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Faith buildings in the age of Spiritual Not Religious

Les danseurs de Nia with Martha devant le Trinity-St Paul’s Centre dans le cadre de l’Annex Street Festival (Photo : Kendra Fry)

Par

Kendra Fry

Revoir le point de vue historique

Date de publication :07 sept. 2018

Photo : Nia with Martha dancers, dancing in front of Trinity St-Paul’s as part of the church’s participation in the Annex Street Festival. (Photo: Kendra Fry)

Agent pastoral laïc de l’Église Unie, mon grand-père, Alfred Fry, a travaillé dans les comtés de Bruce et de Grey de 1954 à 1971, effectuant une grande partie de son ministère à Tobermory. Pendant son enfance dans les années 1950, mon père, plus jeune fils d’un pasteur, a eu l’occasion de se rendre dans de nombreuses églises. Lorsqu’il a fondé sa propre famille, il a choisi un autre chemin, celui de l’agnosticisme. Tout au long de sa vie, il s’est impliqué au sein de la communauté et s’est engagé dans des actions caritatives, mais en dehors de l’Église. Comme beaucoup de jeunes Canadiens et Canadiennes qui ont grandi dans les années 1970, à l’époque où le christianisme historique a commencé à décliner, j’ai été élevée en dehors de l’Église.

C’est cette histoire que j’ai envie de raconter : l’histoire de ma famille, qui reflète l’éloignement progressif de nombreux Canadiens et Canadiennes vis-à-vis de la foi, au profit d’une vision plus séculaire de la communauté. Cette vision permet à de multiples façons d’être et points de vue de coexister; elle est à la fois sacrée et séculaire et peut aussi trouver sa place dans les lieux de culte historiques.

Une fois adulte, je suis devenue directrice générale du Trinity-St. Paul’s Centre for Faith, Justice and the Arts dans le centre-ville de Toronto. À la fois centre communautaire, garderie et salle de concert, ce lieu héberge plus de 30 organisations artistiques professionnelles, comme le Tafelmusik Baroque Orchestra. L’année dernière, il a servi de lieu de rencontre à près de 483 groupes communautaires. C’est aussi une église unie. Le Trinity-St. Paul’s Centre for Faith, Justice and the Arts s’inscrit dans un mouvement émergent qui cherche à repenser les lieux de culte au Canada, pour une meilleure inclusion.

Alfred Fry, grand-père de Kendra Fry, officiant lors d’un mariage

Alfred Fry, grand-père de Kendra Fry, officiant lors d’un mariage

Comme je l’ai évoqué, le déclin du christianisme historique a débuté dans les années 1970 et s’est accéléré les décennies suivantes. De nombreuses communautés confessionnelles occupent des édifices anciens très imposants, conçus à une époque où il n’était pas rare qu’une église accueille 1 000 paroissiens le dimanche. Ces communautés sont touchées de plein fouet par la crise liée à la baisse de fréquentation des lieux de culte et à l’avènement du mouvement « Spirituel mais non religieux »,qui est aggravée par la charge que représente l’entretien des bâtiments. Nombre d’entre elles se retrouvent dans des situations critiques, l’Église Unie du Canada enregistrant des taux de fermeture d’une église par semaine. D’après les estimations, 9 000 communautés confessionnelles devraient disparaître au Canada au cours des dix prochaines années.

Puisque j’adhère au mouvement « Spirituel mais non religieux », on pourrait me demander pourquoi j’accorde autant d’importance à ce phénomène. Je considère que mon identité s’articule autour de trois piliers : j’ai été élevée à la campagne, j’ai à cœur de promouvoir les arts et je défends avec ferveur la valeur de la communauté.

