Partager:

Le vaudeville à nouveau sous les feux de la rampe

LC Simmons portant un maquillage grotesque, v. 1910

Par

Jim Leonard

Les arts et la créativité

Date de publication :06 sept. 2013

L’époque du vaudeville constitue l’un des chapitres les plus remarquables de l’histoire du théâtre et de la représentation. Le vaudeville est un genre éblouissant et haut en couleur de spectacle sur scène qui a connu son apogée au tournant du siècle dernier, pour finir par être supplanté par la radio et le cinéma. Le vaudeville était populaire dans toute l’Amérique du Nord, les troupes de comédiens, de danseurs, d’acrobates et de musiciens voyageant partout où ils étaient susceptibles de décrocher des engagements.

L’Ontario possédait son propre vivier de talentueux artistes de vaudeville qui sillonnaient le continent. Ils ont beau avoir été quasiment oubliés de nos jours, nombre d’entre eux n’en étaient pas moins extrêmement doués et divertissaient des auditoires reconnaissants durant les beaux jours du vaudeville.

Rares sont les documents historiques sur l’héritage du vaudeville en Ontario, mais ceux qui subsistent sont captivants. Citons par exemple une série d’environ 70 images photographiques remarquables, prises sur des négatifs sur plaque de verre en 1910 par le Roy Studio à Peterborough. Simplement connues sous le nom de « Vaudeville Series » (Série sur le vaudeville), ces photos immortalisent différentes compagnies itinérantes, y compris peut-être la plus connue au Canada, la Marks Brothers Dramatic Company, que l’on surnommait « The Canadian Kings of Repertoire » (Les rois canadiens du répertoire).

La Marks Brothers Dramatic Company est fondée dans les années 1870 à Christie Lake, une petite ville près de Perth, en Ontario. Réputée pour sa scénographie somptueuse et élégante et ses représentations flamboyantes, elle se produit pendant près de 50 ans, ravissant les auditoires de toute l’Amérique du Nord. Une rétrospective du magazine Maclean’s rédigée en 1958 la qualifiera de « plus remarquable famille de comédiens de l’histoire canadienne. » Mais avec le déclin du vaudeville, la compagnie itinérante des Marks Brothers met la clé sous la porte en 1920.

En 1910, la troupe des Marks Brothers arrive à Peterborough, en Ontario, pour une série de spectacles dans un théâtre local. Les circonstances de la collaboration entre les acteurs de la Marks et le Roy Studio sont incertaines, mais le propriétaire du studio, Fred Roy, a l’œil vif et perspicace pour ce qui est de dénicher des sujets spectaculaires et visuellement dignes d’intérêt.

Le Roy Studio, ouvert en 1896, est une autre entreprise familiale ayant vu des générations se succéder. Le studio, réputé pour son exceptionnel talent pour le portrait, les cartes postales et le photojournalisme, a été exploité des années 1890 jusqu’en 1992 et a amassé un total ahurissant de 300 000 négatifs sur plaque de verre et film.

En 2000, la collection entière, qui capture pratiquement le moindre aspect de la vie quotidienne dans une petite collectivité ontarienne, est acquise par la ville de Peterborough grâce à un généreux don de Jim Balsillie, cofondateur de Research in Motion (les fabricants du BlackBerry) et ancien résident de Peterborough.

Le Musée et archives de Peterborough, après avoir fait l’acquisition de cette collection d’importance nationale, initie un projet visant à la transférer du sous-sol du studio vers une installation de stockage construite tout spécialement au sein de la bibliothèque publique locale. Un plan de gestion des collections mettant l’accent sur la conservation et la documentation est élaboré, et les plaques sont examinées, nettoyées et stabilisées. Leur numérisation est une autre tâche essentielle, dans la mesure où l’intérêt du public pour les images est immense.

La Série sur le vaudeville a attiré l’attention du public bien avant que l’acquisition de la collection du Roy Studio soit finalisée. Certaines des images de la série avaient fait surface au fil des ans, mais c’est seulement suite à leur acquisition publique que la portée des photos a pu être révélée dans toute son ampleur. Les négatifs sur plaque de verre produisent des images d’une clarté et d’une netteté peu communes. Certains des négatifs, du fait de leurs impressionnantes dimensions de 16 pouces sur 20 (41 x 51 cm), présentent des détails encore plus nets.

Nombre de ces négatifs n’avaient jamais été contemplés depuis leur création en 1910. Ils montrent des comédiens entièrement costumés. Si certains sont des portraits classiques, la plupart représentent des membres de la troupe dans des poses théâtrales, probablement tels qu’ils auraient paru sur scène. On voit également des artistes fixer l’objectif, arborant un maquillage comique ou grotesque.

Heureusement, le Roy Studio avait adopté dès le départ un solide système d’archivage. Tous ses négatifs étaient systématiquement glissés dans des pochettes, sur lesquelles les photographes griffonnaient des renseignements sur le sujet ainsi que les dates clés et d’autres détails pertinents.

Peu de temps après que le Musée et archives de Peterborough en a assuré la propriété publique, il devient évident que cette série vaudevillesque visuellement saisissante pourrait faire l’objet d’une exposition itinérante. Le financement est obtenu auprès du ministère du Patrimoine canadien. En août 2005, le musée inaugure « Voices of the Town: Vaudeville in Canada » (Les voix de la ville : le vaudeville au Canada), qui s’intéresse à la remarquable histoire du vaudeville en faisant appel aux images du Roy Studio.

L’exposition sillonne le pays et tourne toujours actuellement, ce qui témoigne du charme du vaudeville, de la qualité des images du Roy Studio et de l’expertise en matière de conservation du Musée et archives de Peterborough. Le vaudeville n’est peut-être aujourd’hui qu’un lointain souvenir, mais au moins ce trésor d’archives subsiste et les renseignements historiques qu’il renferme peuvent être dévoilés et partagés. [Toutes les images : Collection Balsillie des images du Roy Studio, Musée et archives de Peterborough.]

Mabel Grace Marintha « Gracie » Marks (à gauche), la femme de Marks, et Katherine « Kitty » Marks, la femme d’Ernie Marks. Gracie et Kitty étaient connues pour leur propre spectacle.

Photo: Mabel Grace Marintha « Gracie » Marks (à gauche), la femme de Marks, et Katherine « Kitty » Marks, la femme d’Ernie Marks. Gracie et Kitty étaient connues pour leur propre spectacle.

Lyons et Byron, en tournée avec une des troupes des Marks Brother pendant au moins une saison.

Photo: Lyons et Byron, en tournée avec une des troupes des Marks Brother pendant au moins une saison.