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Le monde selon Homer

The Pioneer Mill, 1880, Homer Watson, huile sur toile, 86 x 127 cm, collection royale (Photo : Royal Collection Trust/© S. M. la reine Élisabeth II 2012)

Photo : The Pioneer Mill, 1880, Homer Watson, huile sur toile, 86 x 127 cm, collection royale (Photo : Royal Collection Trust/© S. M. la reine Élisabeth II 2012)

Homer Watson, de la collection de la maison-musée Homer Watson

Photo : Homer Watson, de la collection de la maison-musée Homer Watson

Par

Faith Hieblinger

Les arts et la créativité

Published Date: févr. 15, 2013

Selon le journal local, « dans ce nouveau monde, les bons peintres sont moins nombreux que dans les vieux pays, mais on peut dire d’Homer Watson qu’il a mérité, pour sa terre natale, la distinction et les honneurs des cercles artistiques reconnus dans le monde entier ».

Né dans la pauvreté, dans le petit village de Doon dans le Sud de l’Ontario, Homer Randsford Watson (1855-1936) connaît un début de vie difficile. Après la mort de son père emporté par le typhus, sa mère s’efforce d’élever ses cinq jeunes enfants et d’entretenir le vieux moulin. La scolarité de Watson est marquée par ses griffonnages et ses dessins. Puis il quitte l’école à l’âge de 11 ans pour travailler dans des moulins locaux avec son frère aîné Jude. Watson et son frère ont de brefs moments de répit, qu’ils passent à explorer les forêts et les rivières aux alentours du village. Puis survient une nouvelle tragédie : Watson est témoin de la mort violente de son frère Jude au cours d’un accident dans un moulin.

Homer Watson passe de moins en moins de temps à la maison et préfère parcourir la campagne et peindre. À 17 ans, il se rend à Toronto où son histoire d’amour avec la peinture se renforce et son rêve de devenir artiste se cristallise. Watson est pourtant incité à « abandonner l’idée ridicule de faire de l’art » et à « aller travailler au bureau pour devenir homme d’affaires ». À 25 ans, cependant, Watson participe à l’exposition de l’Académie royale des arts organisée à l’Hôtel Clarendon d’Ottawa. Son tableau intitulé The Pioneer Mill (1880) est acheté par le marquis de Lorne, le quatrième gouverneur général du Canada, qui en fait cadeau à sa belle-mère, la reine Victoria. Il reste aujourd’hui accroché au château de Windsor. Cet événement fait non seulement entrer Watson dans l’histoire comme précurseur des arts au Canada; il est également le premier témoignage de la relation du peintre avec la terre de l’Ontario au tournant du siècle dernier.

L’œuvre de Watson représente des scènes pastorales inspirées des paysages spectaculaires qui entouraient sa maison : un ciel couvert et orageux, souvent un voyageur solitaire, un bûcheron ou un fermier lancé dans une danse sans fin avec la nature. Mélangeant le drame de la nature et l’idée répandue que le Canada était un monde nouveau, intact et vertueux, Watson crée une vision romantique du Sud de l’Ontario. Il laisse de côté les couleurs éclatantes et les formes stylisées privilégiées par ses successeurs, le Groupe des sept, et préfère l’observation studieuse des forêts, des prés, des rivières et du ciel agrémentés d’un moulin ou d’une maison de campagne. Il illustre le paysage rural typique du XIXe siècle, recueillant les éléments visuels de l’environnement qu’il peint aussi poétiquement que scientifiquement.

Lorsqu’Homer Watson meurt en 1936, le premier ministre Mackenzie King rappelle qu’il était une belle âme et écrit dans son journal : « c’était un homme que j’aimais véritablement, un gentleman et un grand artiste, son décès marque la fin d’une époque ».