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Hommage à Dudley Laws
En février 2011, Dudley Laws quitte l’hôpital contre avis médical afin d’honorer sa promesse faite aux détenus de l’Établissement Joyceville à Kingston (Ontario) de participer aux célébrations du Mois de l’histoire de Noirs. Le mois suivant, le soir du 23 mars, Laws convoque un petit noyau d’activistes de la communauté, essentiellement du Black Action Defense Committee (BADC), pour une réunion d’urgence à son chevet, à l’hôpital.
Bien qu’il soit alors en phase terminale, Laws continue d’aborder les points de l’ordre du jour qu’il juge non résolus. Ces deux exemples ont valeur de testament, et lui conviennent parfaitement en ce qu’ils témoignent du dévouement, de l’engagement inébranlable et de la discipline de fer qu’il a mis au service des populations africaines pendant plus de 50 ans, du Royaume-Uni au Canada. Il est évident pour toutes les personnes présentes ce 23 mars qu’après avoir reçu la garantie que l’action serait poursuivie après lui, Laws a pu lâcher prise physiquement et mourir quatre heures plus tard, laissant un vide béant au sein la communauté noire.
Qui donc était Dudley Laws? D’un point de vue pratique, c’était un soudeur d’extraction modeste, fils d’Ezekiel et Agatha Laws, originaires de la paroisse de Saint Thomas en Jamaïque. Il est né au même endroit que Paul Bogle, le diacre baptiste et héros national qui a bravement mené la marche des esclaves affranchis sur Spanish Town en 1865 afin d’exprimer leur mécontentement vis-à-vis des injustices coloniales.
Toute tentative d’écrire l’histoire de Dudley ramène à l’histoire du BADC. Même si Laws en était le chef de file charismatique et courageux, le BADC a toujours compté des membres progressistes de la communauté afro-canadienne représentant toutes les générations, nationalités, classes et sexes. Ces éléments contribuèrent à façonner le legs de Dudley Law, en appliquant le concept de la famille élargie.
On croit souvent à tort que Laws et le BADC visaient particulièrement les problèmes du racisme ciblant les Noirs. Une observation précise de l’histoire révèle toutefois l’existence de diverses campagnes communes avec les communautés sud-asiatique, sikh et philippine, avec l’Ontario Coalition Against Poverty, la Toronto Coalition Against Racism, les Premières nations et pour la défense de nombreuses victimes non noires d’actions policières. Ainsi, Dudley Laws appliquait la célèbre déclaration politique de Martin Luther King Jr. : « Une injustice commise quelque part est une menace pour la justice dans le monde entier ».
Laws excellait à saisir le pouls de la communauté et savait être pragmatique dans son approche des innombrables problèmes auxquels étaient confrontés les Noirs. Il se rendait compte que les temps avaient changé, à l’instar des dynamiques de la communauté, et était prêt à travailler avec de nouvelles idées, des personnes différentes et des méthodes inédites. Ouvert, il pouvait collaborer avec toutes sortes de gens, quel que soit leur âge, leur idéologie, leur dogme ou leur origine culturelle, tant qu’ils oeuvraient sincèrement pour défendre les aspirations des opprimés.
Il importe également de noter que Dudley Laws ne saurait être défini uniquement par son engagement politique. Défenseur de la culture, il était féru de chanson, de poésie et de danse et pouvait chantonner sur les airs de Louis Armstrong ou Nat King Cole. Il était aussi capable de rivaliser avec d’autres esprits universels comme Milton Blake ou Colin Kerr et de réciter de la littérature ou de la poésie classique de mémoire. Sur la piste de danse, on pouvait le voir affronter son meilleur ami Hewitt Loague pour déterminer qui avait le plus d’aisance et de légèreté, lors de douces soirées rythmées par la musique « soul ». En outre, auprès du regretté Jack Johnson, il a joué un rôle important pour préserver la vivacité de la tradition orale et sociale de la veillée funèbre. Présente en Afrique et dans les Caraïbes, cette veillée est une pratique importante contribuant au deuil collectif après la perte d’êtres chers, en célébrant la vie, la communauté et la culture à travers le rituel, la nourriture, la boisson et le chant.
Mais du bilan de Dudley Laws et du BADC, on retient les succès et le rôle dans certaines réformes significatives de l’action publique, les lois anti-racisme et la surveillance des services de police par les civils. Plus importantes encore sont les valeurs léguées aux Afro-Canadiens : le courage et la conviction que l’action et le militantisme apportent les changements nécessaires pour l’égalité des droits et la justice. C’est avec cette foi qu’il y a 150 ans, les hommes et les femmes opprimés de Morant Bay, lieu de naissance de Dudley Laws, se sont soulevés pour infléchir durablement le cours de l’histoire.