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Les premiers édifices parlementaires du Haut-Canada : un lieu d’espoirs et de rêves

Solives carbonisées se prolongeant jusqu’à la fondation en pierres. Le sol recèle de nombreux fragments de fines briques rouges datant du début du XIXe siècle, dont certains sont brûlés. D’autres vestiges récupérés au niveau du sol incluent surtout des céramiques de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle, également carbonisées dans certains cas.

Par

Ronald F. Williamson

Le patrimoine militaire

Date de publication :17 févr. 2012

Photo : Solives carbonisées se prolongeant jusqu’à la fondation en pierres. Le sol recèle de nombreux fragments de fines briques rouges datant du début du XIXe siècle, dont certains sont brûlés. D’autres vestiges récupérés au niveau du sol incluent surtout des céramiques de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle, également carbonisées dans certains cas.

La découverte il y a dix ans de vestiges archéologiques des premiers et seconds édifices parlementaires du Haut-Canada dans le quartier Old Town de Toronto a attiré l’attention de la ville, de la province et de la nation sur l’une des pierres angulaires de l’histoire canadienne.

En 1794, le Haut-Canada est à peine établi que le lieutenant-gouverneur John Graves Simcoe transfère la capitale de Newark (Niagara-on-the-Lake) à York (Toronto). À l’origine, York est conçue selon un plan qui prévoit un terrain réservé à la Couronne où l’on construit les édifices parlementaires. Les premiers édifices, érigés en 1797, comprennent deux structures de briques de 40 pieds sur 24 et séparées l’une de l’autre de 75 pieds. On suppose que chaque structure possédait un demi-étage, avec une petite galerie panoramique. À l’est des bâtiments de briques se trouvent deux constructions à ossature en bois mesurant 9 mètres de long qui sont utilisées pour les salles de réunion.

Les édifices parlementaires ont de nombreuses fonctions administratives et publiques, en plus des sessions de l’Assemblée législative (lesquelles se tiennent généralement seulement deux mois par an). Ils servent entre autres à la Cour d’appel, à la Cour du Banc du Roi et à la Cour de district. Par ailleurs, l’Église anglicane est un occupant notable des lieux. Un blockhaus, construit en 1799 sur une falaise à moins de 10 mètres des rives du lac Ontario, témoigne de la présence militaire sur le site.

Le 27 avril 1813, l’armée et la marine américaines mènent avec succès une attaque sur York, et occupent la ville pendant six jours – pillant les maisons, confisquant ou détruisant les fournitures et mettant le feu à diverses installations publiques, dont la résidence du Gouverneur général à Fort York, les édifices parlementaires et le blockhaus adjacent. Parmi les objets dérobés dans les édifices parlementaires figure la masse cérémonielle de Le président Franklin D. Roosevelt rendra la masse au gouvernement de l’Ontario en 1934.

Premières briques (la brique du dessous est carbonisée). Alors qu’il est surprenant et fortuit que des vestiges archéologiques des édifices parlementaires aient survécu aux constructions industrielles et institutionnelles érigées ultérieurement dans ce quartier, de récents travaux menés sur le site n’ont pour le moment pas permis de découvrir d’autres restes de ces édifices, ce qui rend les premières découvertes d’autant plus remarquables.

Peu après l’invasion américaine de 1813 et pendant la reconstruction de Fort York, les édifices parlementaires, dont les murs ont résisté à l’incendie, sont réparés à la hâte et servent à héberger des troupes britanniques comptant entre 200 et 300 hommes. Au début de 1816, la reconstruction militaire de la garnison est achevée et les troupes retournent à Fort York. En juin 1818, sur les conseils de l’Assemblée législative, des plans sont élaborés pour la construction de nouveaux édifices parlementaires. La première session dans les nouveaux bâtiments a lieu en décembre 1820, mais un nouvel incendie détruit les édifices le 30 décembre 1824. Le terrain est laissé vacant jusqu’à la fin des années 1830, après quoi il accueille la prison du district, puis le complexe de la société Consumers’ Gas Company. Le site est réaménagé en 1960 pour inclure un certain nombre de petites entreprises commerciales.

En 2000, des fouilles archéologiques se concentrent sur la cour de la société Consumers’ Gas qui représente, pense-t-on, la meilleure chance de retrouver des vestiges des édifices parlementaires. Dans l’une des tranchées de fouille, on découvre la fondation en pierres posées à sec du mur est de l’édifice parlementaire sud. Plusieurs traces linéaires de charbon présentant un tracé net et distinct se prolongent jusqu’à cette fondation. Il s’agit des restes carbonisés de parties de planchers, de longrines ou de solives qui ont brûlé sur place, laissant des images fantômes des planchers. Le premier incendie connu de cette structure est celui causé par les Américains pendant la guerre de 1812. Sans surprise, des marques similaires de longrines et de solives brûlées ont été relevées pendant les fouilles réalisées au niveau des bâtiments de Fort York, également mis à feu par les troupes américaines.

Ces vestiges témoignent que ce lieu portait les espoirs et les rêves suscités par une terre nouvelle. Les édifices parlementaires font partie des premières structures en briques de la ville et étaient désignés comme le « Palais du gouvernement » (à une époque, la rue Front s’appelait la rue du Palais). Dans ces bâtiments, on allait prendre des décisions contribuant à façonner la province et la nation. Nous saluons le travail accompli par la Fiducie du patrimoine ontarien pour nous proposer une interprétation de ces lieux, des tournants majeurs et des événements fascinants qui y sont associés.


Remarque : ASI a collaboré avec la Fiducie pour mener à bien une évaluation archéologique du site des premiers édifices parlementaires en 2000.