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Sculpter le passé
Ma famille et moi avons vécu sur une ferme aux Pays-Bas durant la Seconde Guerre mondiale. Mon père était un inventeur et un forgeron. Les matériaux ne manquaient pas autour de l’atelier. Il y avait, entre autres, des outils d’agriculture forgés à la main, datant des XVIe et XVIIe siècles. Enfant, j’étais déjà fasciné par les formes métalliques; je confectionnais des jouets pour mes amis et moi.
J’ai appris à travailler le métal auprès de mon père. Alors que, haut comme trois pommes, je tournais la manivelle pour activer le feu de la forge, mon père m’a dit : « Si tu aimes ça, regarde-moi faire tout simplement. » C’est ce que j’ai fait. J’ai porté attention à chacun de ses mouvements.
Au début des années 1950, ma famille a émigré au Canada, où nous avons poursuivi la culture de la terre. J’ai aussitôt été attiré par la variété et la qualité de la machinerie agricole artisanale, et j’ai ainsi continué de travailler le métal. Au début des années 1960, mes créations à partir de métal trouvé ont été reconnues comme des sculptures porteuses d’une signification culturelle. Depuis, j’ai créé plusieurs milliers de sculptures métalliques de diverses grandeurs et aux thèmes variés que j’ai présentées dans de nombreuses expositions.
Je me lève tôt et je me mets au travail. Je m’acquitte de mes tâches, puis je me rends dans mon atelier. Quand on a été élevé sur une ferme, on n’a pas le choix de se lever tôt : il faut s’occuper des animaux. On doit y consacrer beaucoup d’heures. Aussi, je n’ai pas perdu cette habitude ancrée dans l’enfance. J’aime ce rythme de vie. Il faut faire attention aux choses, les entretenir pour les conserver.
Je possède l’enclume de mon frère. C’est rare de trouver une enclume comme celle-ci avec un anneau. Parfois, quand j’entre dans l’atelier et qu’il m’arrive de ne pas avoir envie de sculpter ou que je ne sais pas trop quoi créer, je frappe l’enclume. Le son que cela produit me met dans le ton. Je passe ensuite à la sculpture. Parfois, il faut user de ruse pour se mettre à la tâche.
J’ai toujours des visiteurs. Je leur montre différentes choses. Ils peuvent avoir du mal à souder les éléments. Comme je suis assez bon en soudure, je leur apprends comment faire. Parfois, nous passons une demi-journée, voire une journée entière à revoir certaines techniques : comment river les éléments ensemble, comment les souder ou les façonner selon le cas. Je peux alors plier le métal, lui donner différentes formes, et cela donne des idées aux gens qui me regardent. Puis, je les laisse expérimenter et je les conseille pendant qu’ils travaillent le métal. C’est ainsi qu’ils apprennent sur le tas. Ils sont toujours très contents et me demandent toujours : « Est-ce que je peux revenir pour une autre séance? » Je leur réponds : « Bien sûr! N’importe quand. Je me réserverai du temps pour vous. »
Extrait d’une entrevue de 2017.