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La biodiversité en Ontario : un défi à relever

Ces fougères-plume-d’autruche situées dans l’aire de conservation de Sheppard’s Bush donnent au public un aperçu de la biodiversité urbaine.

Photo : Ces fougères-plume-d’autruche situées dans l’aire de conservation de Sheppard’s Bush donnent au public un aperçu de la biodiversité urbaine.

Par

Don Pearson, Barbara Heidenreich et Sean Fraser

L'environnement, Le patrimoine naturel

Published Date: oct. 07, 2010

Difficile d’ignorer que certaines espèces animales très connues sont en péril : on peut ainsi citer les ours polaires, de moins en moins nombreux, et dont l’habitat connaît une évolution constante. On peut également mentionner les aigles à tête blanche, qui recommencent à peupler la région des Grands Lacs après en avoir quasiment disparu, mais qui restent une espèce sous haute surveillance dans le Nord et le Sud de l’Ontario. Ces animaux ne représentent que deux des espèces vivantes menacées en Ontario. La province compte en effet des centaines de spécimens en danger.

La présence d’un grand nombre d’espèces vivantes et d’un patrimoine génétique diversifié au sein d’un environnement varié est au cœur du concept de « biodiversité », une notion qui peut sembler complexe, mais qui ne l’est nullement. Elle fait tout simplement référence à l’ensemble des gènes, des espèces et des écosystèmes d’un lieu donné. Les systèmes vivants fonctionnent en interdépendance et tirent parti d’autres systèmes pour prospérer. Par conséquent, le degré de biodiversité constitue un indicateur souvent utilisé pour évaluer l’état d’une aire naturelle. L’élimination ou l’introduction d’un élément peut avoir des répercussions souvent imprévisibles.

Vaste carré d’alliaire officinale (Alliaria petiolata) – une des plantes envahissantes les plus répandues dans le Sud de l’Ontario – dans une propriété de la Fiducie, à Willoughby.

Au fil de l’histoire de notre planète, de nombreuses espèces se sont éteintes – un phénomène considéré comme normal. Toutefois, le rythme de ces extinctions est devenu préoccupant, puisqu’en l’espace d’une seule génération humaine, on perd aujourd’hui davantage d’espèces que sur toute une période géologique. Combien d’espèces vivantes la planète peut-elle encore se permettre de voir disparaître avant que la capacité de l’environnement à accueillir l’être humain soit irrévocablement compromise? Avons-nous atteint le point de basculement qui marque le début d’une accélération exponentielle du rythme d’extinction des espèces? Le changement se manifestera-t-il de façon soudaine, par une succession de disparitions catastrophiques; de façon graduelle, ou bien les deux? Ce qui est clair, c’est qu’à l’heure actuelle, le nombre d’espèces envahissantes et de monocultures introduites par l’être humain est en plein essor, que les habitats naturels cèdent rapidement la place à un environnement artificiel et que la biodiversité connaît une érosion fulgurante.

Plus un écosystème est biodiversifié, et mieux il résiste aux sécheresses, aux inondations, aux épidémies et à d’autres catastrophes naturelles se produisant de façon cyclique. Or, en raison de l’accélération des changements climatiques et du rythme de destruction des habitats fauniques, l’érosion de la biodiversité compromet la capacité d’adaptation des environnements naturels. Cette destruction a également des répercussions sur l’être humain. En effet, notre survie en tant qu’espèce dépend de nombreux systèmes naturels, qui conditionnent nos systèmes économiques, notre approvisionnement alimentaire, nos ressources naturelles, l’eau que nous buvons et l’air que nous respirons. Notre santé dépend de celle de la nature, en Ontario comme dans le reste du monde. Pour la Fiducie du patrimoine ontarien, sensibiliser le public à l’importance de la biodiversité et lui faire connaître l’histoire et l’impact des espèces envahissantes sont de nouvelles priorités.

