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L’agitation et le devoir de mémoire

Cimetière de Richview-Willow Grove

"Les cimetières sont un lieu idéal pour commencer vos recherches généalogiques. De nombreux bureaux de cimetière offrent des dossiers et des bases de données consultables. Le public peut y avoir accès à certaines heures. Il existe aussi d’excellentes ressources en ligne."

Par

Romas Bubelis

La communauté, Les paysages culturels

Date de publication :07 sept. 2006

Photo : Cimetière de Richview-Willow Grove

Par un jour d’été venteux de 2005, une petite congrégation s’est rassemblée près de l’échangeur en forme de feuille de trèfle à la limite ouest de Toronto. Au cimetière de Richview-Willow Grove, au milieu du sifflement aigu des voitures lancées à grande vitesse et des semi-remorques empruntant la rampe d’accès, ils ont tenu un office commémorant les familles fondatrices d’Etobicoke.

Le cimetière de Richview a été officiellement inauguré en 1853 pour servir une petite communauté rurale située là où se dresse maintenant le centre d’Etobicoke. La chapelle locale, l’église méthodiste de Richview, était toujours en service en 1959 quand la jonction entre l’autoroute Macdonald-Cartier (l’autoroute 401) et l’autoroute 427 a été réalisée à une échelle colossale. La chapelle a été démolie et la congrégation a déménagé. Mais à la demande de la communauté, les rampes à grande vitesse des ingénieurs des ponts et chaussées ont contourné le cimetière. Le terrain restant – encerclé et rendu inapte aux projets immobiliers – n’a pas été davantage perturbé.

Dans les années 1970, deux autres cimetières historiques de la région, le Willow Grove Burying Ground et le cimetière de la famille McFarlane, ont été fermés et déplacés pour permettre leur aménagement. Leurs occupants, au nombre approximatif de 110, ont été déplacés et ré-enterrés le long du cimetière de Richview, entre les remparts de béton. Et c’est ainsi que, de façon inattendue, les tombes de nombre de familles fondatrices du canton d’Etobicoke ont trouvé le repos éternel dans le cimetière de Richview-Willow Grove, au centre de l’échangeur en trèfle d’une autoroute encombrée.

Au fur et à mesure que les souvenirs s’estompent, les sépultures des familles de pionniers font de même, chaque sépulture suivant son propre processus naturel de détérioration et de délabrement. Il subsiste divers monuments en forme de bloc, de dalle ou d’obélisque qui reposent sous différents angles et dans des conditions diverses. Ceux qui ont été sculptés dans la pierre calcaire et le marbre témoignent de la plus forte usure, alors qu’il est intéressant de remarquer qu’ils sont faits de roche sédimentaire et métamorphique, elle-même issue d’un processus de déclin et de transformation.

Au milieu de ce cycle sont intervenues l’Etobicoke Historical Society et l’Etobicoke Heritage Foundation. Ces groupes comptent parmi leurs membres un certain nombre de descendants des personnes enterrées au cimetière de Richview-Willow Grove. Ils ont collecté 20 000 $ de fonds destinés à la conservation des monuments et le Fonds d’encouragement à la protection du patrimoine communautaire de la Fiducie du patrimoine ontarien a accordé un financement paritaire. Les pierres cassées ont été réparées à l’aide de broches en acier inoxydable, les fissures ont été bouchées avec du mastic et les plaques sont soutenues par de nouvelles bases. Les fines plaques de marbre blanc, avec leurs ornementations en volutes et leurs inscriptions gravées se tiennent à nouveau bien droit, comme les pionniers le faisaient de leur temps.

À Richview, on a utilisé des techniques de conservation pour ralentir l’inévitable cycle de la détérioration. Les empreintes d’un passé lointain ont été préservées pour une nouvelle période. Les pionniers occupent le terrain et leurs descendants se souviennent d’eux, même quand le monde s’agite autour d’eux.