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La physionomie changeante du culte

Mosquée de Windsor, à Windsor

Par

Laura Hatcher

Les bâtiments et l'architecture, La communauté

Date de publication :10 sept. 2009

Photo : Mosquée de Windsor, à Windsor

Le style architectural d’un lieu de culte, tout comme ses proportions intérieures, les matériaux employés et ses pierres de date, constituent autant d’indices de l’histoire et des valeurs de sa congrégation. De même, les dimensions d’un édifice ainsi que l’endroit où il est implanté dans une communauté donnent de précieuses indications sur l’influence et le rôle de cette même congrégation. On notera ainsi que nombre des premières églises anglicanes bâties en Ontario étaient de taille majestueuse, et qu’elles se situaient en plein cœur des centres urbains. À l’inverse, l’architecture modeste mais altière des lieux de culte chrétiens construits par d’autres pionniers ontariens évoque les luttes et la dévotion de communautés confessionnelles unies pour se faire une place dans la province.

En examinant avec un peu de recul les lieux de culte disséminés en Ontario, on voit se dessiner une histoire bien plus complexe. Ce voyage au cœur du paysage religieux ontarien nous pousse également à nous interroger sur le rôle joué par ces monuments dans notre histoire, ainsi que dans la culture actuelle. Bien qu’un grand nombre d’églises, de synagogues et de maisons communes soient toujours assidûment fréquentées de nos jours, certains lieux de culte vieux d’un siècle sont désertés dans les zones rurales, et dans les villes, de prestigieux monuments religieux sont voués à la démolition. Cela semble impliquer un déclin des pratiques religieuses, mais si l’on s’intéresse aux édifices de construction plus récente, on constate qu’en réalité, la foi continue de jouer un rôle de premier plan dans la société ontarienne.

Dans les années 1940 et 1950, le Canada assiste à un étiolement progressif mais régulier du culte religieux organisé. Cependant, la deuxième moitié du XXe siècle marque également le début de l’assouplissement des politiques d’immigration, avec pour conséquence l’arrivée graduelle d’immigrants juifs et slaves. En 1951, le Canada admet un « quota » restreint d’immigrés en provenance des pays asiatiques du Commonwealth britannique, notamment de l’Inde, du Pakistan et de Ceylon (Sri Lanka). Dans les années 1950 et 1960, des ressortissants italiens, grecs et portugais convergent en masse vers l’Ontario, et la fin des années 1960 voit la province accueillir de plus en plus de personnes aux parents originaires d’Asie, dont l’Asie du sud-est. Peu d’immigrants parviennent à trouver des lieux de culte capables de les accueillir ou de répondre à leurs besoins linguistiques et spirituels. S’ensuivent alors plusieurs décennies de culte religieux pratiqué « à la dérobée ». L’expansion des congrégations les plus anciennes s’interrompt, et parmi les nouveaux arrivants ontariens, nombreux sont ceux qui, faute de ressources ou en l’absence d’une communauté établie, se mettent à pratiquer les rites de leur religion dans les résidences, dans des magasins loués pour l’occasion, voire dans des entrepôts.

Au fur et à mesure que ces groupes s’ancrent dans la culture ontarienne, la province assiste à la renaissance de l’architecture religieuse proprement dite. Les religions qui se développent le plus dans l’Ontario d’aujourd’hui – l’islam, le bouddhisme, l’hindouisme, la chrétienté évangélique et la chrétienté orthodoxe – reflètent les vagues d’immigration des dernières décennies.

Le Nihsan Sahib, un drapeau Sikh sacré, flotte au-dessus de l’Ontario Khalsa Darbar (Photographie d'Ian Muttoo)

L’histoire de l’islam est relativement récente en Ontario, et l’histoire des mosquées ontariennes encore davantage. La mosquée de Windsor est l’une des premières mosquées de la province. Érigée en 1969, elle combine une esthétique moderne et des matériaux typiques de l’architecture nordaméricaine, ainsi que des éléments propres à l’architecture islamique traditionnelle, tels qu’un minaret, un dôme et une entrée décorée de voûtes en segment de cercle. La mosquée est située au cœur d’un quartier résidentiel, et présente un contraste flagrant avec les bâtiments voisins. Très vaste et entourée d’un parc de stationnement, cette mosquée n’a pas été conçue pour servir de lieu de culte local : elle est fréquentée par les musulmans de toute la région.

C’est également le cas de l’Ontario Khalsa Darbar. Implanté à Mississauga, ce temple sikh (ou gurdwara) très actif ouvre ses portes à la communauté sikhe toute l’année, et accueille des dizaines de milliers de personnes lors des jours de fête. Fondé en 1979, le gurdwara a d’abord été hébergé au sein d’un lieu bien plus modeste, puisque le temple originel était situé dans une caravane. En 1989, la communauté sikhe acquiert le terrain environnant afin d’ériger le tout premier gurdwara officiel dans une zone certes essentiellement consacrée aux activités industrielles, mais localisée à proximité de deux grands axes routiers, ce qui rend le temple facilement accessible aux sikhs établis dans toute la région du grand Toronto. Dans les années 1990, une imposante extension est ajoutée au temple. L’architecture du gurdwara fait juxtaposer des éléments contemporains et traditionnels, avec ses dômes elliptiques surplombant un bâtiment en béton aux lignes épurées et aux finitions modernes. Un Nishan Sahib, drapeau sacré sikh qui signale la présence d’un lieu saint, flotte au sommet d’un mât, à plusieurs mètres au-dessus du gurdwara, tel un flambeau ralliant les fidèles.

En 2007, le temple BAPS Shri Swaminarayan Mandir de Toronto vient enrichir de façon spectaculaire l’architecture religieuse de l’Ontario. Édifié dans le respect de la tradition des Shilpa Shastras – textes sacrés indiens fixant les règles de l’architecture et de la sculpture hindoues – le Mandir est complètement dépourvu d’acier profilé, et toute sa structure s’appuie sur des éléments porteurs en pierre. Le temple est constitué de 24 000 blocs de marbre, de pierre calcaire et de pierre rose indienne, tous minutieusement sculptés à la main en Inde et assemblés sur place par des artisans indiens et plus de 400 bénévoles.

À l’instar de la mosquée de Windsor et de l’Ontario Khalsa Darbar, les ressources financières, matérielles et communautaires dévolues à l’élévation de BAPS Mandir relatent une histoire familière : celle d’une communauté qui se consacre à honorer ses traditions et, ce faisant, marque de son empreinte le paysage ontarien.

L’intérieur du BAPS Shri Swaminarayan Mandir (photographie gracieusement fournie par le BAPS Shri Swaminarayan Mandir)

Photo: L’intérieur du BAPS Shri Swaminarayan Mandir (photographie gracieusement fournie par le BAPS Shri Swaminarayan Mandir)

L’intérieur du BAPS Shri Swaminarayan Mandir (photographie gracieusement fournie par le BAPS Shri Swaminarayan Mandir)

Photo: L’intérieur du BAPS Shri Swaminarayan Mandir (photographie gracieusement fournie par le BAPS Shri Swaminarayan Mandir)