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Patrimoine immatériel – comprendre les rythmes de la vie

Sandokwa exécutant la danse de l’amitié huronne-wendat à l’occasion d’un événement commémorant l’héritage de Champlain, juin 2016. (Photo : CNW/Stephan Potopnyk)

Photo : Sandokwa exécutant la danse de l’amitié huronne-wendat à l’occasion d’un événement commémorant l’héritage de Champlain, juin 2016. (Photo : CNW/Stephan Potopnyk)

Par

Beth Hanna

Le patrimoine immatériel

Published Date: sept. 08, 2017

Les paysages et les immeubles, les oeuvres d’art, les sculptures et les objets créés par les humains au fil des millénaires, voilà notre patrimoine culturel, qui se laisse appréhender facilement. Nous pouvons voir ces oeuvres, évaluer à quelle époque elles ont été créées, les mesurer et les toucher. Le patrimoine immatériel est plus abstrait. Il est évanescent et difficile à saisir; il est plus facile de passer à côté parce qu’il fait partie de la trame de nos vies de tous les jours. Tout comme la culture elle-même, ce patrimoine ne vit qu’en nous et il évolue selon l’interprétation de chaque génération. Et lorsqu’il s’entremêle avec le patrimoine d’autres cultures, une expression naît – typiquement ontarienne. Même s’il en devient ainsi vivant et dynamique, il est par nature vulnérable – il est plus fragile, plus difficile à cerner et à protéger.

L’UNESCO définit ainsi le patrimoine immatériel : « Les traditions ou les expressions vivantes héritées de nos ancêtres et transmises à nos descendants, comme les traditions orales, les arts du spectacle, les pratiques sociales, rituels et événements festifs, les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers ou les connaissances et le savoir-faire nécessaires à l’artisanat traditionnel. » L’importance de ce patrimoine repose sur la capacité de transmettre les connaissances et l’information à l’intérieur de ce groupe identitaire et entre cultures. Est-ce que les traditions de notre histoire orale ou nos histoires communautaires sont noyées par la culture populaire ou la culture dominante? Ou plutôt, ces multiples et diverses traditions et histoires façonnentelles et éclairent-elles la culture populaire? Comment pouvons-nous les protéger?

En y réfléchissant…

Danseur de lion chinois (Photo : Mike Chan)

Avez-vous déjà fait l’expérience des traditions de mascarade du carnaval caribéen de Toronto, des concours de danse du pow-wow de Curve Lake, des orchestres groupés des Jeux des Highlands de Glengarry ou d’une célébration du Jour de l’émancipation à Dresden ou à Owen Sound? Entendez-vous la musique, le rythme des tambours? Y a-t-il des mets spéciaux revêtant une signification particulière ou servis lors de certains événements ou occasions mémorables? La musique, la danse, le théâtre, les contes et la cuisine font tous partie de ces célébrations – certaines divertissantes, mais aussi destinées à porter l’histoire, la langue et l’identité d’une génération à la suivante. En fait, toutes les formes de communication humaine contribuent au patrimoine immatériel.

De quelle façon les connaissances et traditions, les créations artistiques et les techniques se transmettent-elles dans votre famille ou votre collectivité? Est-ce que vous vous assoyez au pied de vos anciens, parcourez la terre ensemble, écoutez les grands-parents, parlez avec les détenteurs du savoir? Les histoires ont peut-être été portées dans les livres, les musées et les archives ou peut-être sont-elles détenues dans la mémoire de ceux qui sont choisis pour les transmettre.

La technologie numérique peut offrir des moyens de communiquer et de sauvegarder le patrimoine immatériel à l’avenir, mais elle est trop fragile et trop changeante. Transportez-vous l’histoire de votre vie sur votre mobile, et vos photographies et vos lettres avec des êtres chers sont-elles stockées dans le nuage?

Peut-être que votre résidence ou un objet que vous chérissez a été réalisé à la main par des méthodes transmises de génération en génération. L’objet lui-même est une reproduction concrète de la technique ou de la forme artistique traditionnelle à l’origine de sa création, ainsi que de la créativité de la personne qui l’a réalisé.

