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À la découverte de la voie navigable Trent-Severn

L’Écluse-Ascenseur-de-Peterborough, une merveille du génie civil (Photographie gracieusement fournie par le service des archives de la voie navigable Trent-Severn)

Photo : L’Écluse-Ascenseur-de-Peterborough, une merveille du génie civil (Photographie gracieusement fournie par le service des archives de la voie navigable Trent-Severn)

Par

Dennis Carter-Edwards

Les bâtiments et l'architecture

Published Date: janv. 28, 2011

Il aura fallu 87 ans pour construire la voie navigable Trent-Severn, qui étire aujourd’hui ses 386 kilomètres en plein cœur de la province et relie le lac Ontario à la baie Georgienne. À l’origine, il s’agissait d’un simple axe de communication destiné à faciliter l’implantation d’établissements de colons au sein du district de Newcastle. Par la suite, le gouvernement autorise la construction d’une série d’écluses et de barrages le long de la rivière Trent et à travers les lacs Kawartha.

En 1837, au moment des rébellions, des fonds sont réalloués pour défendre la frontière contre les assauts des rebelles et des sympathisants américains. Faute de paiements réguliers, les entrepreneurs font faillite et la construction des écluses est interrompue. Le travail ne reprendra qu’après la mise en place du gouvernement du Canada en 1841 et l’établissement d’une commission des travaux publics chargée de superviser les chantiers publics. En 1844, cinq écluses sont exploitées.

En raison de l’expansion de l’industrie du bois de sciage, la construction d’écluses ralentit au profit de celle de chemins de schlitte, dispositifs destinés à convoyer des rondins massifs à partir des régions de Kawartha et d’Haliburton. En 1867, après la Confédération, le gouvernement national consacre ses ressources au financement d’un plan visant à construire un chemin de fer transcontinental. L’Ontario prend de l’avance dans la construction de nouvelles écluses. L’ingénieur en chef Kivas Tully supervise la construction d’écluses à Rosedale, à Lindsay et à la pointe Young.

Dans les années 1880, on s’intéresse de plus en plus à l’expansion du système d’écluses, de barrages et de canaux en tranchée, ce qui aboutit à la fondation de la Trent Valley Canal Association, une entité dirigée par Mossom Boyd, propriétaire d’une société de navigation et figure bien connue dans le secteur du commerce du bois. Grâce à ses activités de lobbying, l’association réussit à convaincre le gouvernement de construire des écluses supplémentaires aux chutes Fenelon, à Buckhorn et aux chutes Burleigh.

Avant d’envisager d’agrandir ce que l’on appellera bientôt le canal de la vallée de la Trent, une commission royale est nommée en 1888 pour étudier la faisabilité du projet. Dans un rapport publié juste avant l’élection de 1891, les membres de la commission recommandent de développer le réseau de canaux. Soucieux de remporter les élections et séduit par le potentiel économique de cette construction, le gouvernement accepte formellement ces recommandations et annonce la construction d’une nouvelle écluse visant à relier le lac Simcoe au lac Rice. À Peterborough et à Kirkfield, cette phase de la construction du canal inclut une innovation : l’écluse à élévateur hydraulique.

L’ingénieur chargé de diriger ces travaux est R.B. Rogers, originaire de Peterborough, qui a eu l’occasion d’étudier des écluses à élévateur au Royaume-Uni et en Europe avant de finaliser la conception des écluses du canal Trent. Rogers avait envisagé de construire un système de canaux pour péniches entre la baie Georgienne et le lac Ontario afin d’accélérer la commercialisation à l’étranger des abondantes moissons de blé des Prairies, qui transitent à l’époque par la voie Grands Lacs-fleuve Saint-Laurent. Avec l’Écluse-Ascenseur-de-Peterborough, Rogers imagine un système innovant qui permet de compenser rapidement un dénivelé de plus de 19,8 mètres. La division Peterborough-Lakefield présente une autre innovation, avec la réalisation canadienne d’écluses en béton – une première au Canada.

En 1896, l’élection des libéraux, qui s’opposent à la construction du système de canaux, amène la Trent Valley Canal Association à recommencer ses pressions politiques. Les dirigeants des municipalités concernées par le nouveau tracé se rendent à Ottawa pour y rencontrer le premier ministre Wilfrid Laurier, et convainquent le gouvernement de poursuivre l’expansion du système. Le ministre des Chemins de fer et Canaux annonce la construction d’écluses et de barrages dans le but déclaré d’ouvrir une voie navigable du lac Ontario au lac Rice. En réalité, l’objectif est de placer la rivière Trent sous juridiction fédérale et d’obtenir le contrôle sur ses sites de production hydroélectrique, qui constituent un atout très précieux. En 1905, sous l’égide de J.P. Whitney, le parti conservateur provincial accède au pouvoir après s’être engagé à faire de l’hydroélectricité une propriété de l’État. Toutefois, le parti libéral fédéral ne l’entend pas de cette oreille : partisan de l’exploitation privée des sites de production hydroélectrique, il s’oppose aux plans de Whitney.

La construction du dernier tronçon du canal – reliant le lac Simcoe à Port Severn via le lac Couchiching et la rivière Severn – a été autorisée par le gouvernement conservateur de Borden juste avant la Première Guerre mondiale. La guerre se prolonge, et la pression qui s’exerce sur la maind’œuvre et sur le matériel se traduit par des retards et des compromis en ce qui concerne la construction des écluses. Pour remédier temporairement à la situation, des bers roulants sont installés à Big Chute et près des rapides Swift. Le ber roulant de Big Chute est toujours utilisé de nos jours; en revanche, une écluse moderne a remplacé celui des rapides Swift dans les années 1960. Un petit bateau de plaisance, l’Irene, est la première embarcation à traverser toute la voie navigable lors de la saison de navigation de 1920. Ce canal, à l’origine destiné à devenir un canal commercial viable pour péniches, devient une voie navigable très fréquentée par les plaisanciers. En 1929, le canal est désigné lieu national historique.

Aujourd’hui, la voie navigable Trent-Severn est exploitée par Parcs Canada. Cette voie navigable présente un patrimoine historique divers qui restera gravé dans la mémoire de chaque visiteur, qu’il s’agisse de chefs-d’œuvre du génie civil, de joyaux architecturaux ou de ses sites archéologiques, qui témoignent de plus de 8 000 ans de présence humaine. Le système de gestion des eaux, élément essentiel et partie intégrante de l’exploitation de la voie navigable Trent-Severn, fournit de l’eau aux particuliers, aux entreprises et au secteur des loisirs. Il est très délicat de gérer ces multiples ressources et les attentes qui en découlent, tout en préservant ce trésor du patrimoine pour les générations futures. Toutefois, c’est un défi que le personnel de la voie navigable Trent-Severn est prêt à relever.

Le premier ber roulant construit à Big Chute (Photographie gracieusement fournie par le service des archives de la voie navigable Trent-Severn)

Photo: Le premier ber roulant construit à Big Chute (Photographie gracieusement fournie par le service des archives de la voie navigable Trent-Severn)

L’écluse 18, à Hastings, au début du XXe siècle (Photographie gracieusement fournie par le service des archives de la voie navigable Trent-Severn)

Photo: L’écluse 18, à Hastings, au début du XXe siècle (Photographie gracieusement fournie par le service des archives de la voie navigable Trent-Severn)