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Comprendre les systèmes agricoles autochtones

Ken’niiohontéhsa (fraises) (Photographie : Ryan DeCaire, Wáhta Mohawk Territory)

Photo : Ken’niiohontéhsa (fraises) (Photographie : Ryan DeCaire, Wáhta Mohawk Territory)

Par

Ryan DeCaire

Le patrimoine autochtone, L'alimentation

Published Date: oct. 12, 2012

Tout au long de leur histoire, les peuples autochtones – dont la richesse culturelle est aussi diverse que complexe – ont continué à adopter un mode de vie qui contribue à assurer la durabilité de l’environnement. En effet, ils excellent à maintenir et à perpétuer le réseau de relations d’interdépendance et d’interconnexion qui englobent les cycles et les équilibres du milieu naturel. De nombreuses cultures autochtones s’articulent autour de modes de pensée – un savoir et des langues qui servent de fondements à la création des systèmes humains – qui vont de pair avec la coutume de la Iethi’nihsténha Ohwén:tsia (Terre mère).

Comme tous ces systèmes, l’agriculture ne fait pas exception, dans la mesure où les peuples autochtones ont maintenu des systèmes agricoles dont l’objectif est précisément de travailler dans le milieu naturel et de maintenir la vie.

Les systèmes agricoles autochtones existent depuis des millénaires et sont représentatifs d’un état d’esprit ancré dans la durabilité et la spiritualité. En particulier, il convient de souligner la diversité des techniques et des stratégies élaborées et adoptées par les peuples autochtones dans les domaines de la culture des fruits et des légumes et de l’élevage. Les techniques et les stratégies les plus répandues incluent notamment la permaculture, la lutte antiparasitaire intégrée, la culture intercalaire, le compagnonnage, la culture de couverture, la sélection des plantes, la rotation des cultures et le maintien de la diversité des espèces – qui contribuent toutes à créer un système qui n’est pas assujetti à l’utilisation des combustibles fossiles ou limité par celle-ci. En outre, il existe toute une gamme de plantes autochtones qui se sont répandues aux quatre coins de la planète mais qui étaient déjà cultivées en Amérique du Nord bien avant l’arrivée des Européens, dont le maïs, les haricots, la courge, les tournesols, les topinambours, le tabac, les fraises, les canneberges et les myrtilles.

Phénomène principalement ancré dans le Sud de l’Ontario, l’agriculture est pratiquée depuis plus d’un millier d’années, soit bien avant l’arrivée des Européens. L’Ontario se fonde sur les riches traditions agricoles de nombreuses nations autochtones, dont les Tionnontatés (Pétuns), les Wendats (Hurons), les Attiwandaronks (Neutres) et les Haudenosaunee (Iroquois). À titre d’exemple, les Haudenosaunee, dont la culture et les traditions continuent de s’articuler autour de leurs pratiques agricoles, ont laissé un héritage subtil dans le domaine de l’agriculture et de la production alimentaire, et joué un rôle important, voire prépondérant, en tant qu’agronomes autochtones. Même si la plupart de leurs connaissances ont été laissées de côté au cours du processus de développement de l’agriculture classique, leurs réalisations et le savoir qu’ils ont transmis sont inestimables. Forts d’une histoire qui remonte à leurs établissements traditionnels, dans la vallée Mohawk, où ils ont adopté des systèmes agricoles intensifs bien avant l’arrivée des Européens, les Kanien’kehá:ka (Mohawks), qui font partie des Haudenosaunee, continuent d’utiliser la plupart de leurs techniques agricoles traditionnelles, tout en maintenant largement la diversité de leur alimentation et leurs cultures médicinales traditionnelles.

L’Áhsen Nikontate’kén:’a (les Trois Soeurs) constitue l’un des exemples les plus courants d’un système agricole autochtone. L’Áhsen Nikontate’kén:’a, qui continue d’avoir une influence très importante dans les communautés haudenosaunee et dans beaucoup d’autres communautés autochtones et non autochtones, est un système complet de culture de l’ó:nenhste (maïs), de l’onon’ónhsera (courge) et de l’ohsahè:ta (haricots). Ce système intègre certains principes du compagnonnage, de la lutte antiparasitaire intégrée et de la permaculture, ce qui permet en définitive de créer un système autosuffisant, tout en produisant des aliments qui composent un régime alimentaire complet. En tant que système agricole autochtone spécifique, l’Áhsen Nikontate’kén:’a a contribué – et continue de contribuer largement – au débat sur l’agriculture durable.

Jardin potager (mélange de légumes) (Photographie : Charlotte Sahanatien, Wáhta Mohawk Territory)

L’initiative appelée « Tsi Tewaienthótha » (« Là où nous plantons »), qui se déroule actuellement au sein de la communauté kanien’kehá:ka (mohawk) de Wáhta, dans le Centre de l’Ontario, constitue un exemple contemporain d’agriculture autochtone. Tsi Tewaienthótha est une initiative de jardinage communautaire lancée par des membres de la communauté qui se sont inquiétés des défis culturels, environnementaux, linguistiques, sociaux et économiques auxquels leur communauté fait face. L’idée est d’agir collectivement pour concevoir et exploiter des cultures d’aliments traditionnels en utilisant des techniques durables et traditionnelles. L’objectif est de créer un espace de confiance agréable pour échanger des connaissances en matière de production alimentaire, de conservation des aliments et d’alimentation saine et adaptée au plan culturel, ce qui permet de renforcer les capacités et la solidarité communautaires, d’instaurer la confiance et de raviver et perpétuer la culture, les traditions et la langue kanien’kehá:ka dans le domaine de l’alimentation. En manifestant un intérêt croissant pour le retour à une alimentation traditionnelle et pour assurer la santé de leur communauté à tous les niveaux, les Wahtaró:non (habitants de Wáhta) qui participent à l’initiative ont bien conscience que l’agriculture vivrière peut être directement liée aux possibilités de préserver la langue, la culture, la santé et l’éducation, tout en contribuant à affirmer la souveraineté et l’indépendance sur plusieurs plans.

L’agriculture reste importante pour les Haudenosaunee et pour beaucoup d’autres nations autochtones, en particulier dans l’optique de la vie communautaire, des cérémonies traditionnelles, du maintien de la santé et du bien-être, du renforcement de la sécurité et de la souveraineté alimentaires, et de l’amélioration de la résilience des systèmes politiques, économiques et sociaux. L’agriculture fait partie intégrante de tous les aspects de la vie des Haudenosaunee et, par le biais d’initiatives comme Tsi Tewaienthótha, elle continuera de jouer un rôle important. [Veuillez noter que la langue autochtone utilisée dans cet article est le kanien’kéha (mohawk).]