Y a-t-il des compétences ou arts traditionnels balayés par la vitesse et l’économie des produits jetables et de la production de masse? De quelle façon les jeunes apprennent-ils à connaître les arcanes du travail manuel et des arts traditionnels? Nous ne pouvons conserver une bonne part de notre patrimoine concret sans également préserver les connaissances et les techniques traditionnelles qui ont procédé à sa création. Ces techniques transportent avec elles la sagesse intrinsèque nécessaire à la survie de l’être humain, actuellement et à l’avenir.

Il existe des rituels et des cérémonies où l’on transmet les histoires – et peut-être la foi – d’une collectivité. Les rythmes de la vie, les motifs qui organisent nos vies, sont-ils régis par des liens avec la terre, les semis, la croissance et la récolte des cultures, par les rites sacrés, les profils migratoires saisonniers ou les saisons? Nous vous invitons à réfléchir à la façon dont ces phénomènes peuvent influer sur votre vie, peut-être même sans que vous vous en rendiez compte.

Le patrimoine immatériel peut éclairer notre approche à l’égard de l’environnement. La Première Nation de Walpole Island prend soin du territoire bkejwanong depuis des générations selon une approche écologique traditionnelle et durable pour la protection de la terre et de l’eau. Vue aérienne du territoire de la Première Nation de Walpole Island montrant les prairies des Pottawatomis en 2004.

Le patrimoine immatériel peut éclairer notre approche à l’égard de l’environnement. La Première Nation de Walpole Island prend soin du territoire bkejwanong depuis des générations selon une approche écologique traditionnelle et durable pour la protection de la terre et de l’eau. Vue aérienne du territoire de la Première Nation de Walpole Island montrant les prairies des Pottawatomis en 2004.

Nous parlons souvent du « caractère » d’un quartier. Au-delà de l’architecture, cela s’étend aux personnes, et aux activités et aux histoires qui les définissent – à l’expérience qu’elles ont vécue. Négliger ou ignorer ces éléments peut avoir des répercussions destructrices et, pour ainsi dire, laisser l’édifice s’effondrer et disparaître. À titre d’exemple, le marché Kensington de Toronto a été désigné lieu historique national du Canada en 2005, en partie pour souligner son rôle de « microcosme de la mosaïque ethnique du Canada, où de nombreuses communautés ethnoculturelles, à la recherche d’une habitation abordable, sont venues chacune ajouter une strate à la diversité culturelle du marché, assurer la continuité d’un marché dynamique aux multiples couleurs culturelles et contribuer à la vie trépidante du quartier ».

Le sport fait également partie de notre vécu – techniques et traditions sont transmises d’une génération à l’autre. Combien d’entre nous ont appris à patiner sur une glace dans la cour arrière, à jouer au basketball dans l’entrée de voiture et à échanger des cartes de baseball? Combien d’entre nous ont adoré suspendre dans leur armoire des chandails de sport? Nous célébrons nos héros sportifs et lorsque viennent en Ontario les Jeux panaméricains, les Jeux autochtones et les Jeux Invictus, nous y sommes en nombre pour appuyer nos athlètes.

La musique est également un vecteur important du patrimoine immatériel. La collectivité noire transmet depuis longtemps des histoires d’espoir et de foi par la musique. Utilisés pour indiquer l’itinéraire du chemin de fer clandestin, le gospel a permis l’expression de luttes pour la liberté, et des pièces du répertoire folklorique ont joué un rôle essentiel dans les mouvements en faveur des droits civils. Ces chansons, transmises désormais entre générations, continuent d’édifier l’unité et d’inspirer.

