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Les droits des femmes sont des droits de la personne – la lutte pour l’égalité des voix
"« Les femmes qui sont des sujets britanniques, qui sont âgées de 21 ans et qui possèdent les qualités qui donneraient à une personne du sexe masculin le droit de voter peuvent voter aux élections fédérales. » En vigueur le 1er janvier 1919"
Loi ayant pour objet de conférer le droit de suffrage aux femmes, S.C. 1918, ch. 20
Saviez-vous que les femmes au Canada n’ont pu voter aux élections fédérales qu’en 1918 – il y a 100 ans? Il leur a été possible de le faire à certaines élections provinciales un peu avant cette année-là, d’abord au Manitoba en 1916, puis en Ontario (au cinquième rang) en 1917. Les Québécoises ont eu ce droit en dernier, en 1940. Par surcroît, aux élections fédérales, le droit de vote n’a été accordé qu’aux femmes propriétaires âgées de plus de 21 ans et étant des sujets britanniques. Saviez-vous que les Canadiens d’origine asiatique, hommes et femmes, se sont vu refuser le droit de vote jusqu’à la fin des années 1940? Ou encore que, en vertu des lois fédérales, les femmes autochtones visées par la Loi sur les Indiens n’ont pu voter à leur conseil de bande avant 1951 et que, à moins de renoncer à leur statut et aux droits issus de traités, les Autochtones n’ont pu exercer leur droit de vote jusqu’en 1960 à des élections fédérales?
En tant qu’ancienne étudiante à l’Université de Toronto à la fin des années 1970, j’ai été profondément influencée par le mouvement féministe de l’époque. À cela s’ajoute l’effet d’un incident de discrimination sexuelle pendant mon adolescence, qui a changé ma compréhension du monde autour de moi. J’ai toujours été féministe et passionnée par les droits des femmes et de la personne, et consciente du besoin de prendre la parole et de se faire entendre. Je tombe des nues quand je regarde cette chronologie et encore plus – j’y reviendrai – quand je constate que les femmes ont dû prouver leur droit d’être traitées comme des personnes devant la loi.
Il serait ambitieux de raconter l’histoire du droit de vote des femmes au Canada en quelques pages. J’aimerais m’arrêter sur quelques-unes des premières militantes de ce droit et du suffrage féminin, les courageuses qui ont pris la tête de ces mouvements, et réfléchir au chemin parcouru depuis lors.
Imaginez ce qu’a vécu Emily Stowe, la première femme à être nommée directrice d’une école publique en Ontario. En 1865, elle avait fait une demande d’admission à l’École de médecine de Toronto, qui a été rejetée au seul motif du sexe. En 1867, elle a obtenu un diplôme d’un collège de médecine pour femmes à New York, puis est revenue au Canada. Cependant, il faudra quatre années de plus pour que l’Université de Toronto l’accueille, ainsi que Jenny Trout, pour la poursuite d’études.
La Dre Stowe est devenue une infatigable défenderesse de l’éducation des femmes et du suffrage féminin. Elle a aidé à la mise sur pied d’une guilde littéraire pour femmes, le Toronto Women’s Literary Club, afin de [traduction] « former une association prônant la culture intellectuelle, où les femmes peuvent, sans crainte, échanger librement des idées et sentiments sur l’accès à l’éducation supérieure ainsi que sur leur bien-être moral et physique ». Cette guilde deviendra un groupe de suffragettes à Toronto, puis, en 1903, la Canadian Suffrage Association (Association des suffragettes canadiennes), avec la Dre Stowe comme première présidente.
Le Conseil national des femmes du Canada (CNFC), fondé en 1893, est un autre Les droits des femmes sont des droits de la personne – la lutte pour l’égalité des voix Par Beth Hanna organisme qui a fait du lobbying pour améliorer la situation des femmes. En ce temps-là, seules les femmes célibataires et veuves pouvaient voter en Ontario. Et les femmes mariées ne pouvaient ni être propriétaires, ni exercer des fonctions officielles, nulle part au Canada.
À la fin du XIXe siècle, les suffragettes canadiennes ont commencé à tenir des réunions nationales et internationales, à exercer des moyens de pression, à faire circuler des pétitions et à collaborer avec des hommes politiques qui appuyaient leur cause. Leur allié libéral John Waters, député provincial de Middlesex-Nord, a déposé neuf projets de loi en faveur du droit de vote des femmes de 1885 à 1893. Les suffragettes ont également organisé des simulacres de parlement, où il était supposé que les femmes avaient toujours eu le droit de vote, alors que les hommes aspiraient à l’émancipation. L’une de ces parodies théâtrales s’est déroulée au parc Horticultural Gardens à Toronto (aujourd’hui Allan Gardens) le 18 février 1896.
