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Documents d’archives : Les lettres de Wellington et de Mabel Ashbridge

Portrait de la famille Ashbridge (Mable, Betty, Dorothy, Wellington).

Photo : Portrait de la famille Ashbridge (Mable, Betty, Dorothy, Wellington).

Par

Courtney Kovacich

La communication

Published Date: mars 20, 2019

Alors que la Fiducie du patrimoine ontarien explore le thème de la communication, nous avons fouillé nos collections archivistiques, à la recherche de lettres qui montreraient comment les personnes établissaient jadis des liens par écrit. Bien entendu, la correspondance était autrefois la forme de communication à distance privilégiée. La Fiducie a d’ailleurs, en sa possession, de nombreuses lettres rédigées par des personnes liées aux biens patrimoniaux dont elle s’occupe.

La correspondance sentimentale entre Wellington Ashbridge (1869-1943) et sa future épouse Mabel Davis (1879-1952), provenant des archives du domaine Ashbridge, à Toronto, offre un aperçu fascinant d’une idylle nouée entre deux personnes ordinaires vivant à des milliers de kilomètres l’une de l’autre. Échangées entre 1902 et 1903, les lettres révèlent aussi bien les bizarreries que l’étonnante intimité de cette forme de communication.

Wellington et Mabel ont entamé leur correspondance après leur rencontre à l’église méthodiste de la rue Queen, dans le quartier est de Toronto. Peu après, comme nombre de ses pairs, Wellington prend place à bord d’un train en direction de l’Ouest, avec une photo de Mabel dans sa malle. Alors qu’il a accepté une mission d’ingénieur civil à Edmonton, Mabel reste chez ses parents, à Toronto, et fait quotidiennement la navette jusqu’à son travail, dans les bureaux du centre-ville de la Compagnie de chemin de fer de Toronto.

S’il a fallu attendre les années 1920 pour que les services téléphoniques transcontinentaux deviennent véritablement opérationnels au Canada, des services postaux réguliers étaient assurés entre les deux villes animées depuis le développement du chemin de fer, dans les années 1880. Wellington et Mabel avaient pris l’habitude consciencieuse de s’assurer que l’autre savait à quel moment sa lettre hebdomadaire arriverait. Malgré tout, les pertes de courrier restaient monnaie courante. « Je suis navré que les lettres se soient transformées en un tel imbroglio... », avait écrit Wellington après une interruption frustrante tôt dans leur correspondance, « … il me semble, en effet, que je passe mon temps à écrire, mais qu’après avoir posté mes lettres, la responsabilité repose sur d’autres épaules et que les chemins de fer en font à leur guise ».

Au fil de leur correspondance d’un an et demi, l’évolution du ton employé dans les lettres illustre les conventions sociales conservatrices qui régissaient les communications entre les hommes et les femmes de l’époque. Au cours des six premiers mois, aucun mot n’évoque une histoire d’amour. Wellington et Mabel s’adresse l’un à l’autre de manière formelle, en utilisant les formules « Melle Davis » et « M. Ashbridge ».

Alors que le couple se heurtait à des difficultés quotidiennes, la réception rituelle d’une lettre signifiait plus que de simples mots. C’était une marque physique d’affection et de réconfort de la part d’un être cher éloigné. Or, rédiger des lettres prenait du temps, et Wellington et Mabel exprimaient régulièrement leur reconnaissance pour le soin que l’autre mettait à écrire. « Une si belle lettre dominicale que vous m’avez envoyée », avait écrit Mabel en avril 1903. « Je l’ai lue trois fois avant d’aller me coucher et le sommeil a tardé à venir tellement elle occupait mes pensées. La première chose que je fais en ouvrant votre lettre, c’est de compter les pages. Plus il y en a, mieux c’est. »

Pour les sensibilités modernes, l’idée de se marier avec une personne sans avoir passé un certain temps avec elle est impensable, mais les lettres de Wellington et de Mabel montrent qu’il fallait de la patience et de la détermination pour réussir à entretenir une correspondance à distance au début du XXe siècle. Or, il s’agit de qualités personnelles importantes pour le partenaire d’une vie.

La préservation d’artéfacts culturels s’inscrit dans le cadre de la stratégie de conservation intégrée de la Fiducie pour protéger les lieux patrimoniaux. Notre collection culturelle compte environ 25 000 objets. Les artéfacts de communication font partie de l’organisation complexe de l’histoire, au même titre que les caractéristiques architecturales, archéologiques et naturelles de nos sites.

Parmi les éléments de communication marquants, nos collections comptent aussi:

  • Des lettres écrites par le premier ministre William Lyon Mackenzie King, Lady Zoé Laurier et d’autres personnages historiques à l’attention de la famille Fulford (musée de la Place Fulford)
  • Des documents d’acquisition récente liés au fonctionnement du British American Institute, une école fondée en 1842 par le chef abolitionniste de la communauté noire Josiah Henson pour accueillir des réfugiés qui fuyaient l’esclavage (Site historique de la Case de l’oncle Tom)
  • Un pupitre portatif qui appartenait au politicien et journaliste influent George Brown (maison George Brown). Les lettres de George Brown sont aujourd’hui conservées par Bibliothèque et Archives Canada et les Archives publiques de l’Ontario.

Les lettres et les autres artéfacts de communication constituent des ressources particulièrement précieuses pour la Fiducie. Nous les utilisons comme sources d’information dans le cadre de projets de restauration. Ils renferment des histoires humaines qui confèrent à chaque propriété son caractère unique.

Reçus manuscrits liés au fonctionnement du British American Institute.

Photo: Reçus manuscrits liés au fonctionnement du British American Institute.

Pupitre portatif de George Brown.

Photo: Pupitre portatif de George Brown.