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Où trouve-t-on qui nous sommes
"« Demander à un poète de parler paysage – culturel ou autre – c’est comme demander à la bière ce qu’il en est du verre. C’est ce qui nous retient ensemble. »"
Gerard Hill
Qu’est-ce que je veux dire par le paysage nous retient ensemble? En ouvrant les yeux, nous voyons la lumière. Nous ouvrons la bouche, nous respirons l’air ambiant. Ces simples fonctions nous permettent d’admirer le paysage en premier. Déjà, je vais rectifier le tir. Le battement de cœur de la mère qui berce l’utérus, voilà notre tout premier paysage. Notre premier rayon de lumière est l’obscurité; la température et le son représentent les premiers rythmes qui nous entourent. Le paysage – les premières sensations qui nous imprègnent – semble être une simple lecture de la situation. C’est le lieu de notre naissance et là nous avons toujours été.
Si cette affirmation est difficile à croire, la prochaine le sera également : le paysage en tant que cause à effet de qui nous sommes. Mais maintenant, la question devient plus complexe, car je peux seulement m’exprimer en mes propres mots au sujet de mon propre paysage – ma reconnaissance de la topographie, de la génétique, de l’histoire, de la famille, de la personnalité, de la communauté, les diverses œuvres. Dans ces mots-là, je transfère ma notion de paysage de ce que c’est vers à quoi ça sert, de la notion physique à culturelle.
Un paysage culturel s’exprime en un concert de voix. Prenons l’exemple du « Paradis d’une folle » à Toronto, Centre des artistes en résidence Doris McCarthy. Plusieurs récits – chacun comportant son propre vocabulaire, caractère et délice – réclament l’attention de l’artiste ici. Quiconque peut être aussi vital, que productif, peu importe la forme qu’exploite l’artiste, que le prochain. Voici une brève liste : le développement urbain de Scarborough, l’écologie des Grands Lacs, la géologie des falaises, l’exercice pictural de McCarthy elle-même, les réalités administratives du programme et, n’oublions pas, ce que fait la nation des oies. C’est l’œuvre de toute une vie! Il en va de la transformation ou du tempérament changeant du poète, à savoir à quelle voix il ou elle se consacre le plus.
En outre, nous pouvons être captivés par l’histoire des maisons valant plusieurs millions de dollars qui ont été construites sur une terre qui un jour ou l’autre basculera dans le lac Ontario. Lorsque Doris McCarthy a fait construire son premier chalet (dans les années 1940), il n’existait rien dans son triangle de terre – là où le ravin rejoint le sommet de la falaise et Kingston Road – qu’une crête et une colline boisée. C’est seulement au cours des dix ou vingt dernières années que l’on a construit sur la route menant vers la propriété de Doris, en particulier du côté de la falaise, des maisons appartenant à de riches propriétaires. Ces propriétaires, cependant, se sont vite rendu compte que les falaises de Scarborough empiétaient chaque année d’un mètre sur leur terrain. Une pression est exercée auprès de l’autorité riveraine. Une digue au coût de 10 millions de dollars permet de sauvegarder la base des falaises, ce qui permet de ralentir l’affaissement au sommet. Cependant, les falaises continueront à s’affaisser et elles seront remplacées par une pente de plus en plus graduelle alors qu’il y a une accumulation de la terre qui tombe. Sur le plan économique, les falaises engendrent une valeur et des coûts.
Pour la plupart de mes jours passés au « Paradis d’une folle », le temps décrirait bien ce que j’ai vu, peu importe les pensées qui me viennent à l’esprit même au plus rapide des regards plongés sur l’étang ou vers la façade de la falaise. Les forces qui ont engendré les collines jouent un rôle destructeur. De toute façon, la beauté continuera à attirer les artistes ici. Alors que la fine poussière des falaises peut être ressentie dans nos moustaches et aperçue sur nos tables de verre, que nous avons nettoyées hier, la véritable menace d’affaissement aux abords est ce qui suscite notre admiration ou, du moins, ce à quoi nous ne pouvons résister.
Pour les poètes, c’est toujours le langage qui active le paysage. De quoi d’autre peut-il être question? Qu’il s’agisse d’une chaleur qui se dégage d’un patio ou de spéculer, à savoir si Doris McCarthy utilisera une feuille ou une toile maintenant, le paysage est exprimé par des paroles ou des écrits. J’entends le tonnerre, mais je ne peux apercevoir le ciel à l’ouest. Je ne sais pas si le parasol va tenir le coup. Mais peu importe quoi ou quand, je sais que l’information est véhiculée dans le langage, un récit.
Les poètes y sont dans leur élément. Comme si un endroit raconte une histoire, l’une parmi tant d’autres – et comme une histoire doit être entendue ou racontée, un poète est attiré vers le « Paradis d’une folle » et ses paysages.