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Le long de la rivière des Outaouais

Le Rocher-à-l’Oiseau, un site sacré pour les peuples autochtones qui ont laissé un héritage remarquable d’anciens pictogrammes dessinés à l’ocre rouge. Photographie reproduite avec la permission de Larry Graham.

"Le Comité de désignation patrimoniale de la rivière des Outaouais attend avec impatience que cette importante rivière canadienne, peut-être la plus belle du pays, intègre pleinement le Réseau des rivières du patrimoine canadien. La désignation donnera l’occasion aux collectivités, petites et grandes, depuis Hawkesbury jusqu’à Haileybury, de conjuguer leurs efforts pour célébrer le riche patrimoine culturel de la rivière des Outaouais et promouvoir ses activités de loisirs de niveau international."

Larry Graham, habitant de longue date du bassin versant de la rivière des Outaouais, pagayeur insatiable et président du Comité de désignation patrimoniale de la rivière des Outaouais

Par

Erin Semande

Le patrimoine autochtone, Le patrimoine naturel

Date de publication :05 déc. 2014

Photo : Le Rocher-à-l’Oiseau, un site sacré pour les peuples autochtones qui ont laissé un héritage remarquable d’anciens pictogrammes dessinés à l’ocre rouge. Photographie reproduite avec la permission de Larry Graham.

La première route transcanadienne

La rivière des Outaouais est l’un des axes de transport les plus importants au Canada et joue un rôle déterminant dans un grand nombre des récits clés qui font l’histoire du pays. Déjà empruntée par les premiers habitants de la région, puis par des explorateurs, des guides, des commerçants de fourrures, des bûcherons, des colons et des entrepreneurs, la rivière des Outaouais constitue véritablement la première route transcanadienne.

Dans la langue algonquine, la rivière des Outaouais est appelée « Kichesipirini » – ce qui signifie la « grande rivière ». Le mot « Outaouais » est dérivé du terme algonquin adawe (« faire des échanges/commercer »). La rivière des Outaouais prend sa source au lac Capimitchigama, au Québec, à 250 km (156 milles) au nord d’Ottawa. Elle s’écoule sur environ 1 300 km (807 milles) jusqu’au fleuve Saint-Laurent et marque la frontière entre l’Ontario et le Québec sur la plupart de sa longueur.

Pendant des milliers d’années, le canot constitue le principal moyen de transport pour les membres des Premières Nations vivant dans la vallée de l’Outaouais. Des éléments probants donnent à penser que la rivière des Outaouais et ses affluents abritaient, il y a 6 000 ans déjà, un vaste réseau d’échanges commerciaux et de communication.

Pagayeurs lors d’une excursion organisée par l’Ottawa River Canoe Brigade (brigade des canots de la rivière des Outaouais). La brigade encourage les participants à découvrir le patrimoine de la rivière des Outaouais et à contribuer à sa sauvegarde. Photographie reproduite avec la permission de Larry Graham.

Construit et utilisé à l’origine par les commerçants de fourrures autochtones, le canot devient par la suite un élément indispensable à l’exploration des paysages sauvages du Canada par les explorateurs, les colons et les industriels européens, ainsi qu’à leur développement. Aux XVIIIe et XIXe siècles, l’économie des colonies françaises en Amérique du Nord repose sur le commerce des fourrures, qui s’articule autour des célèbres voies navigables commençant ou s’achevant à la rivière des Outaouais. Cette époque voit le pays s’agrandir grâce au courage des coureurs de bois et des voyageurs, qui se déplacent en canots d’écorce, ainsi que les débuts de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Le mode de vie des voyageurs est ancré dans l’imagerie canadienne véhiculée par certains artistes, notamment dans les peintures d’époque originales de Frances Anne Hopkins, qui datent des années 1870. À cette époque, l’utilisation du canot pour le commerce et le transport commence déjà à décliner et la Compagnie de la Baie d’Hudson privilégie le transport ferroviaire et par bateau à vapeur.

En 1613, Samuel de Champlain effectue la première incursion européenne officielle en territoire algonquin, sur la Kitchissippi (rivière des Outaouais). Au cours de ce voyage, il rencontre des membres d’au moins trois bandes différentes de la Nation algonquine, le long de la Kitchissippi.

