouais, entre Rigaud et Bytown, où résident déjà des familles francophones disséminées sur un vaste territoire.

Les nouveaux arrivants proviennent surtout de l’ouest du Québec, où ont lieu des campagnes de promotion. Dans leur esprit, ils ne font que s’installer un peu plus loin, comme leurs parents et grandsparents l’ont fait avant eux. Ils s’établissent souvent sur des terres de piètre qualité, abandonnées par des cultivateurs anglophones.

Scène typique des premiers stades de la vie d’une famille de colons dans le Nord de l’Ontario, Val Gagné (Ontario), vers 1912. Joseph Aumont, fermier originaire de la région de Joliette, son épouse et leurs trois aînés, Gabrielle, Albert et Rita; Léa et Edouard Aumont de la famille Ludger Aumont; François, fils de Simon Aumont. Université d’Ottawa, CRCCF, Fonds TVOntario (C21), Reproduit de la collection de Germaine Robert, Val Gagné (Ontario).

En peu de temps, les comtés de Prescott et de Russell deviennent majoritairement francophones. Arrivant avec peu de capital, les migrants ne peuvent se procurer au départ qu’une petite terre, 20 hectares en moyenne, qui s’appauvrit chaque année sous l’effet d’une exploitation intensive. En effet, l’agriculteur canadien-français de l’est de l’Ontario ne voit pas d’avantages à posséder une trop grande terre ou à mécaniser son exploitation, puisque, comme au Québec, il s’absente une partie de l’année pour aller travailler dans les chantiers forestiers, source essentielle de revenus. Avec certaines variations, ses compatriotes du sud-ouest de l’Ontario et de la baie Georgienne font de même. Dans les trois régions, on assiste, au tournant du siècle, à une réorientation vers l’industrie laitière. Toutefois, une agriculture de subsistance et une agriculture axée sur l’approvisionnement des chantiers forestiers subsistent.

On trouve aussi des Canadiens français dans les centres industriels de la province, notamment à Toronto, où la paroisse du Sacré-Cœur compte 130 familles lors de sa fondation en 1887, et à Cornwall, où les migrants travaillent dans les industries du textile et du papier. Capitale du Canada à partir de 1867 et petit centre industriel, Ottawa, quant à elle, attire des fonctionnaires, des membres de professions libérales, des artisans et des manœuvres des régions de Québec, de Montréal et de Trois-Rivières. La ville abrite 23 000 Canadiens français en 1910, qui représentent près du quart de sa population.

C’est cependant dans le nord de la province que l’émergence d’un prolétariat canadien-français au début du XXe siècle est la plus visible, en raison de la construction de voies ferrées, de l’ouverture de mines et d’usines de pâtes et papiers, et du développement de l’hydroélectricité. Comme dans la province voisine, l’Église prône la colonisation du Nord, véritable terre promise. Les migrants proviennent surtout de l’est de l’Ontario, de la région de Montréal et de l’ouest du Québec, mais des contingents arrivent aussi du Bas-Saint-Laurent. Les terres argileuses étant pauvres, la saison estivale courte et les marchés éloignés, les colons adoptent rapidement un mode de vie fondé sur une agriculture de subsistance alliée aux occupations minières et forestières, ou sur une agriculture commerciale approvisionnant les chantiers. D’autres colons s’installent dans des villes de compagnie, où ils constituent une main-d’œuvre non qualifiée. Il faut aussi noter l’importance des entreprises ferroviaires comme employeurs des Canadiens français. Ainsi, la presque totalité des 8 000 ouvriers du Canadien Pacifique dans la région de Sudbury appartient à ce groupe.

Grâce aux migrations et à un taux de natalité élevé, entre 1842 et 1921, le nombre de Canadiens français en Ontario passe de 13 969 à 248 275. Quoique ceux-ci ne représentent alors que 8,5 % de la population de la province, leur concentration géographique les rend très visibles à certains endroits. Il n’en faut pas plus pour que des segments de la majorité anglophone crient à l’invasion franco-catholique. Ces facteurs jouent un grand rôle dans la genèse du grand conflit linguistique qui secoue l’Ontario dans les deux premières décennies du XXe siècle.

La famille Lamontagne, l’une des nombreuses familles parties du Sault-Montmorency (Québec) pour venir travailler à l’Empire Cotton Mill à Welland, où le père était contremaître pour les arrangeurs de métier, Welland (Ontario), [entre 1918 et 1930]. Université d’Ottawa, CRCCF, Fonds TVOntario (C21), Reproduit de la collection Lamontagne, Welland (Ontario).

Photo: La famille Lamontagne, l’une des nombreuses familles parties du Sault-Montmorency (Québec) pour venir travailler à l’Empire Cotton Mill à Welland, où le père était contremaître pour les arrangeurs de métier, Welland (Ontario), [entre 1918 et 1930]. Université d’Ottawa, CRCCF, Fonds TVOntario (C21), Reproduit de la collection Lamontagne, Welland (Ontario).

William Franche assis sur une faucheuse tirée par des chevaux, appelée communément « le moulin à foin » à Wendover (Ontario), 1913. Université d’Ottawa, CRCCF, Collection Centre culturel « La Ste-Famille » (C80), Reproduit de la collection Rose Demers, Wendover (Ontario).

Photo: William Franche assis sur une faucheuse tirée par des chevaux, appelée communément « le moulin à foin » à Wendover (Ontario), 1913. Université d’Ottawa, CRCCF, Collection Centre culturel « La Ste-Famille » (C80), Reproduit de la collection Rose Demers, Wendover (Ontario).