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La conservation intégrée des lieux de culte

Appartement du 3e  étage, lofts Glebe, Toronto

Les bâtiments et l'architecture, Réutilisation adaptative

Date de publication : sept. 10, 2009

Photo : Appartement du 3e étage, lofts Glebe, Toronto

La conservation intégrée des édifices religieux peut à la fois permettre de conserver certains sites patrimoniaux importants et bénéficier aux collectivités, mais en Ontario, les personnes qui souhaitent effectuer de telles transformations doivent faire face à des obstacles politiques, sociaux et architecturaux. Toutefois, comme le montrent les études de cas ci-dessous, il est possible d’y parvenir en faisant preuve de détermination et en adoptant une approche réfléchie.


Lofts Glebe

Ancien nom : Riverdale Presbyterian Church
Adresse : 662, avenue Pape, Toronto
Date de construction : 1912, avec un agrandissement important en 1920
Date de transformation : 1999

Combiner utilisation religieuse et habitation urbaine

Les pressions exercées par l’aménagement dans les zones urbaines alimentent la transformation des églises sous-utilisées ou inoccupées en immeubles résidentiels à logements multiples. Ce type de transformation, qui concerne un éventail d’habitations allant des logements abordables aux immeubles en copropriété de luxe, permet de conserver des points d’intérêt locaux, d’améliorer le paysage de rue et d’accroître la densité urbaine. Le constructeur-promoteur Robert Mitchell a transformé l’ancienne Riverdale Presbyterian Church de Toronto pour y intégrer les lofts Glebe. Des immeubles en copropriété occupent la nef sud, tandis que la partie nord continue de servir d’église.

Construit en 1920, le bâtiment de style néo-gothique comprenait des hauts plafonds et des poutres d’acier triangulées apparentes. Mitchell explique que les proportions originelles du bâtiment ont véritablement déterminé la conception de l’ensemble : « La distance entre les semelles est la première chose qui retient mon attention. À partir de là, je peux évaluer s’il est possible ou non de creuser pour construire un garage souterrain. » Les poutres d’acier triangulées restent apparentes dans l’appartement du troisième étage, offrant un point d’intérêt visuel qui nous rappelle la fonction originelle de l’édifice. Si celle-ci a maintenant changé, les logements bénéficient des atouts de l’ancienne église en termes d’espace.

Il a fallu environ deux ans et demi pour construire les lofts Glebe. Les travaux de transformation dans les zones urbaines sont souvent exigeants, en raison de la complexité des demandes obligatoires d’approbation du plan. C’est pourquoi Mitchell met le plus grand soin à choisir ses projets. En outre, il comprend l’importance de mener des analyses structurelles minutieuses en termes de préconception. Le succès des lofts du 662, avenue Pape montre que le patrimoine architectural d’une collectivité présente un attrait commercial, et qu’une utilisation religieuse peut coexister avec des projets de réaménagement résidentiel.

Cuisine, gîte Green Door, Brockville

Gîte Green Door

Ancien nom : Brockville Pentecostal Tabernacle
Adresse : 61, rue Buell, Brockville
Date de construction : 1928
Date de transformation : 2005

Régénération d’un classique de l’Art déco

L’horizon de Brockville est orné de clochers et tours qui marquent l’emplacement de nombreuses églises de diverses confessions chrétiennes, dont les racines caractéristiques des Loyalistes de l’Empire-Uni remontent à la fin du XVIIIe siècle. À l’instar de nombreuses villes, Brockville a connu la sous-utilisation de certains de ses bâtiments historiques, à mesure que la population et les entreprises quittaient le centre-ville. Toutefois, en 2005, cette évolution a donné à Lynne et Peter Meleg la possibilité d’acquérir Brockville Pentecostal Tabernacle, alors inoccupé. Grâce aux nombreux efforts investis, ils ont mis le plus grand soin à transformer le bâtiment pour y ouvrir le gîte Green Door.

« Cela faisait un certain temps que nous voulions ouvrir un gîte touristique, et quand nous avons découvert ce bâtiment, nous savions que c’était le bon », explique Lynne. « Nous en étions tombés amoureux : sa structure très saine, sans murs porteurs intérieurs, correspondait exactement à notre projet. » En désignant l’emplacement de l’ancienne scène, Peter ajoute : « Nous trouvions que la scène était une vraie particularité du bâtiment, et nous sommes parvenus à trouver un moyen de la conserver. » Le couple a transformé la scène en bibliothèque, aujourd’hui le pôle d’attraction de l’aménagement intérieur, et a décoré le bâtiment dans le style néo-Art déco pour mieux rappeler à quoi ressemblait cet ancien tabernacle dans les années 1920.

