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Hommage à Josiah Henson : présentation du Musée Josiah Henson de l'histoire des Afro-Canadiens

Josiah Henson (Photo : Bibliothèque Schlesinger, Université Harvard)

Revoir le point de vue historique, Le patrimoine Noir

Date de publication : juill. 27, 2022

Photo : Josiah Henson (Photo : Bibliothèque Schlesinger, Université Harvard)

« Je ferai bon usage de ma liberté. » Josiah Henson fit cette promesse au capitaine Burnham qui l’avait aidé, lui et sa famille, dans la dernière partie de leur périple vers le Canada. Et il a tenu sa promesse.

Connaissez-vous l’histoire de Josiah? De nombreux Canadiens et Canadiennes l’ignorent, alors qu’elle mérite d’être connue de tout le monde. Josiah Henson est né esclave en 1789 . En 1830, il s’est enfui du Kentucky avec sa femme Charlotte et leurs quatre enfants, avec lesquels il a parcouru 1 030 km (640 milles) vers le Canada, en quête de liberté. Il a consacré son existence à la colonie Dawn (aujourd’hui devenue ville de Dresden, en Ontario), dont il est le fondateur, pour que les Noirs ayant fui l’esclavage puissent s’y réfugier afin de s’épanouir et d’y construire une vie grâce aux possibilités offertes par la communauté, l’éducation, la terre et l’identité individuelle. Incarnation de la communauté, Josiah Henson était un abolitionniste, un prédicateur et un défenseur des droits. Vous pouvez lire sa biographie ou visiter le Musée Josiah Henson de l'histoire des Afro-Canadiens.

Le site historique de Dresden, qui faisait à l’origine partie de la colonie Dawn, comprend la maison des Henson. Connu sous le nom de la Case de l’oncle Tom depuis 1948, il a été rebaptisé en Site historique de la Case de l’oncle Tom lorsque la Fiducie en a repris la gestion en 2005. En effet, le roman abolitionniste de Harriet Beecher Stowe, La Case de l’oncle Tom, publié en 1852, est étroitement lié à la vie de Josiah Henson. Lorsque la véracité de son roman a été remise en cause par le mouvement des défenseurs de l’esclavage aux États-Unis, l’écrivaine s’est justifiée en insistant sur le fait qu’elle s’était inspirée de la vie de Josiah Henson telle qu’il l’avait décrite dans ses mémoires parues en 1849. C’est ainsi que Josiah Henson est devenu mondialement connu sous le nom d’« oncle Tom ». Malgré la controverse liée au roman, ou peut-être grâce à elle, le livre de Harriet Beecher Stowe a eu un effet durable sur l’histoire américaine, a influencé l’opinion publique sur l’esclavage et certains le considèrent comme l’étincelle ayant déclenché la guerre de Sécession. À la fin de la première année suivant sa parution, il s’est vendu à plus de 300 000 exemplaires rien qu’aux États-Unis, devenant ainsi le plus gros succès de librairie du XIXe siècle. Il a été traduit dans plusieurs dizaines de langues.

Title-page illustration by Hammatt Billings for Uncle Tom's Cabin, by Harriet Beecher Stowe (First Edition: Boston: John P. Jewett and Company, 1852).

Le révérend Josiah Henson était un chef de file remarquable qui incarnait le courage et la persévérance. Après avoir recouvré sa liberté, il a passé sa vie à renforcer sa communauté et à la valoriser. Au risque de perdre sa propre liberté, il a courageusement emprunté le chemin de fer clandestin pour sauver de l’esclavage plus de 100 personnes, et ce, bien avant la parution du roman La Case de l’oncle Tom. Il a publié ses mémoires, qui circulaient secrètement dans les cercles abolitionnistes, et a fait connaître le Canada comme un lieu de refuge sûr pour les Noirs en quête de liberté, et ce, des années avant que le personnage de Tom n’apparaisse sous la plume de la romancière. Il a cofondé le British-American Institute of Science and Industry, une école aux objectifs ambitieux pour les réfugiés de l’esclavage, qui fonctionnait depuis près de 10 ans déjà lorsque Harriet Beecher Stowe s’est attelée à l’écriture de l’histoire de l’oncle Tom. Josiah Henson était une personne remarquable ayant réalisé un nombre impressionnant d’exploits, et tandis que la vie de l’oncle Tom se déroulait sur les pages du roman, le véritable héros menait son existence dans la colonie Dawn. Malheureusement, l’histoire de sa vie et de ses réalisations a été éclipsée par la fiction de La Case de l’oncle Tom. Josiah Henson a exprimé de son vivant le désir de récupérer son nom et son héritage.