La dernière bande qu’il rencontre, sur l’actuelle île Morrison, près de Pembroke, en Ontario, sont les Kichesipirini (« habitants de la grande rivière »). Champlain décide ensuite de continuer de remonter la rivière, mais malgré l’excellent traitement et l’accueil chaleureux que lui réservent les Kichesipirini, le chef Tessouat ne lui accorde pas le droit de passer. Les Kichesipirini et leur chef, Tessouat, décidaient quels non-Algonquins pouvaient monter et descendre le long de la Kitchissippi et demandaient aux personnes autorisées, incluant des explorateurs et des missionnaires, d’acquitter un droit de péage. Le long de la rivière des Outaouais et de ses multiples affluents, on trouve un grand nombre de sites archéologiques et sacrés et de lieux de sépulture algonquins qui témoignent d’une présence de longue date. [Le chef Kirby Whiteduck, Première Nation algonquine de Pikwàkanagàn]

Contourner les rapides de la rivière des Outaouais constitue un défi depuis l’établissement des premières routes commerciales par les peuples autochtones du Canada. Des sentiers de portage sont utilisés pour éviter les rapides, avant la création de réseaux de canaux basiques. L’entrepreneur John Macdonell tire profit de cette route commerciale hautement fréquentée en érigeant sa maison, en 1817, sur une falaise occupant un emplacement stratégique, sur la rive ontarienne de la rivière des Outaouais, et en construisant un simple canal permettant d’éviter les rapides tumultueux. Dans les années 1830, le canal de Macdonell n’est plus en mesure de faire face à l’importance croissante de la rivière des Outaouais en tant que route commerciale et que voie stratégique de contournement des autres Grands Lacs dans l’éventualité d’une guerre avec les États-Unis, et l’armée britannique construit un réseau de canaux plus élaboré, composé du canal de Grenville, du canal de Chute-à-Blondeau et du canal de Carillon.

Alors que les premiers canaux qui sont construits sur la rivière des Outaouais visent avant tout un objectif militaire, les richesses naturelles de la région deviennent un atout économique qui a pour effet de modifier la rivière et ses rives. De grandes scieries sont installées à proximité des chutes et des rapides permettant de produire l’énergie hydraulique (et, par la suite, l’énergie hydroélectrique) nécessaire au fonctionnement des usines locales. Ces installations attirent des colons, et des collectivités comme Bytown (l’actuelle Ottawa) se développent aux alentours.

La rivière des Outaouais connaît l’un de ses changements les plus spectaculaires entre 1959 et 1962, quand Hydro-Québec construit un barrage à Carillon, en face de la maison Macdonell-Williamson, pour alimenter Montréal en énergie. La construction du barrage fait augmenter le niveau des eaux, qui submergent les anciens canaux de Carillon et de Grenville et entraînent la disparation des rapides. L’ouverture officielle du barrage en 1963 marque la fin de la navigation commerciale sur le réseau de canaux de la rivière des Outaouais.

Bien qu’elle ne soit désormais plus utilisée pour le commerce et le transport des marchandises, la rivière des Outaouais peut aujourd’hui se découvrir en bateau à moteur, en radeau, en kayak, en bateau à voile et en canot. Les personnes qui cherchent un moyen relaxant de découvrir la beauté naturelle et les sites culturels de la rivière des Outaouais continuent d’attacher une grande valeur aux canots.

Sources : Cet article ne fait qu’effleurer le sujet et les lecteurs sont invités à consulter le site Web du Comité de désignation patrimoniale de la rivière des Outaouais sur www.ottawariver.org. La Fiducie tient à remercier le Comité pour avoir autorisé l’utilisation du document intitulé « Une étude de base pour la mise en candidature de la rivière des Outaouais au Réseau des rivières du patrimoine canadien » (2005), qui constitue la base de cet article. Des remerciements particuliers sont adressés à Larry Graham, président du Comité de désignation patrimoniale de la rivière des Outaouais, et au chef Kirby Whiteduck, qui a accepté de parler avec des membres du personnel de la Fiducie et de leur transmettre ses connaissances et ses expériences liées à la rivière des Outaouais.

Couteau ou pointe de lance autochtone en cuivre du lac Supérieur, datant de la période archaïque moyenne, il y a environ 6 100 ans. Artéfact trouvé par Clyde Kennedy durant des fouilles effectuées en 1963 sur le site de l’Isle-aux-Allumettes-I (AL-1). Musée canadien de l’histoire, BkGg-11:1049, IMG2008-0583-0005-Dm.

Photo: Couteau ou pointe de lance autochtone en cuivre du lac Supérieur, datant de la période archaïque moyenne, il y a environ 6 100 ans. Artéfact trouvé par Clyde Kennedy durant des fouilles effectuées en 1963 sur le site de l’Isle-aux-Allumettes-I (AL-1). Musée canadien de l’histoire, BkGg-11:1049, IMG2008-0583-0005-Dm.

« A Plan of the Banks of the Ottawa shewing the Carillon Rapids with the proposed line of Canal to avoid them. Copyed from a sketch made by Major Dy Vernet. 1829. » (« Un plan des rives de la rivière des Outaouais montrant les rapides Carillon et le projet de canal permettant de les éviter. Copie d’un croquis réalisé par le major Dy Vernet. 1829. »). Avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada/Cartes et plans du Canada/NMC 7406.