Selon certaines sources, la paternité du terme « diversité biologique » revient au pionnier de l’écologie Raymond Dasmann (1921-2002), puisque l’Américain aurait créé ce terme à la fin des années 1960. Toutefois, son compatriote Robert E. Jenkins, de l’organisme The Nature Conservancy, pourrait avoir été le premier à avoir imaginé le mot-valise biodiversité et, dans les années 1980, à signaler l’importance de cette problématique à la toute jeune communauté de la protection de l’environnement. Robert Jenkins et ses pairs émettent l’hypothèse que de nombreuses espèces disparaissent à cause de l’influence de l’être humain sur l’environnement et en raison de la propagation rapide des espèces envahissantes. Dans les années qui suivent, la communauté scientifique internationale s’emploie à mesurer l’ampleur et le rythme de ce déclin ainsi que ses conséquences. De nombreux pays s’intéressent à la question, à tel point qu’en 1992, 159 nations ratifient la Convention sur la diversité biologique des Nations Unies. Le Canada – l’un des premiers pays signataires – et ses gouvernements provinciaux identifient les principales espèces envahissantes non indigènes présentes sur le sol canadien. En 2004, le Canada élabore une stratégie pour empêcher la propagation de ces espèces. En 2005, l’Ontario adopte une stratégie en faveur de la biodiversité par l’intermédiaire de son ministère des Richesses naturelles et du Conseil de la biodiversité de l’Ontario.

Malgré ces efforts, les scientifiques sont aujourd’hui convaincus que la biodiversité est en péril dans le monde entier. Les experts de la protection de l’environnement – y compris Gold Miller, le commissaire à l’environnement de l’Ontario – ont signalé que l’Ontario était loin d’être épargné. Sur les 28 espèces de reptiles qu’abrite la province (neuf espèces de tortues, 18 espèces de serpents et une espèce de lézard), on compte désormais 19 espèces menacées. Certes, aux yeux d’une bonne partie des Ontariens, la disparition de quelques tortues et lézards ne constitue probablement pas un problème majeur, mais pour citer la Stratégie canadienne de la biodiversité de 1995, « le statu quo n’est pas une option acceptable ».

Cette année, à l’occasion de l’Année internationale de la biodiversité, le Conseil de la biodiversité de l’Ontario a publié deux rapports sur l’état de la biodiversité au sein de la province, qui font tous deux état d’une situation à la fois positive et préoccupante.

Pour en savoir plus sur les espèces menacées en Ontario, vous pouvez vous reporter à la liste des espèces en péril fournie par le site Web du ministère de l'Environnement, de la Protection de la nature et des parcs.
Ce fragile écosystème marécageux (sanctuaire du marais Lone Pine, comté de Northumberland) présente une biodiversité d’une richesse remarquable.

Ce fragile écosystème marécageux (sanctuaire du marais Lone Pine, comté de Northumberland) présente une biodiversité d’une richesse remarquable.

En ce qui concerne les aspects négatifs, la biodiversité ontarienne continue à subir des pressions accrues, essentiellement en raison de la croissance démographique. Nous consommons davantage de ressources et produisons davantage de déchets. D’après un rapport publié en mai et intitulé « State of Ontario’s Biodiversity 2010 », l’empreinte écologique de l’Ontario est l’une des plus importantes au monde. Autrement dit, si tous les pays du monde consommaient les ressources au même rythme que notre province, il faudrait quatre planètes pour assurer la subsistance de l’être humain.

En Ontario, la situation est particulièrement préoccupante dans le Sud de la province, où nous utilisons les ressources plus vite que la nature ne les produit. En termes d’espèces vivantes, cette région est la plus variée d’Ontario, mais elle concentre également la majeure partie de la population de la province et les infrastructures nécessaires pour faire vivre cette population. Il n’est donc guère étonnant que cette zone compte le plus grand nombre d’espèces vivantes en péril, dont plusieurs pâtissent de la cohabitation avec l’être humain. Plus alarmant encore, certains indices révèlent que les efforts que nous déployons pour protéger la biodiversité se soldent par des résultats disparates – dans certains domaines, la situation s’est stabilisée ou améliorée, mais on constate une dégradation pour la plupart des autres espèces menacées.

Comme indiqué précédemment, ce rapport comporte également des aspects positifs. Ainsi, les activités liées à la conservation et à l’utilisation durable des ressources renouvelables ont connu des améliorations notables. Dans l’ensemble, les initiatives de conservation et d’utilisation durable trouvent un écho favorable auprès de la population ontarienne. Le gouvernement participe à ces initiatives, comme le prouvent les Déclarations de principes provinciales de 2005, la Loi de 2005 sur la ceinture de verdure, la Loi de 2005 sur les zones de croissance, la Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition, le programme de plantation de 50 millions d’arbres mené en partenariat avec Arbres Ontario (2008) et l’engagement à protéger plus de 225 000 km² de la forêt boréale du Nord (2008). L’Ontario compte des organismes environnementaux très solides, une communauté rurale engagée et attentionnée ainsi que des entreprises désireuses de réduire les effets néfastes de leurs activités sur l’environnement en s’impliquant dans des projets d’aménagement durables et favorisant une conservation proactive.

