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Les défis de la gestion des collections archéologiques

Fouilles archéologiques sur le site New Fort (AjGu-32). Les fondations observables ici  semblent correspondre à New Fort, un complexe de 3,2 ha comprenant des édifices et  des dépôts souterrains construit en 1841 pour fournir de nouvelles installations à la  garnison militaire de Toronto. Le site a été renommé Stanley Barracks en 1893.  Photo : John Howarth

Par

Le professeur Robert I. MacDonald

L'archéologie

Date de publication :09 oct. 2015

Photo : Fouilles archéologiques sur le site New Fort (AjGu-32). Les fondations observables ici semblent correspondre à New Fort, un complexe de 3,2 ha comprenant des édifices et des dépôts souterrains construit en 1841 pour fournir de nouvelles installations à la garnison militaire de Toronto. Le site a été renommé Stanley Barracks en 1893. Photo : John Howarth

Si les bâtiments sont parmi les éléments les plus visibles des paysages patrimoniaux, ils ne représentent souvent que la partie émergée de l’iceberg, et s’accompagnent de vastes dépôts archéologiques enterrés, susceptibles d’étoffer notre connaissance de l’histoire des cultures – qu’il s’agisse d’occupations autochtones préeuropéennes ou de sites euro-canadiens postérieurs – en l’enrichissant des détails importants qu’une recherche minutieuse permet de découvrir.

L’organisation de ces découvertes échoit à plus de 450 archéologuesconseils autorisés par le ministère du Tourisme, de la Culture et du Sport en vertu de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario. Le ministère aide les promoteurs immobiliers publics et privés à répondre à leurs diverses obligations légales afin de gérer le patrimoine archéologique de la province. Tous les ans, ces activités se traduisent par l’enregistrement de centaines de nouveaux sites archéologiques s’étalant sur les plus de 12 000 ans de présence humaine en Ontario, et par la découverte de milliers d’objets grâce aux recherches archéologiques, aux évaluations de sites et aux fouilles de sauvegarde effectuées sur les sites menacés.

Objets (à partir d’en haut à gauche et dans le sens des aiguilles d’une montre) : clous, vis et pointe façonnés à la main ou à la machine, éclats de vitre d’une propriété familiale euro-canadienne, rafles de maïs carbonisées issues d’un village historique préeuropéen, tessons de céramique préeuropéens, éclats de silex préeuropéens obtenus en produisant des outils en pierre taillée.

Depuis la promulgation de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario en 1975 et le développement du secteur de la gestion du patrimoine archéologique depuis les années 1980, on estime que les archéologues ontariens conservent des collections d’objets qui pourraient remplir environ 25 000 caisses en carton de type Bankers Box, soit assez pour recouvrir approximativement la moitié d’un terrain de soccer professionnel si on les plaçait côte à côte. Ce dépôt n’inclut pas les vastes collections archéologiques acquises aux XIXe et XXe siècles et déjà conservées par les musées, universités et autres institutions publiques des quatre coins de la province, lesquelles pourraient bien être assez vastes pour recouvrir la seconde moitié du terrain de soccer.

On pourrait croire que cette abondance d’objets est une bénédiction pour les musées, mais en réalité, seule une fraction des pièces découvertes lors des recherches archéologiques est exposée au public : probablement moins d’une sur 100 000. On estime en effet que la majorité des objets n’en valent pas la peine du fait de leur banalité (éclats de vitre ou de silex, clous en fer, etc.), de leur état parcellaire (petits tessons de poterie), de leur fragilité ou de besoins de conservation particuliers (résidus végétaux carbonisés), ou encore parce qu’ils constituent des doublons par rapport aux exemples déjà exposés (pointes de lances ou de flèches). Alors que l’espace est de plus en plus précieux, les musées et les universités sont obligés de faire preuve d’une sélectivité croissante à l’égard des collections archéologiques qu’ils ont la volonté ou la capacité de gérer. Il ne s’agit pas d’un défi propre à l’Ontario ni même au Canada, car le problème toujours plus aigu de la gestion des collections soulève des inquiétudes partout dans le monde où la gestion du patrimoine archéologique est devenue une caractéristique majeure de l’évolution sociale.

En Ontario, une solution à long terme a été mise au point dans le cadre d’une collaboration entre les universités Western et McMaster grâce aux financements des gouvernements fédéral et provincial. Fort d’une capacité d’entreposage pouvant accueillir l’équivalent de 80 000 caisses d’objets environ, le projet Sustainable Archaeology (Archéologie durable) vise la collaboration de la communauté archéologique, des communautés de lignée ancestrale ainsi que du grand public pour garantir l’accès aux collections et la diffusion des connaissances issues des recherches en cours. De ce fait, le projet Sustainable Archaeology paraît constituer une excellente solution pour les musées traditionnels, même si ce n’est assurément pas la seule option. Par exemple, certaines Premières Nations envisagent de mettre en place des installations similaires susceptibles de mieux servir les intérêts de leurs communautés en matière de gestion des collections archéologiques importantes sur le plan culturel.

Des archéologues autorisés de toute la province gèrent les collections qui regroupent le fruit de leurs recherches, ce qui comprend le nettoyage, le catalogage, l’analyse, la conservation et l’interprétation des objets. Ces activités demeurent primordiales, parallèlement à la recherche de solutions pour répondre aux problèmes de gestion des collections rencontrés en continu par les archéologues de tout l’Ontario. [Images avec l’aimable autorisation d’Archaeological Services Inc.]