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Les débuts de l’expérience française en Ontario

Pionniers de Penetanguishene : un groupe de voyageurs – Lewis Solomon, John Bussette, James Laramee et Francis Dusome – photographié en 1895 (Source : A.C. Osborne, The Migration of Voyageurs from Drummond Island to Penetanguishene in 1828, Toronto, Ontario Historical Society Papers and Records, 1901).

Le patrimoine francophone

Date de publication : mai 18, 2012

Photo : Pionniers de Penetanguishene : un groupe de voyageurs – Lewis Solomon, John Bussette, James Laramee et Francis Dusome – photographié en 1895 (Source : A.C. Osborne, The Migration of Voyageurs from Drummond Island to Penetanguishene in 1828, Toronto, Ontario Historical Society Papers and Records, 1901).

L’expérience française dans l’Ontario actuel remonte à 1610; en 1840, les Canadiens, comme se nommaient alors les descendants des colons français, étaient établis dans trois régions. Leur histoire a commencé avec l’alliance d’une Première Nation et une mission catholique; elle s’est étendue avec l’exploration officielle et le commerce des fourrures, et s’est poursuivie avec l’agriculture et l’établissement permanent.

Une alliance et une mission

Lorsque Champlain établit son abitation de Québec, il s’allia aux Wendat (Hurons) de la baie Georgienne. Employé d’un monopole du commerce des fourrures, Champlain avait besoin de leur appui pour maintenir un approvisionnement régulier en fourrures. Il envoya Étienne Brûlé dans leurs villages en 1610 pour se renseigner à leur sujet et apprendre leur langue. Champlain lui-même passa l’hiver 1615-1616 à Wendake.

Des renseignements étaient également fournis par les missionnaires envoyés par la France de la Contre-Réforme, comme les Récollets qui visitèrent les Wendat sédentaires. Mais les Jésuites, désireux d’assurer une présence continue parmi eux, construisirent Sainte-Marie-aux-Hurons, un village fortifié destiné à accueillir le nombre croissant de Wendat convertis. Jalouse du rôle d’intermédiaire joué par les Wendat dans le commerce des fourrures, la Confédération des cinq nations iroquoises attaqua et détruisit Wendake en 1648-1649. Les Jésuites furent contraints de démolir leurs propres installations et de fuir avec leurs convertis; ils hivernèrent sur l’île St-Joseph avant de se rendre dans la région de Québec. Le travail missionnaire se continua, mais de concert avec le commerce des fourrures.

Exploration et commerce des fourrures

Les Français dépendaient du commerce des fourrures. La diminution de l’approvisionnement causée par les destructions iroquoises les obligea à adopter une nouvelle stratégie : aller eux-mêmes chercher les fourrures.

En 1659-1660, Pierre-Esprit Radisson et son beau-frère s’aventurèrent avec grand succès dans la région du lac Supérieur. Traités sans égard par les autorités, ils se rendirent en Angleterre où leur savoir-faire conduisit à la création de la Compagnie de la baie d’Hudson (1670). Capturés par des expéditions venues de Québec, les postes de cette dernière à la baie James et à la baie d’Hudson furent repris par les Anglais, capturés de nouveau par les Français, et finalement rendus à l’Angleterre en 1713.

L’intérêt croissant pour la région des Grands Lacs se traduisit également par des expéditions visant à en prendre possession au nom du roi de France. Des officiers militaires conclurent des alliances avec des Premières Nations et construisirent des postes autour des lacs. Interrompu en 1696 pour tenter de réduire les réserves de peaux de castor, le commerce fut bientôt rétabli : le poste de Détroit fut construit en 1701, celui de Michillimackinac rouvert en 1717 et plusieurs autres érigés par la suite. L’exploration officielle, portée par les ambitions impériales françaises et financée par le commerce des fourrures, contribua à une nouvelle expansion après 1731, lorsque Pierre Gaultier de La Vérendrye construisit des postes au lac à la Pluie et au lac des Bois dans sa quête de la mer de l’Ouest et d’une route transcontinentale vers l’Asie.