La structure du bâtiment était heureusement en bon état, avec un plafond à solives apparentes et des proportions modestes, lorsque les Meleg en ont fait l’acquisition. Ces caractéristiques et son emplacement – à proximité du centre commercial de la ville – ont permis au couple non seulement de réaliser son projet, mais aussi de rencontrer un franc succès.

Gymnase, Centre communautaire Glebe, Ottawa

Gymnase, Centre communautaire Glebe, Ottawa

Centre communautaire Glebe

Ancien nom : St. Paul’s Methodist Church
Adresse : 175, avenue Third, Ottawa
Date de construction : 1914-1924
Date de transformation : 1972-1974 et 2004

Garder un « esprit communautaire »

Le grand dôme qui domine le quartier Glebe d’Ottawa constitue un excellent exemple de conservation intégrée. St. Paul’s Methodist Church – ensuite appelée St. James United Church, puis aujourd’hui Centre communautaire Glebe – a été conçue à l’origine par le colonel Clarence J. Burritt dans le style néo-palladien. « Le bâtiment, coiffé d’un dôme en cuivre monumental, sert de point de repère dans une ville où les édifices de ce type sont rares », explique Ian McKrecher, leader du patrimoine communautaire dans le quartier Glebe. Vers les années 1960, du fait de la diminution du nombre des fidèles de l’église, la propriété a été vendue à la ville d’Ottawa, qui a conservé le bâtiment et l’a transformé en centre communautaire, y apportant seulement quelques légères modifications intérieures. Grâce à l’activisme de la Glebe Community Association, qui a longtemps fait valoir l’importance de l’édifice pour le quartier, des rénovations importantes y ont finalement été effectuées sous la direction d’un cabinet d’architectes local, Barry J. Hobin & Associates.

L’espace central n’a pas été morcelé, comme c’est parfois le cas des grands intérieurs, mais conservé en l’état de façon à permettre une certaine souplesse d’utilisation et une transformation rentable. Le sol en escalier a été retiré et remplacé par un sol en bois dur à figures géométriques où se reflète le plafond du dôme.

En réutilisant l’ancienne église, la collectivité a bénéficié de la bonne situation du bâtiment, de son architecture particulière et de son utilité en tant que centre communautaire. Stuart Lazear, planificateur en conservation du patrimoine à la ville d’Ottawa, décrit le centre comme « un pôle d’attraction communautaire et un point de repère pour les activités culturelles et de loisir dans le quartier Glebe ». La transformation réussie du Centre communautaire Glebe prouve qu’il est sage de rester simple et d’apporter le moins de changements possible dans le cadre de la conservation d’un édifice patrimonial présentant un intérêt important.

Foyer intérieur et escalier, résidence Vogan, à Kettleby

Résidence Vogan

Ancien nom : Wesleyan Methodist Church
Adresse : 332 Kettleby Road, Kettleby (canton de King)
Date de construction : 1873
Date de transformation : 1966

Construire une maison dans une ancienne église

La résidence Vogan au 332 Kettleby Road n’est pas une maison comme les autres – elle occupe le bâtiment de l’ancienne église méthodiste wesleyenne du village de Kettleby. Cette église est devenue une église unie en 1925 et l’édifice a continué d’être utilisé à des fins religieuses jusqu’au milieu des années 1960, époque où il a été vendu et transformé en résidence privée.

Gary Vogan, le propriétaire actuel, note que « l’église n’était pas conçue comme un lieu d’habitation ». En effet, le bâtiment originel n’avait ni plomberie ni électricité, et ne proposait aucune aire de rangement. Il peut s’avérer compliqué d’intégrer ces éléments dans un bâtiment.

D’autres modifications ont été apportées pour faciliter l’occupation. On a utilisé des poutres récupérées dans une vieille grange pour construire la charpente des chambres et de la mezzanine. Au moment de remplacer l’ancien foyer, les Vogan ont découvert que le code du bâtiment imposait une tuyauterie verticale, si bien qu’ils ont construit une véritable cheminée répondant à toutes ces exigences. Même s’il s’agissait là de modifications fonctionnelles, elles n’altéraient en rien la qualité originelle de l’intérieur. La chambre à l’avant de la maison conserve une structure ouverte, permettant aux Vogan d’exposer leur vaste collection de Canadiana.

Les transformations extérieures et intérieure ont été effectuées dans le contexte d’ensemble de l’édifice, améliorant l’architecture vernaculaire de Kettleby. De proportion modeste, elles prouvent également l’importance de la « maîtrise » des modifications du patrimoine d’un quartier. Le succès des Vogan vient en partie du fait qu’ils ont cherché à transformer cette église rurale non chauffée en y apportant des ajouts réversibles et en se concentrant sur l’aménagement intérieur du bâtiment, de façon à maintenir les coûts à un bas niveau et à conserver l’édifice dans son intégralité.

