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La première femme chef élue au Canada
Le patrimoine des femmes, Le patrimoine autochtone
Date de publication : mars 20, 2018
Photo : Elsie Knott, la première femme chef élue au Canada
Elsie Knott a vu le jour dans sa maison de Curve Lake le 20 septembre 1922; elle était la cinquième des six enfants de George et Esther Taylor. Elle n’a pu fréquenter l’école avant 9 ans, car elle souffrait d’une faiblesse musculaire au niveau des jambes. À 14 ans, elle a obtenu son diplôme de 8e année.
Le gouvernement du Canada n’encourageait pas les élèves autochtones à poursuivre leurs études. Ainsi, la plupart des filles se mariaient jeunes, tant pour des raisons familiales qu’économiques. Elsie, quant à elle, s’est mariée à l’âge de 15 ans et était mère de trois enfants avant ses 20 ans. Son époux, Cecil, s’est blessé à la chasse et a contracté la tuberculose par la suite. Le fardeau d’assurer seule la subsistance de sa famille est alors retombé sur les épaules d’Elsie, ce qui l’a dévastée. Seuls 15 $ par mois d’aide sociale étaient alloués à sa famille, qui vivait donc dans un dénuement complet dans les deux pièces de sa maison en bois rond.
L’éducation a toujours revêtu une grande importance pour Elsie, et c’est pourquoi elle s’est mise à la recherche d’un emploi dès que ses enfants ont commencé l’école. Elle souhaitait offrir à sa famille une qualité de vie supérieure à celle permise par l’aide sociale. Elle a déniché du travail auprès de stations estivales et d’exploitations de petits fruits. Elle pêchait également des vairons pour les vendre aux touristes. De plus, elle travaillait comme concierge de l’église, de la mairie et de l’école – un travail qui lui rapportait 25 $ tous les trois mois.
« La chef Elsie Knott a assumé ses fonctions à l’image de l’Anichinabé forte qu’elle était... Nos femmes jouent un rôle tellement important pour notre peuple, le chérissant et le guidant tout à la fois. Sa passion pour nos jeunes, sa promotion des sports et des loisirs, mais surtout sa force qui l’a fait sortir des sentiers battus en devenant une femme dirigeante dans le paysage politique ont eu des répercussions positives à grande échelle. J’ai eu l’énorme chance de l’avoir pour mentor et modèle, de 1975 jusqu’à son dernier jour. Elle était à l’avant-garde de toutes nos avancées sociales, pas uniquement au bénéfice de sa Première Nation, mais pour toute la Nation Anishinaabek et l’ensemble de la population de l’Ontario et du Canada. » Chef du grand conseil Patrick Wedaseh Madahbee, nation Anishinabek
Elsie enseignait aussi le catéchisme, contribuait à l’organisation de régates, tout en aidant des équipes de baseball, des scouts et des guides. Elle organisait des activités sociales et des concerts afin de contribuer au financement des équipements et uniformes. Son mari travaillait comme guide touristique et elle comme cuisinière pour une famille millionnaire, ce qui leur a permis de s’acheter une voiture Ford modèle « A ».
En 1952, le gouvernement a autorisé les femmes autochtones à voter et à se présenter aux élections. Lors de celles-ci, plusieurs hommes ont demandé à Elsie de concourir pour le poste de chef, requête dont l’aspect ironique ne lui a pas échappé. Sa victoire a été écrasante et elle est devenue la première femme chef élue au Canada. La charge de travail d’Elsie s’est alors encore alourdie. Elle n’a perçu aucun salaire pendant huit années, car elle savait que les fonds de la bande étaient quasiment inexistants. Elle croyait fermement que sa communauté méritait une vie de meilleure qualité que l’existence de citoyens de seconde zone que menaient les membres de sa bande. Elsie et ses concitoyens ont travaillé à l’embellissement du cimetière pour afficher leur fierté à l’égard de leur héritage. Ensuite, la chef a organisé un pow-wow et a acheté des denrées pour chacun à l’occasion de la fête de Noël. Cinq élèves souhaitaient fréquenter l’école secondaire, mais aucun financement d’études n’était alors disponible. Elsie a réussi à convaincre l’agent des Indiens de s’engager à payer un chauffeur. Il est arrivé que l’on emmène les élèves prendre le bus, mais oublie d’aller les rechercher; Elsie les a alors transportés dans sa Ford. Le nombre d’élèves souhaitant se rendre à l’école a augmenté, mais Elsie n’a pas réussi à trouver un cosignataire qui lui aurait permis d’acquérir un véhicule plus grand. Elle a ainsi décidé d’acheter un corbillard d’occasion, a installé des banquettes à l’intérieur et l’a repeint en bleu. Elle souhaitait installer des puits forés pour sa communauté et, à force de persuasion, a convaincu l’agent des Indiens de creuser quelques puits. La construction de nouvelles maisons est devenue nécessaire et un financement de base a été offert aux membres de la communauté. De nombreuses nouvelles maisons ont donc été construites, ainsi qu’une garderie, une maison de retraite, un centre de santé, une salle communautaire et une école.
Elsie a conduit un bus scolaire pendant 34 ans; à la fin elle disposait de deux grands bus et 130 élèves en bénéficiaient. Elle a été propriétaire d’un dépanneur ainsi que d’un bureau de poste. Elle a été chef pendant 16 ans et conseillère de bande pendant huit autres années. Elle a été membre et sénatrice de l’Union of Ontario Indians, a rencontré des dirigeants de tout le Canada et a été conviée aux banquets donnés en l’honneur de la reine et des premiers ministres. Son œuvre la plus précieuse demeure sa collecte de fonds pour une nouvelle église. Elsie Knott était une fervente disciple de Jésus, qu’elle considérait comme le fils de Dieu et le Créateur. Elle a rendu l’âme le 3 décembre 1995 à 73 ans. [Photos gracieusement fournies par les archives du Curve Lake Cultural Centre]
« La chef Elsie Knott était une femme forte dont la voix a atteint bien des publics. Elle veillait à ce que les peuples autochtones et les Premières Nations soient reconnus tant sur le plan politique qu’en matière de bien-être social. Elle a tracé la voie pour nombre de femmes, aux échelles nationale, régionale et locale. Grâce à sa détermination, alors qu’elle était au milieu d’hommes politiques et de dirigeants affirmés, elle n’a jamais dévié de sa vision ni de son combat pour le peuple Anishinaabe. Son leadership au sein de la Première Nation de Curve Lake a été crucial pour promouvoir les possibilités d’affaires, de développement communautaire, d’éducation et d’emploi. Elle était une femme de cœur, d’esprit et de foi. » Chef Phyllis Williams, Première Nation de Curve Lake