Chaque année, le 1er août, nous soulignons le Jour de l’émancipation pour commémorer l’abolition de l’esclavage dans l’ensemble de l’Empire britannique en 1834. Les journées commémoratives et festivals de ce genre nous relient à notre patrimoine immatériel, célébrant les traditions de danse, de musique, de chansons et de contes, et favorisant le rassemblement communautaire en différents lieux. Les enfants et les jeunes participent à des concours pour être récompensés, reconnus. Le Franco-Festival de Thunder Bay, le festival du canot de Temagami (Temagami Canoe Festival), les célébrations musulmanes de l’Eid, le pow-wow de Nawash, la foire Royal Winter, le Festival des courses de bateaux-dragons, l’Oktoberfest de Kitchener et tant d’autres festivités transmettent et transportent les expressions d’identité culturelle, et les communiquent à un public plus large. Le public assiste en nombre important à ces manifestations pour découvrir les communautés du territoire et la mosaïque culturelle que le Canada est aujourd’hui.

Et que dire de la langue, essentielle en raison de sa capacité de relater l’histoire, de raconter, de distinguer les perceptions du monde et les valeurs communes. Si vous perdez la langue, vous perdez l’identité. La langue doit, pour être préservée, être transmise d’une génération à l’autre et être parlée chaque jour. Lorsque nous communiquons des idées en 140 caractères et par des « émoticônes », en quoi cela affecte-t-il le sens? Cela nous rassemble-t-il en franchissant les barrières traditionnelles des langues ou, au contraire, nous isole-t-il et nous éloigne-t-il?

Tout récemment, le rôle prépondérant de la langue pour véhiculer des traditions et l’identité culturelle a été souligné par les travaux de la Commission de vérité et de réconciliation, qui fait ressortir le grave risque d’extinction de bon nombre des 90 langues autochtones qui ont survécu au Canada. La Commission nous met en garde : « Si la préservation des langues autochtones ne devient pas une priorité à la fois pour les gouvernements et pour les communautés autochtones, ce que les pensionnats indiens n’ont pas réussi à accomplir se produira malgré tout sous l’effet d’un processus de négligence systématique. »

Des établissements comme l’École polytechnique des Six Nations, le Collège Algonquin et la Willowbank School for Restoration Arts se distinguent par leurs programmes, importants, axés sur les savoir-faire traditionnels et leurs offres d’apprentissage et de mentorat. L’expédition en canoë de la Nation métisse de l’Ontario, le programme Hodinohso:ni Ambassadeur de l’École polytechnique Six Nations, le projet des aînés de la Première Nation crie de la Moose, enseignent tous aux jeunes meneurs, chacun à sa manière, d’être les défenseurs de leur patrimoine culturel. L’immatérialité de notre culture s’exprime là où s’entremêlent les divers tissus de notre patrimoine vivant. Tous sont essentiels pour comprendre qui nous sommes, nos liens avec la terre qui nous entoure et notre place dans l’univers.

En lisant les articles qui suivent, je vous invite à réfléchir à votre propre vie et à celle de votre famille, de votre collectivité. De quelle façon votre patrimoine est-il transmis pour former et éclairer la nouvelle génération? L’identité et les expressions culturelles immatérielles qui vous semblent importantes sont-elles protégées, reflétées dans la société, liées de façon essentielle aux lieux signifiants de votre vie? Dans le cas contraire, qu’est-ce que l’avenir vous réserve?

Marché de Kingston (Photo : © 2017 Société du Partenariat ontarien de marketing touristique)

Photo: Marché de Kingston (Photo : © 2017 Société du Partenariat ontarien de marketing touristique)

Bonbons au sucre d'érable (Photo : © 2017 Société du Partenariat ontarien de marketing touristique)

Photo: Bonbons au sucre d'érable (Photo : © 2017 Société du Partenariat ontarien de marketing touristique)

Danseuse caribana (Photo : © 2017 Société du Partenariat ontarien de marketing touristique)

Photo: Danseuse caribana (Photo : © 2017 Société du Partenariat ontarien de marketing touristique)

Construire un canot (Photo : © 2017 Société du Partenariat ontarien de marketing touristique)

Photo: Construire un canot (Photo : © 2017 Société du Partenariat ontarien de marketing touristique)