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Les problèmes inhérents à la propriété

L’ancienne St. Joachim Roman Catholic Church désormais vacante, à Lakeshore

Les bâtiments et l'architecture

Date de publication : sept. 10, 2009

Photo : L’ancienne St. Joachim Roman Catholic Church désormais vacante, à Lakeshore

Les lieux de culte historiques peuvent posséder une valeur en termes de patrimoine culturel qui est à l’origine d’un soutien public en faveur de leur préservation. Or, parfois, cette valeur s’inscrit en désaccord avec les besoins spirituels et fonctionnels de leurs propriétaires et de ceux qui y pratiquent leur culte. Il arrive que ce qui, aux yeux d’un universitaire ou d’un non-croyant, présente une valeur artistique ou architecturale soit en contradiction avec ce qui a une valeur spirituelle ou personnelle intense pour le membre d’une assemblée, tant pour des raisons de croyance que pour des liens familiaux et communautaires tissés au fil des générations. Dans le même temps, l’Ontario possède des milliers de lieux de culte sous-utilisés et parfois délabrés qu’il est difficile et onéreux de restaurer et d’entretenir. Cela pose des problèmes considérables aux propriétaires qui doivent prendre des décisions concernant la préservation, la réutilisation ou l’abandon de ces bâtiments, ou le regroupement des congrégations.

All Saints Anglican Church, rues Dundas et Sherbourne, à Toronto propose d’importants programmes de services d’action sociale

Au cours de la période allant de 1875 à 1925, on a assisté à la construction de nombreuses églises en Ontario. Cette ère d’optimisme chrétien coïncidait avec un travail missionnaire international en Asie et en Afrique, ainsi qu’avec un remarquable rayonnement communautaire des groupes religieux de la province sur le plan local. La verve spirituelle de cette période était telle que certaines églises furent construites par anticipation, pour des congrégations qui ne virent jamais le jour. Cette période se caractérisait également par un esprit œcuménique parmi les groupes non conformistes ou protestants. Ainsi une ville pouvait posséder des églises méthodistes, presbytériennes et congrégationalistes mais, suite à la création de l’Église Unie du Canada, certains de ces édifices devinrent redondants.

Après les triomphes du modernisme, de la préfabrication et des solutions soi-disant sans aucun entretien du milieu du XXe siècle, la théorie et la pratique de la gestion des installations connurent un changement spectaculaire. Non seulement l’entretien courant des bâtiments diminua, mais il devint irréalisable du fait de la hausse considérable du coût de la main-d’œuvre qualifiée et de la quasi-disparition d’importantes compétences traditionnelles. Projetez-vous 50 ans plus tard, et vous assistez à une érosion générale des grands monuments religieux des époques victorienne et edwardienne. Si durables que fussent-ils, en proie aux éléments ou soumis à la « science » de la construction moderne, ces édifices ont subi l’effet néfaste du manque d’entretien sur leur état général. Les caractéristiques architecturales qui les distinguent – clochers élevés, toits en cuivre ou d’ardoise, bâtisse ouvragée, corniches robustes – requièrent également une attention et des réparations régulières, au risque de les voir devenir des dangers publics, faute d’entretien.

La recherche de fonds pour les travaux de réfection est un combat de tous les instants pour les propriétaires, qu’il s’agisse de congrégations individuelles ou d’importants diocèses. Le culte en tant que tel passe en général en priorité devant la préservation du lieu de culte. En outre, à peu d’exceptions près, la religion s’engage dans des programmes communautaires caritatifs de services d’approche, et le financement de telles initiatives réduit d’autant le capital disponible pour l’intendance.

Cet édifice situé à Long Lac, vacant et inutilisé depuis 2002, était auparavant Infant Jesus Roman Catholic Church

Cet édifice situé à Long Lac, vacant et inutilisé depuis 2002, était auparavant Infant Jesus Roman Catholic Church

Un autre problème se pose avec les chiffres de fréquentation changeants. Bien que plus de 35 pour cent des Ontariens assistent à un service religieux au moins une fois par mois, ces taux sont considérablement inférieurs à ceux d’il y a 100 ans. En outre, les changements démographiques et des tendances d’immigration ont modifié la mosaïque religieuse de la province. L’intensification de la suburbanisation et de la sécularisation depuis le milieu du XXe siècle a eu une incidence sur la taille des congrégations urbaines et déplacé les populations dans de nouveaux quartiers. Ainsi se trouve-t-on souvent en présence de grandes églises rurales abandonnées au milieu d’une communauté qui n’en a plus besoin ou ne peut plus subvenir à ses besoins, ou d’églises urbaines qui jouent un rôle important de service social, mais ne disposent plus de congrégation viable, tout en occupant une propriété de valeur qui offre un potentiel élevé de réaménagement.

La nature de la propriété est un autre problème qui affecte la planification de l’avenir d’un lieu de culte. Les églises anglicanes et catholiques sont propriétaires à un niveau collectif ou d’entreprise, et gèrent d’importants portefeuilles pouvant comprendre des centaines d’églises et propriétés associées. Leur patrimoine couvre de nombreux territoires et est sujet à différentes approches de la planification du patrimoine et de l’aménagement du territoire. Ce qui est considéré comme acceptable par un conseil municipal peut ne pas l’être pour celui d’un quartier adjacent. En outre, des congrégations individuelles peuvent avoir un avis divergeant sur des questions liées à la préservation, la rétention ou la fermeture de leurs églises, ou à leur réutilisation ou démolition.

Les activités patrimoniales communautaires ont encore du chemin à faire pour résoudre les problèmes souvent insurmontables auxquels sont confrontés les détenteurs de propriétés du patrimoine religieux. À elle seule, la désignation comme ressource du patrimoine ne conserve pas un édifice, surtout s’il est vacant et en mauvais état. Une utilisation continue compte, tout comme le soutien à tous les niveaux du gouvernement et une compréhension partagée des problèmes auxquels font face les propriétaires. Au fond, il s’agit de trouver un équilibre stratégique et raisonnable entre les besoins privés de propriété et d’utilisation, et les objectifs publics de la conservation architecturale.