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Histoire des recherches archéologiques sur le site Thomson-Walker

Alène coudée en fer munie d’un manche en os, témoignage d’une combinaison des technologies autochtone et européenne.

Par

La professeure Alicia Hawkins

L'archéologie

Date de publication :09 oct. 2015

Photo : Alène coudée en fer munie d’un manche en os, témoignage d’une combinaison des technologies autochtone et européenne.

Cela fait près de deux siècles que la Huronie, cette pointe de terre qui jaillit dans le sud de la baie Georgienne, fait rêver les historiens et les archéologues. Le site Thomson-Walker marque l’emplacement d’un des nombreux villages wendats du XVIIe siècle dans la région. Ce site composite a été examiné par diverses populations, archéologues amateurs passionnés ou chercheurs universitaires.

Pour tous les sites, les archéologues tentent souvent de répondre à un large éventail de questions simples : quel est son âge? Qui y vivait? Était-ce un village? Quelle était sa taille? Pourquoi a-t-il été abandonné? Au fil des ans, au moins sept archéologues ou équipes d’archéologues différents se sont penchés sur le site Thomson-Walker.

Au début du XXe siècle, Andrew Hunter entame ce que nous appellerions aujourd’hui une enquête régionale sur la Huronie. Il rend visite aux fermiers et leur demande s’ils ont trouvé des objets en défrichant ou en exploitant leurs terres. Grâce à ces entretiens, Hunter localise de nombreux sites wendats. Sa description du site Thomson-Walker est brève, mais le place clairement pendant la présence française.

Le site est coupé en deux par un chemin de concessions et, dans les années 1940, la propriété de la partie Est est achetée par la famille Thomson. Les Thomson sont loin d’être étrangers à l’archéologie: la fille Margaret a fouillé le Fort Sainte-Marie au début des années 1940 avant d’épouser l’archéologue du Musée royal de l’Ontario Douglas Tushingham. Les Thomson s’adonnent à leur passion en fouillant les monticules (amas de débris) qui bordent le site. Ils mettent au jour une riche variété d’objets et font généreusement don de l’essentiel de cette collection au Musée royal de l’Ontario. Note de la rédaction : Douglas et Margaret Tushingham ont fait don de la propriété à la Fiducie en 1987.

Aux travaux d’enquête d’Andrew Hunter succèdent les recherches de Frank Ridley dans les années 1960 et 1970. En pratique, Ridley ne fouille pas le site Thomson-Walker, probablement parce qu’une excellente collection d’objets y a déjà été mise au jour par les Thomson, mais suggère que le site correspond à l’emplacement du village Teanaustayé de la tribu wendate de la Corde ainsi que de la mission jésuite de Saint-Joseph II.

C’est le Musée royal de l’Ontario qui lance les premières recherches archéologiques formelles. Sous la direction de l’archéologue Burke Penny, une équipe explore le site pour en déterminer les limites. Les chercheurs estiment que le site couvre plus de cinq hectares (12 acres). Cette superficie est ensuite revue à la baisse par d’autres spécialistes, mais les travaux de Penny démontrent qu’il s’agissait d’un village de taille importante. L’équipe de Penny creuse également plusieurs tranchées d’exploration et parvient à dégager une palissade à fonction défensive.

En 1987, l’importance du site est bien établie. Ainsi, lorsqu’il est question d’élargir le chemin de concessions, un groupe mobilisé par Jamie Hunter (Musée de la Huronie) parvient à entreprendre des fouilles de sauvetage. Ce groupe apporte d’importantes contributions à notre connaissance du site. Ces chercheurs sont ainsi les premiers à relever des traces de trous de poteaux, découvrant ainsi quatre maisons tournées vers la même direction. En outre, la totalité de ce sol riche en objets est filtrée à l’eau à travers un tamis fin, ce qui permet de récupérer une myriade d’os d’animaux et de petites billes de verre.

Depuis 1987, les fouilles sont intermittentes sur le site Thomson-Walker. Trois stages de pratique de terrain universitaires y sont organisés, en 1993, 1995 et 2006. Les stages dirigés par Martha Latta (Université de Toronto) aboutissent à la découverte de nouvelles parties de la palissade et d’une autre maison, orientée comme celles mises au jour en 1987. Un stage de l’Université Laurentienne confirme les découvertes de Latta.

Malheureusement, les fouilles du site ne s’arrêtent pas là, puisqu’on découvre en 2009 qu’il a été pillé par des amateurs munis de détecteurs de métaux. La coopération de la Police provinciale de l’Ontario et de la Fiducie du patrimoine ontarien permet à cette dernière de récupérer les objets dérobés.

Nous avons encore certainement beaucoup de choses à apprendre de l’analyse des riches collections découvertes à cet emplacement majeur. Si l’identification exacte du site Thomson-Walker est encore débattue, il est clair qu’il s’agit d’un grand village wendat de la tribu de la Corde datant de la période jésuite.

Deux étudiants en stage de pratique de terrain relèvent l’emplacement des faits archéologiques.

Photo: Deux étudiants en stage de pratique de terrain relèvent l’emplacement des faits archéologiques.

La chercheuse Holly Martelle a distingué chaque potier du site Thomson-Walker grâce à d’infimes variations dans la décoration.

Photo: La chercheuse Holly Martelle a distingué chaque potier du site Thomson-Walker grâce à d’infimes variations dans la décoration.

L’archéologie au sein de la Fiducie

La Fiducie effectue des recherches archéologiques sur ses propriétés depuis 1970. En pratique, nous examinons le potentiel archéologique de tous les sites patrimoniaux que nous achetons et nous veillons à ce que les ressources archéologiques soient recensées et protégées. Des fouilles ont lieu lorsque l’impact l’exige. La Fiducie privilégie la protection du site plutôt que les dépôts archéologiques. Les collections archéologiques obtenues constituent une ressource d’interprétation qui enrichit notre connaissance de nos sites.

Faits et chiffres

  • 148 sites archéologiques enregistrés sont la propriété de la Fiducie qui en assure la conservation, ou sont protégés par des servitudes de conservation
  • plus d’un million d’objets ont été extraits dans les propriétés de la Fiducie et sont répartis dans 163 collections
  • le plus vaste site est Chedoke Falls, qui couvre 1,6 ha et contient un site iroquois intermédiaire (ancien à moyen), entre 1280 et 1350 ans avant notre ère
  • site le plus ancien : site Farmer, entre 9 500 et 3 000 ans avant notre ère
  • nombre maximal de sites sur une même propriété : 35 (Glassco Park à Vaughan)