Photo: « A Plan of the Banks of the Ottawa shewing the Carillon Rapids with the proposed line of Canal to avoid them. Copyed from a sketch made by Major Dy Vernet. 1829. » (« Un plan des rives de la rivière des Outaouais montrant les rapides Carillon et le projet de canal permettant de les éviter. Copie d’un croquis réalisé par le major Dy Vernet. 1829. »). Avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada/Cartes et plans du Canada/NMC 7406.

La rivière à travers l’histoire

  • Il y a 15 000 ans : La nappe glaciaire (le glacier) Laurentide commence à fondre. À mesure du retrait des glaciers, de l’eau salée provenant de l’océan Atlantique inonde la vallée pour former la mer Champlain.
  • Il y a 13 000 ans : La vallée de l’Outaouais est recouverte par la mer Champlain.
  • Il y a 10 000 ans : La mer Champlain disparaît.
  • Il y a 8 500 ans : Premières traces d’une présence humaine le long de la rivière des Outaouais.
  • Il y a 8 000 ans : Le réseau hydrographique actuel de la rivière des Outaouais se met en place.
  • Il y a 6 000 ans : Le niveau des eaux de la rivière des Outaouais baisse progressivement jusqu’à atteindre son niveau traditionnel, et les forêts de pin blanc se transforment en forêts mixtes constituées de pruches, de pins et de feuillus.
  • Il y a 3 000 ans : Des pictogrammes représentant l’environnement spirituel et physique des peuples algonquins tel qu’ils le conçoivent traditionnellement sont dessinés le long des rives de la rivière.
  • 1608 : Étienne Brûlé est le premier Européen à explorer la rivière des Outaouais.
  • 1613 : Samuel de Champlain remonte la rivière jusqu’aux environs de l’actuelle Pembroke. Les Kichesipirini lui réservent un accueil chaleureux, mais ne lui accordent pas le droit de passer.
  • 1817 : John Macdonell construit sa grande maison georgienne sur une falaise occupant un emplacement stratégique, sur la rive ontarienne de la rivière des Outaouais.
  • 1857 : La reine Victoria choisit la ville d’Ottawa, située au bord de la rivière qui porte le même nom (en anglais), comme capitale du Canada.
  • 1862 : Un industriel de Pembroke du nom de McAllister fait installer des roues à aubes dans ses usines pour produire de l’électricité à des fins commerciales.
  • 1885 : Début de la production d’énergie hydroélectrique sur la rive ontarienne de la rivière.
  • 1945 : Première réaction nucléaire autonome au Canada, aux Laboratoires de Chalk River, sur les rives de la rivière des Outaouais.

La rivière des Outaouais en chiffres

  • 4 : Nombre de grandes subdivisions géologiques que traverse la rivière des Outaouais – la province du lac Supérieur, le bassin de Cobalt, la province de Grenville et les basses-terres du Saint-Laurent.
  • 33 : Espèces d’amphibiens et de reptiles, incluant le necture tacheté et la tortue géographique (en péril).
  • 43 : Barrages dans le bassin versant de la rivière des Outaouais, ce qui en fait l’une des rivières les plus hautement régulées au Canada.
  • 45 : Proportion du bassin versant située en Ontario (le reste se trouve au Québec).
  • 80 : Nombre d’affluents (dont deux – la rivière Mattawa et la rivière Rideau – sont désignés rivières du patrimoine canadien).
  • 80 : Espèces en péril, incluant la pie-grièche migratrice, le couguar de l’est, le pygargue à tête blanche et le ginseng à cinq folioles.
  • 85 : Espèces de poissons observées dans la rivière.
  • 90 : Point le plus profond (en mètres) du réservoir de Carillon.
  • 150 : Hauteur (en mètres) du Rocher-à-l’Oiseau, un site sacré qui s’élève au-dessus de la rivière des Outaouais, dans le comté de Pontiac, au Québec.
  • 300 : Nombre d’espèces d’oiseaux auxquelles le bassin versant de la rivière des Outaouais fournit un habitat.
  • 1 271 : Longueur approximative (en kilomètres) de la rivière des Outaouais.
  • 14 000 : Nombre de bateaux de plaisance que l’on relève chaque année dans la région d’OttawaGatineau.
  • 146 300 : Superficie du bassin versant (en kilomètres carrés) – deux fois celle du Nouveau-Brunswick.
  • 1 670 000 : Nombre de personnes vivant dans le bassin versant (données du recensement de 2001).
  • 341 000 000 : Litres d’eau qui sont prélevés chaque jour dans la rivière aux installations de purification de l’eau de Britannia et de l’île Lemieux.

Le Réseau des rivières du patrimoine canadien

Bien que la désignation au Réseau des rivières du patrimoine canadien n’offre aucune protection juridique pour la rivière des Outaouais, il s’agit néanmoins d’un programme d’intendance communautaire éprouvé et efficace qui incite les citoyens à conserver et à célébrer leurs rivières. La désignation constitue un immense honneur qui est réservé aux rivières dont le patrimoine naturel et/ou culturel est reconnu comme exceptionnel par les gouvernements provinciaux et fédéral.