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Traditions gothiques dans les églises ontariennes

Le Court House Square de Brockville offre un excellent exemple du style gothique non conformiste dans un environnement urbain

"« Figure de proue du renouveau de l’architecture gothique au début du XIXe siècle, l’architecte et théoricien anglais, Augustus Welby Pugin (1812-52) ... était passionné par le gothique qui, à ses yeux, était le seul style adéquat pour les églises. »"

Par

Candace Iron et Malcolm Thurlby

Les bâtiments et l'architecture

Date de publication :10 sept. 2009

Photo : Le Court House Square de Brockville offre un excellent exemple du style gothique non conformiste dans un environnement urbain

L’importance du culte dans l’Ontario du XIXe siècle transparaît dans les églises érigées dans la province au cours de cette période. Invariablement, les confessions religieuses ontariennes se sont tournées vers le style néo-gothique, dont les formes, qui représentaient les valeurs culturelles et le patrimoine de leur société, pouvaient être adaptées à leurs besoins religieux spécifiques.

Figure de proue du renouveau de l’architecture gothique au début du XIXe siècle, l’architecte et théoricien anglais, Augustus Welby Pugin (1812-52), converti au catholicisme, était passionné par le gothique qui, à ses yeux, était le seul style adéquat pour les églises. Le style Gothique était chrétien, alors que la tradition classique était associée aux dieux païens. Les publications de Pugin, tel The True Principles of Pointed Architecture (1841), prônaient une étude minutieuse des édifices gothiques médiévaux afin d’assurer un renouvellement précis du style et des techniques de construction du Moyen-Âge. Son influence se manifeste dans St. Michael’s Cathedral, à Toronto (1845), où la façade est plate, ornée d’une grande fenêtre à réseau H en ogive, est inspirée de York Minster. Jusqu’à la fin des années 1870, hormis Sacred Heart de Paris, en Ontario (1857), où les préceptes de Pugin sont suivis scrupuleusement, les églises catholiques de la province s’inscrivent dans la lignée de Santa Maria sopra Minerva, à Rome, mais présentent de fausses voûtes en lattis plâtré pour la nef et les bas-côtés. L’architecte de formation irlandaise, Joseph Connolly (1840-1904), a appliqué les principes de Pugin à Our Lady Immaculate, de Guelph, et, dans une moindre mesure, à St. Carthagh’s, à Tweed, qui s’inspire des églises monastiques irlandaises du XIIIe siècle.

Les idées de Pugin étaient partagées par nombre de ses contemporains anglicans. En 1839, des étudiants de Cambridge fondèrent la Camden Society, rebaptisée Ecclesiological Society en 1846. Les Ecclésiologistes étudiaient les églises médiévales et leur mobilier en vue de la « restauration des restes architecturaux mutilés » et du renouvellement du culte ritualisé dans un environnement gothique. De 1841 à 1868, leurs points de vue étaient relayés dans un journal trimestriel et dans des pamphlets, tel A Few Words to Church Builders. En 1839, l’Oxford Society for Promoting the Study of Gothic Architecture est également fondée. L’influence de ces mouvements se propagea rapidement dans tout le monde anglophone. Ainsi, en 1849, pour la conception de St. James’s Anglican Cathedral de Toronto, il était stipulé que le style gothique soit employé. St. James s’inspire dans ses détails de la Cathédrale de Salisbury et présente une couverture en charpente apparente, qui trouve son origine dans le Gothique anglais. Cette conception diffère des édifices néo-gothiques érigés précédemment en Ontario, dont Old St. Thomas Anglican, à St. Thomas (1822), où des fenêtres en ogive et des porches créent des ouvertures dans les murs dépouillés, bâtis selon un plan rectangulaire semblable à une boîte.

L’église St. Michael’s, à Long Stanton, datant du XIIIe siècle, est donnée par les Ecclésiologistes en modèle pour les petites églises anglicanes du monde entier : elles comporteraient une nef, flanquée d’un porche au sud et d’un plus petit chœur à l’est, surélevé par quelques marches par rapport à la nef et dont l’accès se fait par un arc en tiers-point; une couverture en charpente apparente aux pentes fortement accentuées; et une sacristie sur le côté du chœur. L’Ontario en compte plusieurs exemples : St. Paul’s, à Glanford, œuvre de Frank Wills; St. John the Baptist, à Lyn, œuvre de Thomas Fuller; St. Stephen’s-in-the-Fields, à Toronto, reconstruite par Henry Langley. Il en existe des versions en bois à Turkey Point et à Brooklin. William Hay ajoute une tour à la conception de base, comme en témoigne All Saints, à Niagara Falls, et à Grace Anglican, à Brantford, il utilise des colonnes en fer forgé pour les arcades de la nef, ce qui a été repris par Henry Langley à St. George’s, à Guelph.

Le style gothique a également été repris par des non-conformistes de l’Ontario avec la publication de Chapel and School Architecture, rédigé par F.J. Jobson (Londres, 1850), qui prônait l’adaptation du style néo-gothique aux traditions du culte wesleyen. L’allée centrale, un aspect majeur du Gothique anglican, a été éliminée et la chaire est devenue le point central de l’intérieur de l’église, soulignant l’importance « du Verbe » dans le culte non conformiste. Le style s’est propagé rapidement aux presbytériens, aux baptistes et congrégationalistes, qui ont tous adopté le style néo-gothique, mais de manière moins stricte que les anglicans. St. Paul’s Presbyterian, à Hamilton (1854), en est la parfaite illustration : des détails d’inspiration médiévale associés à un édifice bas et large présentant une tribune sur trois côtés qui contribue à placer « le Verbe » au centre. Ce style était sublimé par les sièges en amphithéâtre, vus pour la première fois en Ontario à Jarvis Street Baptist, à Toronto (1875), une église édifiée par Langley et Burke, dont l’aspect monumental extérieur est renforcé par des tours et des flèches.

St. Carthagh’s, à Tweed, illustre le style gothique de Pugin d’inspiration irlandaise que l’on retrouve dans les églises catholiques de l’Ontario

Photo: St. Carthagh’s, à Tweed, illustre le style gothique de Pugin d’inspiration irlandaise que l’on retrouve dans les églises catholiques de l’Ontario

St. Thomas Anglican Church, à Brooklin, constitue un exemple notable en bois du style gothique camdénien (Photographie gracieusement fournie par Candace Iron)

Photo: St. Thomas Anglican Church, à Brooklin, constitue un exemple notable en bois du style gothique camdénien (Photographie gracieusement fournie par Candace Iron)