À la campagne, dans les petites collectivités, les églises sont souvent le dernier lieu où les gens peuvent se retrouver en dehors de leur domicile et de leur travail, et s’imposent ainsi comme un « troisième espace ». À Kingsbridge (au nord de Goderich), l’église est un véritable lieu de rencontre où l’on joue aux cartes, fait du sport et célèbre les grands événements de la communauté. Quand le diocèse catholique s’est retrouvé dans l’impossibilité de fournir un prêtre à l’église de Kingsbridge, la communauté a racheté le bâtiment, créé une structure sans but lucratif et levé 200 000 $ pour conserver son « troisième espace ». Pour moi, le St. Joseph’s Kingsbridge Community Centre joue un rôle essentiel, car il permet de combattre l’isolement en milieu rural.

Sur les bords du lac Huron, de Kingsbridge à la péninsule de Bruce, des communautés confessionnelles renouent avec la communauté au sens large. La petite église de Leith, près d’Owen Sound, sert de site estival pour les habitants du village qui y organisent des concerts et des mariages. Elle est toujours gérée par l’Église Unie du Canada, mais en collaboration avec un groupe dédié de personnes extérieures à la paroisse, qui veille à ce que chacun puisse profiter du lieu. L’église de Leith me semble essentielle en raison du rôle crucial qu’elle joue dans le domaine des arts et au sein de cette collectivité rurale.

St. Joseph’s Kingsbridge Community Centre (Photo : Kendra Fry)

Dans les villes, je pense que nos églises historiques ont une nouvelle vocation. Récemment, le Trinity-St. Paul’s Centre for Faith, Justice and the Arts a été le théâtre de trois événements très différents au cours d’une même journée : le pique-nique de la garderie, une célébration de l’Aïd accueillant les LGBTQ (diffusée en direct dans le monde entier pour les musulmans progressistes) et l’enterrement de l’un de nos paroissiens bien-aimés. Je suis convaincue qu’il s’agit de l’un des rôles que peuvent assumer les églises chrétiennes modernes, qui se doivent d’être des lieux de vie historiques, des lieux de réflexion et des lieux où les générations se rencontrent. Comme le soulignait Jane Jacobs dans Déclin et survie des grandes villes américaines, « les nouvelles idées ont besoin de vieux bâtiments ». Existe-t-il des bâtiments plus accueillants que nos lieux de culte traditionnels, surmontés de leurs flèches majestueuses?

Qu’advient-il de ces édifices lorsque leurs congrégations vieillissantes ne peuvent plus les prendre en charge? Comment honorer le passé, préserver notre patrimoine et regarder vers le futur? À l’est, à Ottawa, Régénéraction – une collaboration entre La foi et le bien commun et la Fiducie nationale du Canada – s’est associée à l’Université Carleton pour donner une nouvelle vie à la Dominion-Chalmers United Church. L’église continuera d’occuper les locaux, mais sera rejointe par le département de musique de l’Université Carleton, l’orchestre symphonique d’Ottawa, Chamberfest et la bibliothèque publique. C’est l’occasion idéale de jeter des ponts entre les générations, de découvrir de nouveaux points de vue et de s’engager au sein d’une communauté élargie!

Les initiatives similaires se multiplient dans tout le pays. Des structures de gouvernance alternatives génèrent un engagement communautaire plus large (Spire de Sydenham). Des entreprises sociales offrent des emplois valorisants et garantissent la sécurité alimentaire (Paris Presbyterian et Église de Saint-Pacôme). On célèbre les arts et la culture et on commémore les anciens modes de vie ruraux (Indian River Festival et Maison de la Culture Jean-Marc Gendron).

Dans les années 1950, alors que mon grandpère était le dirigeant laïc de l’Église Unie de Tobermory, la paroisse catholique du village a appris qu’elle ne pourrait plus occuper son église. Elle a été invitée à rejoindre temporairement les locaux de l’Église Unie. En 2004, après une longue cohabitation, les deux congrégations ont bâti une nouvelle église commune pour célébrer leur foi. En évoquant une Église plus inclusive, plus ouverte et plus en engagée en faveur de la communauté, je ne peux qu’imaginer mon grand-père me souriant, fier de me voir concrétiser sa vision.