Partager:

Lieux de culte de l’après-guerre en Ontario : des conceptions modernistes évoquant des styles traditionnels

Fifth Church of Christ Scientist, à Toronto

Les bâtiments et l'architecture

Date de publication : sept. 10, 2009

Photo : Fifth Church of Christ Scientist, à Toronto

Les années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale se caractérisèrent par un sentiment de renouveau et d’optimisme. Les lieux de culte édifiés en Ontario au cours de cette période reflétaient les changements globaux d’ordre social et politique, ainsi que les avancées en matière de technologie de construction et les tendances changeantes dans l’art. L’Ontario s’engagea dans une ère de croissance économique accentuée par le retour des vétérans et l’arrivée de nouveaux immigrants qui insufflèrent la diversité de leurs traditions culturelles à la province.

Le toit excentrique de l’église catholique Our Lady of Fatima Roman Catholic Church, à Renfrew

Le sens du progrès se manifestait dans le style architectural prétendu moderne. Le modernisme adopta des techniques de construction et des formes expressives nouvelles. Ainsi, Our Lady of Fatima Roman Catholic Church (à Renfrew, 1966) est une parfaite illustration d’une architecture religieuse qui s’affranchit des contraintes du passé et crée une œuvre originale. La ligne de toit excentrique et la spectaculaire entrée diagonale expriment la confiance et la foi. Malgré l’aspect innovant de sa conception, cet édifice demeure sans équivoque un lieu de culte. Le toit qui accroche le regard rappelle les exploits audacieux de la cathédrale gothique, les vitraux ne sont plus enchâssés dans un réseau décoratif, mais consistent en de simples bandes verticales, et le beffroi adjacent a été réinterprété. Caractéristiques et associations traditionnelles persistent dans le « langage » moderniste, qui s’inscrit ainsi dans la continuité.

L’architecture religieuse de l’après-guerre a préservé deux des plus grands legs de ses prédécesseurs : l’engagement en faveur de la forme géométrique pure et des systèmes de proportions interdépendants, ainsi que l’évolution médiévale de la structure qui culminait à des arcs-boutants défiant la gravité et à des vitraux emblématiques du style gothique.

Congregation Or Shalom synagogue, à London

Congregation Or Shalom synagogue, à London

La forme géométrique et l’audace structurelle, aspects clés de l’architecture traditionnelle se trouvaient au cœur des principes du modernisme. Les évolutions du développement de l’acier, du béton armé et du bois lamellé, initialement employés dans les travaux d’ingénierie tels que les ponts et les gares de chemin de fer, furent bientôt intégrées dans la conception d’églises, de salles de concert et d’autres types d’architecture. Dans les années 1920, les formes géométriques avaient remporté les faveurs de l’école allemande du Bauhaus comme essence de la vie moderne, les surfaces lisses des formes exprimant un cri de ralliement contre les excès décoratifs des styles anciens. Lorsque le Bauhaus fut dissolu par les nazis en 1930, nombre de ses enseignants et étudiants s’enfuirent en Angleterre, puis en Amérique du Nord, emportant avec eux ces idéaux.

Congregation Or Shalom synagogue (London, Ontario, 1960) est une parfaite illustration de la persistance des idéaux de la Renaissance parallèlement à la poursuite de la forme géométrique pure du modernisme. Son superbe parement en pierre de taille, ses vitraux et son auvent à l’entrée confèrent indéniablement à cette structure circulaire au toit plat le statut de lieu de culte. L’auvent en acier à l’entrée, qui repose sur des colonnes incroyablement fines, manifeste par sa forme courbe une possibilité structurelle et un langage esthétique nouveaux.

L’expression structurelle était dans des lieux de culte le plus fréquemment utilisée comme un moyen « d’évoquer » les cathédrales gothiques, tout en répondant aux besoins des congrégations de l’après-guerre. Citons, entre autres, les pignons abrupts sur l’église polygonale Wexford Presbyterian Church (Toronto, 1960), ainsi que la structure en bois lamellé d’une grande originalité de Don Valley Bible Chapel (York Nord, 1968). Les vitraux sont présents dans cette dernière, mais les scènes traditionnelles de la Bible ont été remplacées par des rectangles variés de verre coloré.

Autre témoignage de l’audace structurelle inspirée du style gothique : St. Mary’s Coptic Orthodox Church (Kitchener). Sa nef au plan quadrangulaire, une variation de la croix grecque, est surmontée d’un édifice qui à lui seul forme le toit. Composé de quatre pans à la pente fortement accusée qui dessinent une croix, le toit est ancré au sol par des pylônes en béton, équivalents modernes des arcsboutants. Au lieu de vitraux maintenus par le remplage, du verre transparent révèle les poutres d’acier triangulées soutenant le toit.

L’une des traductions les plus élégantes du Gothique est Fifth Church of Christ Scientist (Toronto). Un toit plat et moderne est soutenu par une série de piliers en béton coulé effilés dessinant un « L », qui s’étendent sous le large avant-toit. Entre les piliers, on trouve une vaste surface de verre, emblématique des cathédrales médiévales. Le complexe, organisé autour d’une cour, comprend une passerelle couverte qui rappelle les cloîtres médiévaux et un clocher à la charpente en acier ajouré.

Les lieux de culte de l’après-guerre de l’Ontario affichent un éventail éblouissant de formes tant surprenantes que novatrices, dans la continuité des grandes traditions et associations du passé.

St. Mary’s Coptic Orthodox Church, à Kitchener

Photo: St. Mary’s Coptic Orthodox Church, à Kitchener

L’église polygonale Wexford Presbyterian Church, à Toronto

Photo: L’église polygonale Wexford Presbyterian Church, à Toronto