Après la Conquête (1760), des commerçants écossais et anglais de Montréal s’accaparèrent du commerce; leurs compagnies, notamment la puissante Compagnie du Nord-Ouest, adoptèrent l’organisation mise au point par les Français. L’établissement des Loyalistes dans la péninsule fit perdre son importance au commerce des fourrures, il n’en restait plus que les voies d’accès au Nord-Ouest et à la vallée du Mississippi, soit les systèmes rivière des Outaouais-rivière des Français-Grands Lacs et fleuve Saint-Laurent-Grands Lacs.

Plaque historique de Fort Rouillé, à Toronto. Le fort Rouillé, poste commercial et militaire, formait avec le fort Frontenac, le fort Niagara et d’autres la ligne de défense française contre les Treize Colonies et l’Angleterre. Bâti en 1750-1751, il fut détruit par sa garnison en 1759, pendant la guerre de la Conquête. (Photo : Alan L. Brown)

Les établissements agricoles

Les Français ont sans aucun doute pratiqué très tôt l’agriculture dans l’Ontario actuel. Ce fut certainement le cas à Fort Frontenac dès les années 1670. Les établissements agricoles, cependant, débutèrent au fort Pontchartrain du Détroit. D’abord poste de traite, le fort attira les Premières Nations. Des commerçants de fourrures, des soldats et des hommes de métier s’y installèrent, puis d’autres encore, avec leurs familles. Des terres ont été concédées depuis 1734 et la mission est devenue la paroisse de l’Assomption, en 1767. Les Canadiens avaient établi sur les rives de la rivière Détroit une société coloniale, forte d’environ 3 000 personnes.

Détroit fut cédée aux États-Unis en 1783 mais l’établissement sur la rive britannique de la rivière Détroit fit partie du Haut-Canada lors de sa création en 1791. Plusieurs colons canadiens, comme la famille Baby, participèrent activement à la vie politique haut-canadienne. La population canadienne de la région d’Essex et de Kent atteignait 4 500 personnes en 1837. Des écoles avaient été ouvertes, bientôt suivies par des paroisses et d’autres institutions, ce qui en a fait une communauté dynamique.

Un autre établissement prospère a débuté en 1828 lorsque 75 familles de voyageurs métis quittèrent l’ile Drummond avec la garnison britannique pour s’installer dans la région de Penetanguishene, une base navale et militaire située au sud-est de la baie Georgienne. Dans les années 1840, des Canadiens venus essentiellement de la région de Montréal les rejoignirent. Les opérations forestières et les scieries constitueront plus tard leur principale activité.

Après 1810, grâce à l’établissement de tarifs préférentiels britanniques en faveur du bois nord-américain, la vallée de l’Outaouais devint une autre région importante pour les Canadiens, en attirant des milliers dans les chantiers de la région. Dans les années 1820 et au début des années 1830, les bûcherons et les draveurs canadiens, notamment le légendaire Joseph Montferrand, luttèrent contre les travailleurs irlandais pour le contrôle des activités liées à l’exploitation du bois. Nombre d’entre eux s’établirent de façon permanente, comme le firent aussi de nombreux « habitants » venus des terres seigneuriales surpeuplées de l’ouest du Bas-Canada. Il s’agissait de la première vague d‘une vaste migration canadienne vers l’Est de l’Ontario.

La présence francophone

Lorsque le Haut-Canada et le Bas-Canada formèrent le Canada-Uni en 1841, les Canadiens (français) étaient solidement établis dans trois régions de l’Ontario actuel : le sud du lac SainteClaire dans la région de l’Assomption, le sud-est de la baie Georgienne dans la région de Penetanguishene et le sud de la rivière Outaouais à Bytown et à l’est. D’autres Canadiens ont quitté les terres seigneuriales surpeuplées de la vallée du Saint-Laurent pour les y rejoindre. Tous ces facteurs ont contribué à l’établissement d’une solide présence francophone en Ontario.