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Drôles de murs

Mur après mur, four après four, on trouve des milliers de graffitis artistiques de types, styles et techniques différents à Evergreen Brick Works, certains datant du début des années 1980 (Photo : Michelle Scrivener)

"Graffitis contre Conservation : Normalement, les graffitis ne sont pas les bienvenus sur les bâtiments patrimoniaux et leur présence y est découragée. Ils peuvent influer de façon négative sur l’interprétation des lieux, accélérer leur détérioration et encourager le vandalisme. Les méthodes d’élimination des graffitis peuvent également endommager considérablement le fini et les matériaux. Dans de rares cas, lorsque les graffitis peuvent revêtir eux-mêmes une importance patrimoniale, on peut les préserver pour des raisons artistiques, culturelles et historiques, et aux fins d’interprétation. Sur les murs en brique extrêmement texturée des Don Valley Brickworks, les graffitis ne peuvent pas être effacés de façon sécuritaire et environnementale sans détruire la structure des bâtiments."

Par

Bruce Beaton

Les bâtiments et l'architecture, Les arts et la créativité

Date de publication :15 févr. 2013

Photo : Mur après mur, four après four, on trouve des milliers de graffitis artistiques de types, styles et techniques différents à Evergreen Brick Works, certains datant du début des années 1980 (Photo : Michelle Scrivener)

L’art de conter des histoires puise son inspiration à de nombreuses sources. Traditionnellement, les musées tissent une narration à partir d’objets réels : un vase, un manteau, un bâtiment ou un lieu historique. À l’Evergreen Brick Works, centre communautaire environnemental niché au cœur de la Vallée de la rivière Don, à Toronto, certains des graffitis artistiques et culturellement significatifs contribuent à raconter les histoires tirées du passé culturel du site. Il est écrit sur les murs, les plafonds et les toits de cette ancienne briqueterie.

Fondée en 1889, la société Don Valley Brick Works produit alors plus de 43 millions de briques par an, contribuant à refaçonner la silhouette de Toronto après le grand incendie de 1904. Au début des années 1980, les fours existants, construits en 1957, ont besoin d’être mis à niveau, mais les ressources naturelles nécessaires à la production de briques sont toutes épuisées. L’usine ferme en 1984 et est laissée à l’abandon pendant près de 20 ans, devenant un terrain de jeu pour explorateurs urbains, fêtards, raveurs et photographes. Les bâtiments désaffectés servent aussi de toile vierge pour les graffitistes locaux et étrangers, qui laissent des milliers d’œuvres de types, styles et techniques différents sur les murs décrépits, où tout le monde peut les admirer.

Evergreen, organisation caritative nationale qui rend les villes plus agréables à vivre, se lance dans des travaux de revitalisation du site de Don Valley Brick Works en 2008, transformant le complexe industriel de 4,9 hectares (12 acres) et ses bâtiments postindustriels en ruine pour donner naissance à Evergreen Brick Works, un espace public dynamique et une vitrine dédiée à l’écoconception et à la durabilité urbaine.

Assujetti à une servitude protectrice détenue par la Fiducie du patrimoine ontarien, le site abrite des milliers d’objets dans divers états de préservation : fours, presses à briques, poulies, trémies, bacs de stockage et transporteurs, aussi bien que tableaux horaires d’ouvriers en italien et autres souvenirs du passé de l’érection de notre ville.

Lorsqu’Evergreen entame les travaux, la conservation intégrée, soit l’adaptation des anciennes structures à de nouveaux usages, est l’un des principes centraux du plan de réaménagement. Aujourd’hui, les bâtiments et artéfacts patrimoniaux ont en grande partie été préservés, les premiers ayant été remodelés pour des utilisations nouvelles tandis que les seconds ont été archivés et entreposés. D’autres éléments ont été laissés tels quels, comme les innombrables exemples artistiques de graffitis jonchant le site. Ces graffitis ayant une signification culturelle dans la mesure où ils constituent un pan de l’histoire du site, ils bénéficient d’une servitude protectrice.

Au printemps 2013, Evergreen va lancer Graffiti Works: 1989-2008. Créée en coopération avec le programme de maîtrise en études muséales de l’Université de Toronto, cette exposition racontera l’histoire des années perdues du site par le biais d’une visite non guidée proposant une découverte à pied des graffitis ornant les lieux, ainsi que d’une séquence vidéo montrant des artistes locaux débattant de l’importance de ces chefs-d’œuvre urbains.

L’histoire de Don Valley Brick Works transparaît de manière perceptible lorsqu’on observe la silhouette de Toronto; mais une autre histoire se dévoile sous la forme de couleurs et d’images criardes sur les murs industriels du site. À présent, un nouveau chapitre s’écrit avec Evergreen Brick Works, un chapitre qui s’intéresse à la viabilité écologique urbaine et à un avenir plus vert, tout en rendant hommage à notre passé culturel récent.