Salle à manger principale, Church Restaurant, à Stratford (Photographie gracieusement fournie par le Church Restaurant)

Salle à manger principale, Church Restaurant, à Stratford (Photographie gracieusement fournie par le Church Restaurant)

Church Restaurant

Ancien nom : Mackenzie Memorial Gospel Church
Adresse : 70, rue Brunswick, Stratford
Date de construction : 1873-1874
Date de transformation : 1975

Proposer une cuisine de qualité dans un cadre inspirant

L’ancienne Mackenzie Memorial Gospel Church de Stratford occupe un emplacement idéal, à proximité immédiate des célèbres théâtres de la ville. Le site du bâtiment, de même que ses caractéristiques architecturales intérieures attrayantes, en ont inspiré la transformation et l’ouverture du Church Restaurant.

Le propriétaire, Mark Craft, estime que l’intégrité structurale du bâtiment d’origine a contribué au succès de cette transformation difficile. L’aménagement d’une cuisine professionnelle dans une ancienne galerie a représenté la modification architecturale la plus importante. Certains des murs de fondation originels se dressent toujours dans une partie de la galerie qui abrite aujourd’hui la cave à vin du restaurant. Les bancs de l’église ont été utilisés pour créer des banquettes autour du périmètre de la salle à manger. En outre, Foyer intérieur et escalier, résidence Vogan, à Kettleby Salle à manger principale, Church Restaurant, à Stratford (Photographie gracieusement fournie par le Church Restaurant) des luminaires et des vitraux d’origine ornent l’intérieur du bâtiment. Les meubles en bois sombre du restaurant se marient aux supports en bois, qui conservent leur finition victorienne.

Ces modifications ont permis de trouver un juste équilibre entre les besoins du restaurant et le caractère originel du bâtiment. Les grands volumes et les finitions ont été conservés, tout en respectant les séparations entre salles publiques et privées, ainsi que les possibilités intrinsèques de l’église en termes de plan de service. L’intérieur du restaurant est impressionnant et constitue un parfait complément à l’expérience théâtrale qui peut se vivre à Stratford. Bien que ces transformations aient été apportées il y a plus de 30 ans, le Church Restaurant et son établissement frère situé à l’étage, le Belfry, demeurent l’un des meilleurs exemples en Ontario de la transformation réussie d’un édifice historique en lieu de réception.

Balcon à l’intérieur de St. George’s Greek Orthodox Church, à Toronto

St. George’s Greek Orthodox Church

Ancien nom : Holy Blossom Temple
Adresse : 115, rue Bond, Toronto
Date de construction : 1897
Date de transformation : 1937

Adapter un lieu de culte aux besoins d’un autre groupe confessionnel

Située au cœur de Toronto, la St. George’s Greek Orthodox Church reste l’un des très rares exemples d’architecture d’inspiration byzantine de la ville. Conçu par l’architecte canadien John Siddall, le bâtiment d’origine abritait Holy Blossom Temple, une synagogue juive. Au début du XXe siècle, on a orné sa façade de deux grandes coupoles en forme de bulbe surplombant deux grandes tours, et plusieurs dômes similaires mais plus petits ont été ajoutés le long de la partie centrale de sa façade principale. Suite à l’augmentation rapide de sa congrégation dans les années 1930, Holy Blossom Temple a été transféré dans un autre bâtiment (au 1950, rue Bathurst, Toronto) et l’édifice originel a été vendu et transformé en église grecque orthodoxe.

Le remplacement des coupoles en forme de bulbe par un dôme hémisphérique inspiré de la basilique Sainte-Sophie (Hagia Sophia) à Istanbul (Constantinople) représente la modification extérieure la plus marquante. Le tambour du dôme central a été une nouvelle fois modifié dans les années 1980 par l’ajout d’un haut vitrail. Vers la même époque, le tympan central de la façade a été paré d’une mosaïque peinte par le célèbre mosaïqueur italien, Sirio Tonelli, et des moines Pacomaioi du Mont Athos, en Grèce, se sont chargés de peindre toute l’iconographie traditionnelle à l’intérieur de l’église.

La transformation réussie de Holy Blossom Temple en St. George’s Greek Orthodox Church montre que l’adaptation d’un lieu de culte afin qu’il desserve un autre groupe confessionnel est souvent chose aisée. Elle nous rappelle également les origines pratiques de la conservation intégrée. Même si la transformation des édifices religieux nous apparaît comme une nouvelle tendance, l’idée de les réutiliser et de les adapter a toujours fait partie de notre patrimoine religieux.