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Les synagogues de Toronto : entretenir les mémoires collectives

Holy Blossom Temple, au style Art déco

Par

Jennifer Drinkwater

Les bâtiments et l'architecture, La communauté

Date de publication :10 sept. 2009

Photo : Holy Blossom Temple, au style Art déco

La mémoire collective est une mémoire culturelle : c’est ce qui est inscrit dans la mémoire d’un groupe social ou culturel ayant vécu un certain événement et dans celle des personnes à qui des membres du groupe ont transmis leurs souvenirs. Les mémoires collectives font partie de l’identité d’une communauté, de son patrimoine.

Les lieux, les pratiques et les objets peuvent être des « sites de mémoire » pouvant eux aussi intégrer le patrimoine d’une communauté. Les sites de mémoire peuvent être des endroits physiques tels que des archives, des musées, des lieux de culte, des cimetières et des monuments aux morts; des concepts gravés dans des devises et des pratiques comme les commémorations et les rituels; ou des objets tels que des biens hérités, des monuments, des emblèmes, des textes et des symboles. Les souvenirs euxmêmes peuvent être personnels, liés à l’histoire d’une personne en particulier, ou cognitifs, ne concernant pas forcément le passé, mais quelque chose qui est appris et qui aide une personne ou un groupe à interpréter le passé, le présent et le futur. La mémoire collective est transmise et entretenue grâce aux rituels et à d’autres activités culturelles de commémoration.

Des lieux de culte tels que les synagogues Knesseth Israel, Holy Blossom et Anshei Minsk à Toronto jouent un rôle primordial dans la mémoire culturelle de la ville, des communautés dans lesquelles ils sont situés et des groupes religieux qui les ont construits et y ont prié.

Knesseth Israel, aussi appelée Junction Shul, du nom du quartier dans lequel elle a été érigée, est la plus ancienne synagogue spécifiquement bâtie à cet effet et toujours utilisée comme telle en Ontario. Les architectes Ellis et Connery ont conçu l’édifice, dont la construction a démarré en 1911. L’extérieur est simple, mais les murs intérieurs sont minutieusement décorés de scènes représentant la Terre d’Israël et des instruments musicaux joués par les Lévites dans le Temple. Au plafond, en forme de dôme, sont peints un ciel bleu et des nuages, auxquels s’ajoutent les signes du zodiaque représentant les mois du calendrier hébreu. La menuiserie serait l’œuvre d’ébénistes de la fabrique de pianos Heitzman toute proche. L’édifice conserve des traces de son passé de synagogue orthodoxe. On y trouve une galerie séparée pour les femmes, les restes d’un ancien mikveh (bain rituel) au sous-sol, une chapelle qui était utilisée pour les offices quotidiens et une salle de classe. Dans l’ensemble du bâtiment sont exposés des fragments de mémoire : des photographies, un article de journal, des plaques et une liste de soldats tombés au combat qui faisaient partie des fidèles. En 2001, la Fiducie du patrimoine ontarien a reconnu l’importance de la synagogue en y dévoilant une plaque provinciale, projet soutenu par les philanthropes locaux Joey et Toby Tanenbaum à la mémoire de leurs grands-parents.

Holy Blossom Temple abritait la première congrégation juive de l’Ouest canadien (Ontario), formée en 1856. Vingt années durant, les offices se sont déroulés dans des locaux loués audessus du drugstore Coombe’s à l’angle des rues Yonge et Richmond. Les membres ont construit leur première synagogue en 1876 puis, en 1897, un nouveau bâtiment a été érigé dans la rue Bond. L’actuel Holy Blossom Temple, rue Bathurst, a été conçu par les architectes Chapman et Oxley, et a été officiellement inauguré en 1938. À l’intérieur, les souvenirs de la congrégation sont exposés avec fierté. Des photographies d’anciens présidents, rabbins et chantres, et d’autres fidèles éminents remontant à 1856 sont accrochées aux murs. Des panneaux d’information relatent l’histoire de la congrégation. Holy Blossom possède ses propres archives, qui contiennent des comptes rendus d’assemblées datant de 1856 et des bulletins de la synagogue datant de 1923-1924. Les archives conservent également des articles de journaux sur la synagogue, des livres de prière et des Torahs. Leur collection compte une yad (main de lecture servant à pointer le texte sur le rouleau de la Torah) qui leur a été offerte par la famille Asher de Montréal. L’inscription sur la yad serait à l’origine du nom du temple. En 2001, la Fiducie du patrimoine ontarien a installé une plaque à Holy Blossom pour rendre hommage à la première congrégation juive de l’Ontario.

La synagogue Anshei Minsk est également un site de mémoire important. À Toronto, le marché Kensington, aujourd’hui lieu historique national, est célèbre pour son histoire multiethnique. Dans les années 1920 et Les synagogues de Toronto : entretenir les mémoires collectives Par Jennifer Drinkwater Holy Blossom Temple, au style Art déco 1930, le marché était essentiellement juif. Le bâtiment Anshei Minsk, situé au 10, rue St. Andrew, a été conçu par les architectes Kaplan et Sprachman, et achevé en 1930. Son style ressemble à celui d’autres synagogues du quartier. Les peintures intérieures incluent un passage du Pirkei Avot et des instruments klezmers. Les fidèles ont fait don de tables, de bibliothèques et de meubles à la mémoire des êtres qui leur étaient chers. Les noms des proches en yiddish ornent les murs du sous-sol. La présence juive dans le quartier de Kensington a commencé à décliner dans les années 1950 et au début des années 1960, mais Anshei Minsk est restée ouverte. À la fin des années 1980, elle était la seule synagogue du centre-ville à proposer des offices quotidiens. Anshei Minsk nous rappelle ce que fut Toronto, tout en continuant d’occuper une place importante dans le dynamisme actuel de la ville.

Chacun de ces lieux de culte historiques est le réceptacle de la mémoire collective d’une communauté et une partie importante de l’histoire de Toronto.

L’extérieur de la synagogue Knesseth Israel, aussi appelée Junction Shul

Photo: L’extérieur de la synagogue Knesseth Israel, aussi appelée Junction Shul

Une plaque provinciale de la Fiducie du patrimoine ontarien est dévoilée à la synagogue Knesseth Israel, le 6 septembre 2001

Photo: Une plaque provinciale de la Fiducie du patrimoine ontarien est dévoilée à la synagogue Knesseth Israel, le 6 septembre 2001