De toute évidence, il nous faut fournir des efforts supplémentaires. Il est également impératif que nous comprenions que la crise de la biodiversité découle entièrement des activités humaines. L’être humain a délibérément introduit des plantes et des animaux exotiques en Ontario, pour des raisons esthétiques, économiques et parfois scientifiques. Ainsi, l’alliaire officinale, l’une des plantes envahissantes les plus répandues dans le Sud de l’Ontario, a été importée dans la province à la fin du XIXe siècle en tant que légume comestible. La carpe à grosse tête, qui représente une menace potentielle dans la région des Grands Lacs en raison de sa taille, de sa rapidité de reproduction et de son appétit féroce, a été rapportée d’Asie pour être exploitée par l’industrie de l’aquaculture. L’introduction de certaines espèces envahissantes est parfois intervenue de façon accidentelle. Les moules zébrées filtrent presque tout le phytoplancton et peuvent concrètement faire mourir de faim les jeunes larves et les petits poissons indigènes des lacs et des rivières. Ces mollusques envahissants ont été déposés dans les Grands Lacs par des cargos étrangers déversant leur eau de fond de cale. Quant aux longicornes asiatiques – grave danger pour les arbres ontariens – ils sont arrivés en Amérique du Nord en s’infiltrant dans le bois de palettes et de caisses destinées au transport de marchandises.

La Fiducie travaille en étroite collaboration avec ses partenaires afin de planter des espèces indigènes sur les propriétés patrimoniales et sur les sites protégés par une servitude protectrice. Elle veille également à sensibiliser les intendants, les propriétaires et ses autres partenaires, ainsi que le grand public, à ces pratiques d’intendance environnementale. Il est important que tous les résidents de l’Ontario apprennent à identifier et à contrôler les espèces animales et végétales non indigènes envahissantes.

Chacun d’entre nous – gouvernement, groupes environnementalistes, entreprises, industries et simples citoyens – doit s’employer à soulager les pressions qui s’exercent sur notre patrimoine naturel et à protéger les espèces et paysages d’aujourd’hui afin que nos enfants puissent les admirer demain. Pour atteindre cet objectif, il faut commencer par lancer des initiatives de sensibilisation et d’éducation. L’Ontario a identifié le problème, a élaboré une stratégie de protection de la biodiversité et a publié son premier rapport sur la question (« Ontario’s Biodiversity Strategy Progress Report 2005-2010 »). Nous pouvons encore passer à l’action, mais pourrons-nous améliorer la situation à temps? Tout l’enjeu est là.

Pour obtenir de plus amples renseignements sur la biodiversité en Ontario, rendez-vous sur le site Web du Conseil de la biodiversité de l’Ontario.
Une espèce envahissante est une plante, un insecte ou un animal qui n’est pas originaire d’une région donnée, mais qui y a été introduit par l’homme, délibérément ou par inadvertance. Cette espèce s’adapte tellement bien à son nouvel environnement qu’elle prend le pas sur les espèces indigènes au point d’établir une monoculture, ce qui met en péril la biodiversité de cette région. Pour en savoir plus sur les espèces envahissantes, vous pouvez consulter la base de données « Global Invasive Species » de l’International Union for Conservation of Nature ainsi que le site l’Ontario Invasive Plant Council à l’adresse.
Cette chélydre serpentine (Ferme Scotsdale, propriété de la Fiducie) est particulièrement menacée et figure parmi les espèces citées dans la Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition de l’Ontario.

Photo: Cette chélydre serpentine (Ferme Scotsdale, propriété de la Fiducie) est particulièrement menacée et figure parmi les espèces citées dans la Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition de l’Ontario.

Le scinque pentaligne (Plestiodon fasciatus), seul lézard indigène de l’Ontario, risque de disparaître aussi bien des paysages provinciaux que nationaux.

Photo: Le scinque pentaligne (Plestiodon fasciatus), seul lézard indigène de l’Ontario, risque de disparaître aussi bien des paysages provinciaux que nationaux.