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Renouveau du patrimoine inestimable de Peterborough

Un exemple notable d’un bon projet de conservation intégrée, la conversion de cet ancien bureau de poste en immeuble de 91 appartements de location au taux du marché

Photo : Un exemple notable d’un bon projet de conservation intégrée, la conversion de cet ancien bureau de poste en immeuble de 91 appartements de location au taux du marché

Par

Erik R. Hanson

Les bâtiments et l'architecture, La communauté, Réutilisation adaptative

Published Date: sept. 11, 2008

Pour créer un centre-ville sain, le plus difficile est de convaincre les gens d’y habiter. Bien que de nombreux et magnifiques édifices patrimoniaux ornent le centre historique de Peterborough, leurs étages supérieurs sont souvent vacants. Récemment encore, peu de propriétaires étaient prêts à entreprendre des rénovations coûteuses vu l’incertitude du marché de la location.

Mais récemment cette difficulté s’atténue. De nombreux édifices sous-utilisés viennent d’être vendus et certains locaux ont été convertis en appartements de location. Un exemple digne d’intérêt est l’ancien bureau de poste, aujourd’hui un immeuble de 91 logements offerts au taux du marché. S’il existait encore des doutes que l’on puisse placer des appartements de haut standing au centre-ville, ils se sont rapidement dissipés quand le bâtiment a affiché complet avant même d’être terminé.

Du point de vue du patrimoine, ce bureau de poste est intéressant pour plusieurs raisons. C’est le premier édifice d’après-guerre de Peterborough qui a été désigné en vertu de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario. Construit pour remplacer le bureau de poste de style roman tardif de la fin du 19e siècle, situé dans la rue adjacente, sa construction devait débuter en 1914, mais elle a été retardée à cause de la guerre. Il a fallu trois ans pour le bâtir. Quand il a été finalement inauguré, en 1955, il a reçu le titre impressionnant de « bureau de poste le plus moderne du Canada ». Conçu par le cabinet d’architectes Craig & Strong, il est demeuré propriété du gouvernement fédéral jusqu’à la fin des années 1990. Il est alors resté vacant pendant plusieurs années. En 2002, la société AON Inc. en a fait l’acquisition avec l’intention de le convertir en appartements. Les travaux ont donc été lancés en 2004, mais ont été interrompus par les inondations qui ont submergé la majeure partie du centre-ville de Peterborough. Le chantier a rouvert à l’automne et, l’année suivante, l’immeuble était prêt à accueillir ses premiers locataires.

Fort heureusement, une bonne partie des caractéristiques d’origine ont été préservées Certaines ont été adaptées de manière unique à leur nouvelle fonction. Par exemple, le bureau de poste abritait des trieuses industrielles dont le poids nécessitait un plancher en béton armé fortement renforcé. Cela a permis de convertir le sous-sol en aire de stationnement, un atout pour un tel projet.

Le personnel de la municipalité a collaboré étroitement avec les architectes du cabinet Lett Architects pour assurer la protection des caractéristiques typiques de l’édifice. Bien qu’il se soit avéré impossible de conserver l’armature métallique des fenêtres ou de les remplacer par des répliques exactes, les nouvelles fenêtres soulignent encore les lignes horizontales de l’édifice. Par ailleurs, les nouveaux plans exigeaient la démolition totale de l’intérieur, pour introduire un troisième étage dans l’enceinte initiale à deux étages. La façade de l’édifice est également intacte. Les propriétaires ont même su reproduire les caractères d’origine au-dessus du portail en rebaptisant l’immeuble « Rivulet Courtyard ».

En raison du fait que le bureau de poste abritait des trieuses industrielles dont le poids nécessitait un plancher en béton armé fortement renforcé, on a pu convertir le sous-sol en aire de stationnement, un atout pour un tel projet.

En tant que propriété désignée, le bureau de poste était admissible au programme municipal de dégrèvement fiscal qui s’applique aux propriétés patrimoniales, soit une remise de 20 pour cent sur les taxes immobilières annuelles, en contrepartie d’un accord déposé visant à maintenir les attributs patrimoniaux de l’édifice, conformément aux normes de conservation convenues. Le projet du bureau de poste est devenu une étude de cas intéressante sur la viabilité du programme municipal.

Étant donné que sa désignation n’était valide que dans le cadre du processus d’approbation du plan de situation, l’édifice risquait encore d’être démoli si tout autre plan applicable visait une utilisation intensive. Le zonage plaçait aussi la propriété dans une zone de densité urbaine maximale, de sorte que le bureau de poste aurait pu être remplacé par un immeuble à étages multiples. L’intérêt patrimonial d’un édifice moderniste de l’après-guerre aurait risqué de ne pas faire le poids face à un projet d’aménagement plus ambitieux, dont la contribution fiscale lui aurait été supérieure. Toutefois, les propriétaires en sont venus à la conclusion que, compte tenu du dégrèvement fiscal, il serait en fait rentable de conserver l’immeuble et de le remettre en état. Une telle conclusion donne lieu de penser que le programme repose sur une assise financière suffisamment solide pour permettre d’assurer la conservation des ressources patrimoniales.

Quand il appartenait au gouvernement, l’édifice n’était assujetti à aucun impôt municipal. Aujourd’hui, il génère près de 92 000 $, moins le dégrèvement applicable aux propriétés patrimoniales. Avec de tels chiffres, il y a donc certainement de quoi défendre le bien-fondé du programme. Cependant, selon certains, un réaménagement total de la propriété aurait produit davantage d’impôts et sans diminution due au dégrèvement. Mais cette suggestion ne tient pas compte des bénéfices qui découlent des économies réalisées par le réaménagement d’une structure existante, ni du prix de production de nouveaux matériaux et accessoires, du prix du combustible fossile consommé pour expédier matériaux et marchandises, du coût et de l’énergie de la démolition et de l’impact sur les sites d’enfouissement. Elle ne considère pas non plus la valeur ajoutée d’un immeuble de caractère ou du cachet d’une propriété patrimoniale pour le centre-ville.

La durabilité environnementale et la commercialisation du patrimoine deviennent aujourd’hui des atouts économiques de poids. Mais surtout, chaque nouvel immeuble qui vient en remplacer un ancien nous prive de notre patrimoine, d’un de ces liens avec notre passé qui nous aide à façonner l’avenir. Et en fin de compte, un tel prix se justifie-t-il?