Sonia Leathes, membre du CNFC, a écrit un certain nombre de pamphlets défendant le droit de vote des femmes, dont « Where and How May Canadian Women Vote » (Où et combien de Canadiennes votent) en 1911 et « What Equal Suffrage has Accomplished » (Ce que le suffrage égal a accompli), en 1911-1912. En février 1914, le University Magazine a publié son article « Votes of Women: Speech Given to the National Council of Women of Canada ». On pouvait y lire : [Traduction] « Le parlement n’est pas responsable envers les femmes n’ayant pas le droit de vote, dont les intérêts et les aspirations ne sont pas directement représentés. Même lorsque sont adoptées des lois qui touchent les intérêts particuliers des femmes, leur libellé reflète ce qui semble le plus avantageux pour les représentants de l’électorat masculin, et en aucun cas les femmes ne sont-elles consultées. »
La société canadienne vivait alors une période de grands changements et de bouleversements. Durant les années de guerre, les femmes ont été appelées à assumer des fonctions qui étaient traditionnellement exercées par des hommes dans les bureaux, les usines et la fonction publique. Certaines se sont portées volontaires pour la défense intérieure et des organismes de services, et ont recueilli des fonds. La contribution des femmes à l’effort de guerre et à la société canadienne en général a été cruciale. Au terme de cette expérience, les femmes ne seraient plus jamais ignorées.
Le 12 avril 1917, les Ontariennes ont obtenu le droit de voter à des élections provinciales. Il faudra attendre jusqu’en 1943 pour que l’Ontario élise une femme députée à l’Assemblée législative : Agnes Macphail et Rae Luckock ont toutes deux gagné cette année-là.
Agnes Macphail, la première à prêter serment, avait déjà une expérience considérable. Le 17 décembre 1921, quelque 500 000 femmes votaient pour la première fois à une élection fédérale, laquelle fut remportée par le gouvernement de coalition de Borden. Quatre femmes étaient en lice, et Agnes Macphail a été élue comme députée de Grey-Bruce, un poste qu’elle a conservé jusqu’en 1940. Dans son premier discours, elle réclamait une plus grande égalité des sexes dans la société et les lois canadiennes : [Traduction] « Monsieur le Président, les femmes ne veulent pas être considérées comme des objets et biens meubles des hommes. Elles veulent être des personnes au même titre que les hommes, ni plus, ni moins, et j’aimerais voir ce principe enchâssé dans la loi. » Après sa défaite en 1940, Agnes Macphail a été élue à l’Assemblée législative de l’Ontario (1943), où, en 1948, elle a été responsable de la première loi ontarienne sur l’équité salariale, adoptée en 1951. Au moment de son décès en 1954, elle était pressentie comme membre du Sénat du Canada.
La nomination au Sénat constituait alors un enjeu important. Jusqu’en 1929, le gouvernement soutenait que son pouvoir de « nommer des personnes habiles au Sénat » ne lui permettait pas de considérer des femmes. En 1927, Emily Murphy, Nellie McClung, Irene Parlby, Louise McKinney et Henrietta Muir Edwards ont demandé des éclaircissements à la Cour suprême du Canada quant à savoir si les « personnes » à l’article 24 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique (1867) comprenaient les « personnes de sexe féminin ». Les cinq juges, tous des hommes, de la Cour suprême du Canada se sont unanimement prononcés contre l’idée. Cependant, le Conseil privé de la Grande-Bretagne a tranché différemment la question dans une affaire connue légalement comme étant celle d’Edwards c. Procureur général du Canada, et plus généralement comme l’affaire « personne ». Lorsque lord Sankey, chancelier de la Grande-Bretagne, a annoncé leur décision le 18 octobre 1929, il a déclaré : « À ceux qui demandent pourquoi le mot [personnes] doit comprendre les femmes, la réponse est évidente : pourquoi pas? »
En 1930, le premier ministre Mackenzie King a nommé Cairine Wilson, d’Ottawa, au Sénat. Vingt-trois années se sont écoulées avant que deux autres femmes soient nommées au Sénat, Murial McQueen Fergusson et Nancy Hodges.
En 1970, la Commission royale d’enquête sur le statut de la femme, présidée par Florence Bird, publiait son rapport. Elle avait eu pour mandat de « faire enquête [...] sur le statut des femmes au Canada [...] afin d’assurer aux femmes des chances égales à celles des hommes dans toutes les sphères de la société canadienne ». Parmi ses conclusions : « Les 50 années qui viennent de s’écouler depuis que les femmes ont obtenu le droit de vote n’ont amené, sauf en ce qui concerne l’exercice de ce droit, aucun changement appréciable dans les activités politiques des femmes. Dans les postes clés et surtout au gouvernement du Canada et au Parlement, la présence d’une poignée de femmes n’est qu’une vague reconnaissance symbolique de leurs droits. La voix du gouvernement est encore une voix masculine. L’élaboration de mesures politiques qui affectent la vie de tous les Canadiens demeure la prérogative des hommes. »
Le Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme a été créé après les travaux du Comité canadien d’action, en 1973. Les sept années suivantes, il a publié des études, des mémoires et des commentaires sur divers sujets, comme les droits de la personne, le droit pénal, les nominations fédérales et les droits des femmes autochtones. En novembre 1980, il a présenté un mémoire intitulé « Les femmes, les droits de la personne et la Constitution » au Comité mixte spécial sur la Constitution. Ce mémoire énonçait une série de recommandations axées sur le projet de Charte canadienne des droits et libertés .
