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Mythe ou réalité : Combattre les idées reçues autour du thème de l’écologie – Vers une architecture plus durable

401, rue Richmond, Toronto – un exemple de toit vert

"Le mot « viabilité » a été tellement utilisé qu’il commence à sonner creux. Avant d’étudier la viabilité dans le domaine de l’architecture, revenons à la terminologie elle-même."

Par

Sean Fraser

Les bâtiments et l'architecture, L'environnement

Date de publication :15 nov. 2007

Photo : 401, rue Richmond, Toronto – un exemple de toit vert

Viable : de nature à être maintenu à un certain taux ou niveau . . . maintien d’un équilibre écologique en évitant un épuisement des ressources naturelles (Traduit à partir de la définition de l’Oxford English Dictionary)

Compte tenu de cette vision de la viabilité, considérons un certain nombre de mythes courants susceptibles de nous empêcher de mettre au point une architecture responsable sur le plan environnemental. Après chaque mythe, je présenterai une proposition qui reprend l’objectif de viabilité. Ces idées sont controversées et provocatrices, mais elles reflètent aussi la philosophie qui est au cœur du mouvement de conservation du patrimoine culturel et naturel.

Mythe : En route vers la viabilité

Les nouveaux bâtiments, produits et matériaux écologiques sont plus durables que ceux existants. Si toutes nos nouvelles constructions étaient écologiques, nos problèmes de viabilité seraient résolus.

Proposition : Investir dans le parc immobilier actuel

La frénésie écologique actuellement en vogue sur le marché peut nous détourner de la vraie solution. Pour envisager la notion de viabilité, il faut mettre de côté le postulat de nouvelle construction pour adopter un état d’esprit selon lequel rénovation, réhabilitation et recyclage sont la norme. L’architecture est une infrastructure à long terme qui doit perdurer pendant des siècles; ce n’est pas une marchandise dont on se débarrasse en une génération.

Mythe : La science nous sauvera

La technologie est là pour nous apporter le luxe et garantir que nous pouvons continuer à acheter des produits plus récents et de meilleure qualité. En disposant d’assez de temps et de mesures incitatives, les nouvelles technologies et les innovations scientifiques permettront de résoudre l’ensemble des difficultés posées par l’énergie, la pollution et l’épuisement des ressources.

Proposition : Désirs et besoins sont deux choses différentes

La technologie pourrait avoir un but plus noble, à savoir rendre nos vies meilleures, soulager nos souffrances et assurer que nous puissions survivre et prospérer. Notre impact environnemental est essentiellement dicté par notre mode de vie consumériste où le magasinage est un loisir. La planète est un système clos dans lequel les ressources ne sont pas infinies. La technologie peut nous aider à utiliser nos ressources de façon judicieuse mais les compagnies, les collectivités et les individus doivent produire leurs efforts.

Débris architecturaux historiques de Walnut Hall, à Toronto – un bâtiment patrimonial désigné qui a été démoli en 2007

Mythe : Si c’est nouveau, c’est mieux

Avec une technologie plus avancée, des matières premières innovantes et des méthodes de conception écologiques, on fabrique de nouveaux bâtiments viables écologiquement alors que les vieux bâtiments sont peu performants.

Proposition : La sagesse de la technologie utilisée pour les bâtiments traditionnels

On attend des bâtiments plus anciens qu’ils présentent les mêmes fonctionnalités que les bâtiments modernes et ceci nous amène parfois à considérer les bâtiments historiques comme étant moins performants. Avant de comparer le neuf et l’ancien, nous devons évaluer les attentes elles-mêmes. L’un des problèmes les plus importants avec les techniques de construction modernes consiste à opérer une isolation artificielle entre les intérieurs et notre environnement naturel, comme si nous voulions vivre dans une bulle. Cette pratique a des répercussions philosophiques, architecturales, environnementales et technologiques importantes, difficiles à surmonter. Il est tout à fait exagéré, irréaliste et nuisible de vouloir s’isoler complètement de l’environnement. Un bâtiment traditionnel réagit aux saisons et nous rappelle que toute architecture, intérieure ou extérieure, s’inscrit dans l’environnement extérieur. Nous avons besoin d’un abri, mais cet abri ne doit pas pour autant être complètement hermétique à l’environnement.

Mythe : Une densité plus élevée est plus viable

En construisant de la façon la plus dense possible, nous profitons d’une économie d’échelle pour les infrastructures publiques, qu’il s’agisse des transports et des routes ou de l’eau, de l’énergie et des eaux usées.

Proposition : La forme urbaine doit être durable, utilisable et raisonnable

Une densité urbaine élevée peut constituer un objectif louable, mais la forme urbaine que prend la densité aura d’importantes répercussions sur sa viabilité à long terme. Plus haut ne veut pas dire plus écologique. Si la densité peut entraîner des économies dans un secteur, elle peut être coûteuse dans d’autres. Par exemple, dans les immeubles de plus de 10 étages, l’effet de cheminée oblige à avoir recours à un système de climatisation mécanique toute l’année. Finalement, le coût de l’électricité et d’autres facteurs peut rendre les tours d’habitation non viables, surtout si l’on ajoute le problème de cycle de vie réduit de certains revêtements.

Réparation de fenêtres grâce à des méthodes de vitrage traditionnelles à la taverne historique Fryfogel (comté de Perth). La Fiducie détient une servitude protectrice du patrimoine sur la taverne Fryfogel.

Réparation de fenêtres grâce à des méthodes de vitrage traditionnelles à la taverne historique Fryfogel (comté de Perth). La Fiducie détient une servitude protectrice du patrimoine sur la taverne Fryfogel.

Mythe : Il faut considérer la viabilité à la lumière des données économiques

Les nouvelles constructions sont un pilier de notre économie. Les avantages de l’architecture durable doivent être contrebalancés avec les priorités économiques et politiques globales.

Proposition : La destruction de l’environnement n’est pas économiquement viable

L’industrie des constructions modernes repose sur des systèmes de construction préfabriqués produits en série dans des régions éloignées de celles de leur utilisation, plutôt que sur des systèmes à forte intensité de main-d’œuvre et disponibles à l’échelle locale. Le changement nécessitera un réalignement économique global, mais l’industrie doit évoluer elle aussi.

Mythe : Ce qui nécessite peu d’entretien est écologique

Le fait de minimiser ou de supprimer l’entretien est un objectif de conception durable.

Proposition : La main-d’œuvre est la ressource la plus renouvelable

Le bon sens nous enseigne que tout s’use et nécessite de l’attention au fil du temps. ll est impératif de prévoir l’entretien et les réparations dans la conception des immeubles – nouveaux et anciens, à valeur patrimoniale ou non – en investissant efficacement dans les corps de métiers et la main-d’œuvre plutôt qu’en remplaçant l’intégralité des systèmes de construction lorsqu’un seul composant est défaillant.

La viabilité nécessite que nous conservions et comprenions les constructions existantes. Il faudra sensibiliser le public et obtenir un consensus, mais le vent tourne, lentement mais sûrement, en faveur de l’écologie.