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Les femmes et le mouvement syndical

Des ouvrières de Fleck Manufacturing mènent le défilé de la Journée internationale de la femme de Toronto en 1979.

Photo : Des ouvrières de Fleck Manufacturing mènent le défilé de la Journée internationale de la femme de Toronto en 1979. Photo : Frank Rooney. Image provenant de Rise Up! (archives numériques sur le militantisme féministe).

Par

Erin Semande

Le patrimoine des femmes

Published Date: mars 20, 2018

Avant la Première Guerre mondiale (1914- 1918), les femmes n’avaient que peu de droits; elles ne pouvaient ni voter ni exercer des fonctions officielles. Les politiques étaient ouvertement discriminatoires à leur égard en milieu de travail. Les femmes étaient confinées aux seuls emplois qui leur étaient autorisés, mal rémunérés dans les usines (souvent dans l’industrie textile) ou dans les domaines de l’enseignement, des soins infirmiers ou du travail ménager. À partir des années 1920, les femmes ont été plus nombreuses à occuper des emplois de bureau et de commis-vendeuse, ou encore dans les usines à des fonctions souvent dangereuses. Les femmes ont commencé à se rallier au mouvement syndical en militant rapidement pour l’amélioration des salaires, des horaires et des conditions de travail. En 1902, une grève a été déclenchée à la Toronto Carpet Factory, une usine où les femmes se battaient pour une semaine de travail de 55 heures. En 1907, à la société Bell Téléphone, 400 opératrices ont quitté le travail pour protester contre l’augmentation des heures travaillées à des salaires moindres et dans de piètres conditions.

Pendant les Première et Seconde Guerres mondiales (1914-1918 et 1939-1945), des femmes ont remplacé des hommes dans les usines et occupé des emplois manuels. De nombreuses usines fabriquaient alors des munitions pour soutenir l’effort de guerre, et les femmes représentaient une main-d’œuvre bon marché. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, certaines femmes ont été encouragées à quitter leur emploi, alors que d’autres ont été obligées par la loi de le faire. Au début des années 1950, environ 25 p. 100 des femmes participaient à la vie active.

Au milieu des années 1970, ce pourcentage était passé à environ 40 p. 100. Il n’y a donc pas eu de désengagement massif des femmes de la population active. Dans son rapport de 1970, la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada a formulé plusieurs recommandations concernant l’égalité en matière d’emploi. Les femmes étaient alors encore pratiquement absentes de certains secteurs, comme la sidérurgie, l’exploitation minière et les métiers spécialisés. Celles qui continuaient de travailler dans les usines et d’occuper des emplois manuels étaient souvent reléguées aux postes les moins bien rémunérés avec des conditions de travail minables.

Au cours des années 1970 et 1980, le mouvement syndical de l’Ontario est devenu un important défenseur de l’égalité des femmes en milieu de travail. Rien que dans cette province, il y a eu un certain nombre de grèves et de conflits de travail là où la main-d’œuvre était à prédominance féminine. Mentionnons Fleck Manufacturing près de London, un entrepôt Radio Shack à Barrie et plusieurs magasins Eaton dans le Sud de l’Ontario.

Les travailleuses de Fleck Manufacturing ont subi des conditions de travail dangereuses, un faible salaire et le harcèlement de la part des superviseurs. En 1978, ces travailleuses ont mis sur pied la nouvelle section locale 1620 des Travailleurs unis de l’automobile (TUA) avant de déclencher la grève devant le rejet par l’entreprise de leurs revendications. À la fin des années 1970, 90 p. 100 des membres des TUA étaient des hommes; toutefois, ce sont les femmes qui ont organisé et mené la grève pendant cinq mois chez Fleck Manufacturing. Ces mêmes femmes ont pris part au défilé de la Journée internationale des femmes en 1979. Pour les sections locales des TUA, la victoire enfin remportée sur Fleck Manufacturing a eu des effets favorables : la négociation d’un congé de maternité, la protection contre le harcèlement sexuel, l’aide à la garde d’enfants et la discrimination positive.

Dans d’autres secteurs, comme celui de la sidérurgie, les femmes luttaient pour retrouver les emplois occupés pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1979, une plainte de discrimination fondée sur le sexe est déposée par cinq femmes auprès de la Commission ontarienne des droits de la personne contre Stelco. Le Syndicat canadien des métallurgistes unis d’Amérique forme aussitôt le comité Women Back into Stelco. Stelco employait 12 000 personnes. Or, seulement 28 femmes travaillaient dans la production dans des emplois destinés aux femmes, essentiellement l’inspection de l’étain. Aucune femme n’y n’avait été embauchée entre 1961 et 1977. Il est estimé qu’entre 10 000 et 30 000 femmes au cours de cette période y auraient postulé un emploi, bien que le nombre exact soit inconnu. Les femmes ont obtenu gain de cause, forçant ainsi Stelco à engager 180 femmes. Bien que la majorité de ces femmes aient été mises à pied au début des années 1980, la campagne orchestrée par Women Back Into Stelco a été couronnée de succès. Elle a obligé les administrateurs d’une importante compagnie sidérurgique à modifier les pratiques d’embauche et à donner aux femmes l’accès à des emplois industriels mieux rémunérés.

Ce ne sont que quelques exemples de la solidarité syndicale qui a encouragé les femmes à progresser lentement, parfois péniblement, vers l’égalité en milieu de travail. En réalité, l’égalité n’a toujours pas été atteinte. L’écart salarial entre les hommes et les femmes, encore existant en Ontario, est une façon de mesurer cette inégalité. Selon les statistiques de 2015, l’écart salarial horaire entre les hommes et les femmes était de 7 p. 100 pour les membres d’un syndicat et de 18 p. 100 pour les nonmembres. Les femmes autochtones, racialisées et handicapées sont celles qui connaissent l’écart salarial le plus prononcé. En 2018, nous devons nous activer à améliorer la situation de toutes les femmes.