La Charte canadienne des droits et libertés de 1982 garantissait des droits et libertés « également aux personnes des deux sexes » [art. 28] ainsi qu’une protection égale en vertu de la loi [art. 15] : « La loi ne fait exception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et aux mêmes bénéfices de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques. »
Les discussions se sont poursuivies tout au long des travaux de diverses commissions et organisations nationales et provinciales. Dans les années 1980, le Comité canadien d’action sur le statut de la femme avait une voix prééminente dans le mouvement féministe canadien et comme groupe de défense politique des femmes. Ont vu le jour, au cours de la même période, l’Association des femmes autochtones du Canada en 1974, le Congrès des femmes noires du Canada en 1975, le Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes en 1985 et la Fondation canadienne des femmes en 1991. Aujourd’hui, le Conseil national des femmes du Canada poursuit son œuvre, comme de nombreux autres organismes essentiels.
Les discussions se sont poursuivies tout au long des travaux de diverses commissions et organisations nationales et provinciales. Dans les années 1980, le Comité canadien d’action sur le statut de la femme avait une voix prééminente dans le mouvement féministe canadien et comme groupe de défense politique des femmes. Ont vu le jour, au cours de la même période, l’Association des femmes autochtones du Canada en 1974, le Congrès des femmes noires du Canada en 1975, le Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes en 1985 et la Fondation canadienne des femmes en 1991. Aujourd’hui, le Conseil national des femmes du Canada poursuit son œuvre, comme de nombreux autres organismes essentiels.
Manifestement, il reste encore beaucoup de travail à faire. Le mouvement #Moiaussi a mis en lumière un problème qui a toujours été inacceptable et ne sera plus jamais toléré. Ajoutez à cela des données récentes de Condition féminine Canada qui révèlent que les nombreux cas de violence à caractère sexuel dont sont victimes les femmes représentent « l’un des enjeux les plus pressants avec lesquels le Canada est aux prises en matière de droits de la personne », en plus de l’horrible tragédie des femmes autochtones disparues ou assassinées. Même sur la question de l’équité salariale, Statistique Canada rapporte que les femmes touchent 0,87 $ pour chaque dollar gagné par les hommes. La question se pose donc : comment parvenir à l’égalité?
Pour ma part, je m’inspire des pionnières qui ont pris part à l’histoire et des femmes présentées dans les pages qui suivent. Elles ont franchi des obstacles sexistes et raciaux, fait face à l’opposition et subi les moqueries. Chacune a apporté une importante contribution, et aucun de leurs noms ne doit être oublié.
Je vous encourage à en apprendre plus sur les femmes et les hommes qui ont lutté pour l’égalité. J’ai des héroïnes personnelles : Kay Livingstone, la chef Elsie Knott, l’honorable Jean Augustine, Doris Anderson, Beverley McLachlin, Daphne Odjig, Jeanette Corbier Lavall, Roberta Jamieson, Roberta Bondar et Bertha Wilson. Ces femmes, et tant d’autres héroïnes méconnues, ont mené et mènent encore la lutte pour l’égalité de toutes les femmes. Elles s’efforcent d’améliorer les choses pour les générations à venir. Elles sont audacieuses, intelligentes et éclairées – tissant des liens, elles nous unissent et nous font croire à un avenir meilleur. Qui ajouteriez-vous à cette liste? Et quels noms s’ajouteront de notre prochaine génération?
En pensant à l’avenir, à ce que je désire pour nos fils et nos filles, nos petits-enfants, petits-neveux et petites-nièces, de toutes les sphères de la société, je conçois un #Moiaussi différent. J’aimerais qu’ils puissent également dire un jour : Moiaussi, je siège à la Chambre des communes; Moiaussi, je suis leader parlementaire à l’Assemblée législative provinciale; Moiaussi, je suis propriétaire d’une multinationale; Moiaussi, je fais carrière dans les affaires ou je me distingue comme artiste, parent, pédagogue, scientifique, médecin, juge; Moiaussi, je réalise des rêves; Moiaussi, je fais entendre ma voix.
Photo: Almanda Walker-Marchand (vers 1928). Fondée à Ottawa en 1914 au début de la Première Guerre mondiale, la Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises a été la première société francophone et laïque de femmes établie hors du Québec. Almanda Walker-Marchand, qui en a été la première présidente et a conservé ce titre pendant 32 ans, a vu le groupe prendre de l’expansion d’Ottawa vers d’autres régions de l’Ontario, les Prairies et la Colombie-Britannique. Ph52-40. Université d’Ottawa, CRCCF, Fonds Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises (C53).