Dans son livre La véritable histoire de l’Oncle Tom. Mémoires de Josiah Henson, paru en 1876, il déclarait : « [...] On m’a appelé “oncle Tom”, et c’est un honneur pour moi. Si mon humble récit a pu, d’une manière ou d’une autre, inspirer cette dame talentueuse à écrire une histoire si émouvante que toute la communauté a éprouvé de la peine pour les souffrances du pauvre esclave, je n’aurai pas vécu en vain; car je crois que c’est son livre qui a marqué le début d’un changement menant à un dénouement heureux. C’est la goutte qui a finalement fait déborder ce vase gigantesque avec un fracas épouvantable. » Au cours des dernières années de sa vie, il a fait une tournée en Angleterre et en Écosse, se présentant comme le « véritable oncle Tom ». Cependant, à la fin de son voyage, il a déclaré : « [...] je ne m’appelle pas et ne me suis jamais appelé Tom. [...] Je m’appelle Josiah Henson, c’est mon nom passé, présent et futur... »

Pourquoi le Site historique de la Case de l’oncle Tom change-t-il de nom? Lorsque Harriet Beecher Stowe a écrit La Case de l’oncle Tom, elle a voulu montrer les dures réalités de l’esclavage et a dépeint l’oncle Tom comme un homme de principes qui protégeait les autres esclaves. Mais cette vision a été pervertie par des spectacles de ménestrels racistes anti-Tom, qui ont tourné le personnage au ridicule, ce qui explique pourquoi le terme est aujourd’hui utilisé avec une connotation péjorative.

Father Henson's Story of His Own Life; édition de 1858 de l’autobiographie de Josiah Henson, avant-propos de Harriet Beecher Stowe. (Source : Archives du Musée Josiah Henson de l'histoire des Afro-Canadiens)

Father Henson's Story of His Own Life; édition de 1858 de l’autobiographie de Josiah Henson, avant-propos de Harriet Beecher Stowe. (Source : Archives du Musée Josiah Henson de l'histoire des Afro-Canadiens)

Les mots ont un pouvoir, et le mouvement pro-esclavagiste a fini par déformer le personnage de Harriet Beecher Stowe avec les spectacles de ménestrels qui dévalorisaient Tom en le faisant passer pour un être soumis, un faible, un « traître ». Cette image s’est imposée, favorisée par le théâtre, la publicité et le cinéma hollywoodien, de sorte qu’aujourd’hui encore, le terme « oncle Tom » est employé de façon méprisante. C’est la raison pour laquelle la Fiducie travaille depuis plusieurs années sur le changement de nom du site. Les mots ont effectivement un pouvoir, et nous ne voulons pas que le nom du site soit blessant ou constitue un obstacle à la visite ou à l’éducation. Tout en déconstruisant le mythe de l’« oncle Tom », nous allons l’utiliser comme outil pédagogique pour parler du racisme anti-Noirs et des défis auxquels les Noirs sont confrontés encore aujourd’hui. Nous tenons à présenter nos excuses pour toute offense commise ou tout préjudice causé en conservant ce nom.

Nous réhabilitons le nom de Josiah Henson afin de rendre hommage à la détermination, à la force, à l’humanité et à la résilience de cet homme.

Cette question s’inscrit dans une discussion plus large sur la façon dont nous abordons et enrichissons le récit historique. Notre connaissance du patrimoine de l’Ontario s’approfondit grâce à de nouvelles recherches, notamment en ce qui concerne l’évolution de la terminologie et la valorisation de points de vue qui ont été négligés ou écartés dans le passé. Nous prêtons une attention toute particulière aux éléments de langage que nous utilisons dans notre travail. Un examen détaillé de nos propriétés et de nos plaques provinciales a confirmé qu’un certain nombre d’entre elles présentaient un contenu obsolète, incomplet ou inexact, en adoptant une vision coloniale avec un langage inapproprié et en excluant des pans entiers de notre histoire. Nous sommes particulièrement attentifs aux sujets qui se trouvent au cœur de nos récits historiques, que ce soient les Premières Nations, les Noirs, les personnes qui revendiquent leur identité de genre, les personnes défavorisées, et tant d’autres encore, dont les histoires ont été négligées ou intentionnellement passées sous silence dans le discours officiel. Beaucoup de travail reste à faire pour que les histoires de l’Ontario soient narrées d’une manière équitable et honnête.

Nous avons récemment réexaminé quatre plaques sur l’histoire des Noirs, créées au début du mandat de la Fiducie. En collaboration avec des historiens et afin de recréer les plaques, nous avons mis à jour les études existantes en approfondissant les faits qui se sont réellement produits. Pour en savoir plus à ce sujet, cliquez ici. Nous effectuons un travail similaire pour l’ensemble de nos programmes publics, nos sites et nos collections, en vérifiant les faits et en choisissant avec soin les mots pour en parler.

Ainsi, le Jour de l’émancipation 2022, nous avons dévoilé le nouveau nom du site. C’est un nouveau nom pour une vision bien plus large : le Musée Josiah Henson de l'histoire des Afro-Canadiens. Inspirons-nous de l’exemple de Josiah et faisons bon usage de notre liberté.

L’avenue Uncle Tom’s Road à Dresden a récemment été rebaptisée en chemin de la liberté (Freedom Road) en mémoire de Josiah Henson. Steven Cook nous fait part de ses réflexions sur le changement des deux toponymes, de l’avenue et du musée dédié à Josiah Henson.

Dévoilement du nouveau nom du Musée Josiah Henson de l'histoire des Afro-Canadiens le 30 juillet 2022.

Dévoilement du nouveau nom du Musée Josiah Henson de l'histoire des Afro-Canadiens le 30 juillet 2022.